Le commandant Victor Maniabosco a été mis à pied. Alors que l’IGPN enquête sur sa pomme, il croit trouver le salut en réactivant une affaire vieille de vingt ans. Tous les voyants sont au rouge mais cette fois, il pense que c’est la bonne et se lance sur la piste d’un tueur bestial. Si cette enquête reposait sur le modèle classique : un crime, un tueur, un flic, un indice, on continuerait d’être cartésien pénard, mais rien n’est jamais simple avec “Bosco”. L’un des chemins qui mènent à cette kermesse sanglante part d’Ouidah, la ville du Bénin où le vaudou serait né. Derrière le vaudou il y a tous ces aventuriers qui ferment l’arrière-ban de la décadence coloniale, derrière le tueur, un marionnettiste, derrière le marionnettiste, le détournement de fonds du siècle, perpétré jadis dans les coulisses d’une révolution. Maniabosco n’y peut rien, c’est son destin, dès qu’il met le nez dehors il est éclaboussé par les cadavres, coursé par tous les chiens de l’enfer, et il en fait profiter les autres.
J’avais déjà repéré Christian Casoni à la sortie de son premier livre, Juke : 110 portraits de bluesman, que je n’ai finalement jamais lu. J’ai également été tenté par le suivant, Sa majesté Clodomir, son premier roman, que je n’ai bien évidemment toujours pas lu. Et puis est arrivée l’annonce du suivant, Mourez jeunesses publié chez Le Mot et le Reste, qui m’a tout de suite fait de l’oeil. J’aurais très bien pu continuer sur ma lancée et ne pas le lire non plus, histoire d’être cohérent dans ma démarche. Un énième auteur que je n’aurais creusé qu’à sa mort, un prétexte qui tombe toujours bien. Mais la cohérence et moi… Et puis, il y a cette bien belle couverture, noire comme il faut, avec ce vautour inamical qui accroche l’oeil. On va voir si j’ai eu le nez fin.
Avec son deuxième roman, comme le premier, c’est du polar que nous propose Christian Casoni. Et les deux sont liés par un même personnage, le commandant de police Victor Maniabosco. Et pour du polar, c’est du polar bien dans les codes du genre. Dans un certain sens, une recette éculée, dans un autre, suffit d’un rien pour qu’il y ait le truc en plus. Et les codes du genre, le plus souvent, de prime abord, ça m’emmerde un peu. Je dois néanmoins reconnaître que ça ne m’empêche pas pour autant de vivre des lectures agréables. Je me dis juste, parfois, que l’originalité manque dans la démarche. Bref, tout ça pour dire que, dans les grandes lignes, Mourez jeunesse ne révolutionne pas le genre. Une enquête, plusieurs, des morts, en pagaille, un flic, pas tout à fait dans les clous sans être franchement marteau non plus, et j’en passe. Je ne vais pas vous faire la liste. Vous voyez où je veux en venir. Mais l’auteur sait tirer son épingle du jeu et avec une certaine classe.
Les forces de Christian Casoni, et donc du livre, sont au nombre de deux. Déjà, il y a son sens du détail, sa grande minutie pour dépeindre une toile de fond parfaitement crédible. Ici, bien que l’on soit essentiellement en France, c’est le Bénin, son histoire, ses rites vaudou et plus encore. Casoni connaît son affaire. On a des couches et des sous-couches. Il a potassé, c’est évident, et c’est tout en son honneur. Mais sa plus grande force, et pas des moindres, c’est sa plume. Une écriture que j’ai presque envie de dire « à l’ancienne ». Les dialogues sont très forts, les répliques percutantes. Ça fuse. C’est sec. Monsieur a du talent, ça ne déconne pas. Enfin si, beaucoup. L’humour ne manque jamais. Comme cela a déjà été dit à son sujet, il y a du Audiard, du Chabrol aussi, on y pense beaucoup. Qui plus est, le texte, dans ses images comme dans ses répliques, est cinématographique à souhait. Un raconteur d’histoire qui a l’art et la manière.
Christian Casoni signe un polar assurément bien ficelé au héros attachant. C’est excellemment bien écrit, riche en matière et répliques ciselées qui surinent. Foncièrement drôle sans oublier d’être noir. Les amateurs seront ravis, les autres aussi. A quand le film ?
Brother Jo.
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