Frédéric Paulin, Rennais depuis de nombreuses années bénéficie d’une belle côte d’amour chez ses pairs mais n’a pas encore connu le succès public qu’il mérite sans conteste. Souhaitons qu’avec ce nouveau roman édité à la maison d’édition rennaise Goater, il en soit différemment.

 
« Orbs patria nostra. Le monde est notre patrie.
Condottieres, Gardes Suisses ou corps francs sont relégués aux confins de l’histoire ou du roman lorsque Maxence Stroobants se tatoue la devise des mercenaires sur le corps. Au 21ème siècle, il vend son savoir-faire de combattant au plus offrant. De l’Irak au Niger, du Mali en Syrie, lui et ses compagnons escortent, sécurisent, défendent les intérêts politiques et économiques de pays ou d’entreprises internationales.
Mais lorsque la guerre rapporte trop d’argent et devient un business de multinationales tentaculaires, les gouvernements s’en inquiètent. Et tant pis si à l’époque de la guerre de basse intensité, les gouvernements utilisent les nouveaux mercenaires pour assurer la sale besogne.
Peut-être que Stroobants et les siens ont trop vite oublié la première règle de la guerre qui ne dit pas son nom : un mercenaire n’a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre.
Mais ce n’est pas sur le champ de bataille que Stroobants va devoir sauver sa peau. Les ors de la République et les cours de justice occidentales vont s’avérer des terrains bien plus dangereux qu’une ligne de front. »

 
Les lecteurs avertis verront tout de suite le lien avec Pukhtu mais si les officines paramilitaires étaient partie prenante du roman de DOA elles n’étaient néanmoins qu’un pan de l’œuvre pharaonique. Ici, ces petites entreprises très discrètes mais terriblement efficaces sont le sujet du livre et comme c’est une organisation française qui est suivie et cela nous permet de voir un peu les « entreprises » de l’Etat français dans son combat pour la liberté et la démocratie à travers plusieurs terrains de guerre au Moyen Orient ou en Afrique. De même que BAAD de Cédric Bannel permettait de mieux connaître l’Afghanistan, « le monde est notre patrie » s’avère un très bon complément à Pukhtu si vous avez été fascinés par cette manière de faire la guerre au XXIème siècle.

 
Dès les premières pages, vous êtes embarqués dans un autre monde où la violence et la mort sont toujours présentes, un monde qui ne nous émouvait plus tellement tant la répétition des images créait chez nous une regrettable habitude et une bien basse lassitude. Maintenant que la barbarie apparaît chez nous, on semble mieux comprendre ce que peuvent vivre toute leur brève vie certaines populations.

 
Bref, Paulin semble extrêmement bien renseigné et son récit est tout de suite vivant, vibrant et en même temps très informatif sur la paire Stroobants / Blaskó leaders de l’organisation, soldats de fortune et compagnons d’infortune que l’on suit sur les divers terrains de jeux des puissants : Irak, Syrie, Mali et Niger et aussi dans les salons où tout s’achète et tout se vend et où politiciens, banquiers et industriels se partagent le gâteau et décident, au chaud, de l’avenir de certaines régions du monde et de leurs populations. Et Stroobants découvrira rapidement qu’il est beaucoup moins dangereux de se déplacer entre l’aéroport et le centre de la ville la plus dangereuse du monde, Bagdad, que d’arpenter certains salons douillets de Paris.

 
En prenant le temps de raconter ses personnages, Frédéric offre ainsi un roman où les scènes spectaculaires alternent avec des moments qui permettent de mieux comprendre les comportements et les agissements de chacun. Bon, peut-être que l’auteur aurait pu faire l’économie d’une histoire d’amour mais, pas d’ennui, ça roule, ça secoue et dans les pas de DOA, Manotti, Oppel… Frédéric Paulin a écrit un roman « politique » qui comme ceux des auteurs déjà cités permet de voir un peu l’envers du décor.

 
Habile.

 
Wollanup.