Traduction : Christophe Mileschi.

Mimmo Gangemi a écrit 9 romans policiers qui ont eu du succès en Italie. Le premier opus des aventures du petit juge a été adapté en mini-série télé. Ce roman est le deuxième dans la série du petit juge Alberto Lenzi,  seuls romans de Gangemi publiés en France.

« Alberto Lenzi, magistrat dans une petite ville de la plaine de Gioia Tauro, aime les restaurants, les jolies femmes et ses parties de poker du vendredi soir. Mais la belle vie ne saurait durer : des travailleurs journaliers noirs se révoltent contre les conditions misérables dans lesquelles ils ramassent les oranges. Trois d’entre eux, ayant échappé à la police, sont sauvagement assassinés en rase campagne. Puis une cargaison de deux cents kilos de cocaïne arrivée au port dans un conteneur de planches d’acajou disparaît de manière inexplicable. Pas le moindre indice en vue. Le « petit juge » Lenzi, chargé de régler tout ça, sollicite sa source privilégiée, don Mico. Mais il soupçonne vite le chef de la famille Rota d’orienter l’enquête où bon lui semble… »

Mimmo Gangemi est né et a toujours vécu en Calabre, région où il situe son roman et ce n’est pas le moindre des charmes de ce roman, on est dans l’ambiance de cette petite ville de Calabre où les racontars circulent très vite, où les réputations sont fragiles mais où prononcer certains noms peut s’avérer mortel. On ressent l’attachement à cette terre qui doit être magnifique où il doit faire bon vivre si on ne tient pas compte de la puissance de l’emprise de la ndrangheta. La terreur qu’elle fait régner est intégrée à la vie, ancrée dans le comportement de chacun : il est des choses qui ne se font pas, ne se disent pas et peuvent à peine se penser. C’est une deuxième loi qui s’impose à tous et bien plus brutalement que celle de l’Etat. Mimmo Gangemi nous emmène parfois au cours de son récit au « cercle », une espèce de club où les sociétaires, notables, sont de véritables langues de vipères et c’est assez drôle d’assister à leurs rétropédalages quand ils sont allés trop loin.

Mimmo Gangemi  nous les montre ces familles ndranghetistes qui s’approprient sans état d’âme tout ce qui rapporte, dépouillent sans le moindre scrupule les gens du pays et bien sûr exploitent sans vergogne, entre autres les travailleurs africains sans papier. Il n’idéalise pas du tout leur pseudo code d’honneur, ce sont d’anciens paysans bien rustres, bien cupides qui n’hésitent pas à tuer, torturer et trahir pour accaparer les richesses de ce territoire ici principalement  le port où transitent les marchandises de bien des trafics. La seule chose sur laquelle les gens peuvent compter c’est qu’il y a plusieurs familles sur les rangs et qu’elles sont susceptibles de s’entretuer, tant qu’elles ne font pas de victimes innocentes, le petit juge s’en fout.

Le fond est noir mais le ton plutôt léger, le juge Alberto Lenzi ne se fait guère d’illusion sur lui-même et il n’a rien d’un héros. Il exerce son métier sans faire trop de zèle, évitant les zones dangereuses ou s’en accommodant et mène une vie agréable de petit macho italien. Il a quelques problèmes à supporter sa hiérarchie. Mais quand son orgueil est mis à mal, quand il devient la risée du tribunal parce qu’on a barboté une grosse quantité de drogue sous sa responsabilité, il voit rouge et est presque prêt à en oublier la prudence.

Presque… car en fait c’est vraiment dangereux !

On pense bien sûr à Montalbano même si le style est moins truculent que celui de Camilleri, mais c’est tout de même un bon polar avec une atmosphère bien à lui qui le rend agréable à lire.

Raccoon