Chroniques noires et partisanes

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Entretien avec AHMED TIAB à propos de « le Français de Roseville » chez l’Aube.

Ahmed Tiab est l’auteur d’un premier roman « le Français de Roseville » édité par les éditions de l’Aube paru ce mois de janvier qui m’a plu pour cette découverte de la ville d’Oran à diverses époques contemporaines et aussi pour son héros le commissaire Kémal Fadil personnage humain et dont le comportement nous fait espérer une suite. Voulant en savoir un peu plus sur cet auteur, j’ai posé quelques questions à Ahmed Tiab.

Votre présentation par l’éditeur est très brève et vous ne laissez que très peu de traces sur le net, alors qui êtes-vous Ahmed Tiab?

Difficile de dire qui on est. Le plus simple serait de vous dire que je suis né à Oran en 1965 et que je vis en France depuis 1990. A l’école primaire, j’ai appris le français, j’ai donc depuis le début vécu sous les deux cultures. J’ai fait différents métiers avant de devenir enseignant contractuel . J’insiste souvent sur ce dernier qualificatif car il ne m’enferme pas dans ce métier. J’aime avoir le choix ainsi que la liberté de changer pour continuer à aimer ce que fais. Aujourd’hui j’aime enseigner les langues étrangères, j’aime écrire.

Comment vient-on à l’écriture? Quel est le moment déclencheur?

Mon élément déclencheur pour le premier roman fut le visionnage d’un documentaire sur la rénovation du quartier de la Marine à Oran sur internet. Le réalisateur interrogeait des vieux sur la vie du quartier d’avant. Ils donnèrent tous une version plus humaine de la coexistence difficile certes, entre arabes, français et espagnols à Oran. J’aimais le côté bienveillant de leur récit. En Algérie l’histoire officielle, avec un grand H, est extrêmement cadrée. Trop peut-être.

Comment définiriez-vous votre roman, de façon plus précise que sur la quatrième de couverture ? Est-ce seulement un polar pour vous? Ou ce genre a-t-il juste été un instrument pour parler d’autre chose?

Je pense que l’intrigue polar me sert de prétexte pour parler des travers de la société que j’ai connue. J’avais envie de rendre certaines choses plus simples, voire banales. Décharger les vivants des héritages parfois trop lourds, qui empêchent d’avancer. Chercher l’apaisement et laisser penser que le bonheur du moment n’a que faire de l’histoire, ni de la vérité, fut-elle cruelle.

Votre roman est une ode à Oran, quelques mots amoureux pour décrire votre ville natale?

Je pense que cette ville a été jetée en pâture à l’incompétence générale. Elle mérite d’être élevée au rang de capitale Méditerranéenne comme Barcelone, Marseille ou Beyrouth qui après des décennies de guerre, fleurit pourtant à nouveau intellectuellement et artistiquement.

Pour quelle raison avez-vous quitté l’Algérie en 1990?

J’ai vécu les prémices de l’arrivée des islamistes dans le pays. Je ne voulais pas vivre dans une boîte noire. Claustrophobie.

Vous êtes un observateur et en même temps un acteur de la société française depuis 25 ans. Votre opinion du pays a-t-elle évolué depuis votre arrivée en France, avez-vous remarqué des mutations?

Énormes ! La mondialisation est passée par là. La ville est aujourd’hui surpeuplée (exode rural) et ses murs sont détériorés. L’infrastructure n’a guère évolué et les bidonvilles continuent à fleurir. A croire que la rente gazière, ce n’était que du… vent, justement.

Vous êtes enseignant et vous avez dû échanger avec vos élèves sur les attentats de janvier et de novembre. Comment, avec vos origines et votre confession (Commentaire: si vous n’êtes pas musulman, ce que j’ignore, comment avec les à-priori qui se sont créés en France sur les musulmans, les Arabes et particulièrement les Algériens, vous, au cœur du débat, de façon fortuite, avez-vous pu faire cet effort pédagogique demandé par le ministère) avez-vous traité ces événements?

Non. J’ai préféré laisser aux professeurs d’éducation civique qui sauraient intégrer l’élément dans leurs cours de façon naturelle. J’interviens pour ma discipline pour rappeler les grands principes républicains et la notion de liberté d’expression et de démocratie en des circonstances précises : guerre d’Espagne, Chili 1973, Argentine, Churchill, WWII etc …

Vous semblez bien connaître la société algérienne actuelle et ses problèmes que vous évoquez dans votre roman, retournez-vous souvent à Oran, avez-vous le souhait de retourner y vivre?

J’y retourne tous les deux ans environ. Mon pays c’est là où je vis. Je suis Français, mes enfants aussi. Mes amis, mes passions, mon jazz.

Quels sont vos auteurs favoris, lesquels vous ont donné envie d’écrire, quels auteurs algériens faut-il connaître ?

Je lis de tout. J’aime particulièrement Camus, Amine Maalouf et bien d’autres. Les algériens, il y a Djaout, Feraoun, Yacine, plus proche de nous il y a, Khadra et Maissa Bey.

Et bien sûr, quelle est la question que j’ai oubliée de vous poser ? avec la réponse évidemment ! Tout en vous remerciant de votre disponibilité.

De quoi parlera le deuxième opus « Le désert ou la mer » ?

Vous aurez la réponse en Avril.

C’est moi qui vous remercie pour vos encouragements.

Sans titre 3

Entretien réalisé par mail entre le 24 et le 26 janvier 2016.

Wollanup

LE FRANÇAIS DE ROSEVILLE de Ahmed Tiab/Editions de l’Aube.

 

Ahmed Tiab, enseignant à Nyons signe ici son premier roman aux éditions de l’Aube. Originaire d’ Oran en Algérie, il dresse un portrait attachant de sa ville à différentes époques contemporaines par le biais d’un polar d’investigation tendance cold case.

« Oran, Algérie. Le commissaire Kémal Fadil est appelé sur un chantier de rénovation du quartier de la Marine, où viennent d’être retrouvés des restes humains datant vraisemblablement des années 1960. Il semble qu’il s’agisse d’un enfant qui portait autour du cou un crucifix. L’enquête ne s’annonce pas simple ! En réalité, elle avait été commencée bien plus tôt, menée par des policiers français… »

Ce résumé m’a immédiatement évoqué Indridason et de fait, de par sa belle plume et de par sa narration Ahmed Tiab peut être considéré comme un disciple convainquant du maître islandais dès ce premier essai.

Personnellement, ce roman m’aura permis d’avoir une image d’ Oran moins empreinte de relents de colonialisme. Enfant j’ai fait mes premiers pas incertains dans cette ville, fils d’un militaire en garnison à Oran. Alors cet aspect émotionnel influence peut-être mon comportement de lecteur et de chroniqueur mais j’ai effectivement été séduit par ce roman.

En présentant Oran aux débuts des années 50 au crépuscule des colonies avec l’arrivée d’un Breton, obscur fonctionnaire et personnage central de l’intrigue policière, puis au début des années 60 pendant les années de la Révolution et enfin de nos jours, Ahmed Tiab montre son attachement à la ville, décrit ses gens, son ambiance la faisant ressembler à tant d’autres belles villes méditerranéennes.

Dans une première partie, nous faisons connaissance avec Kémal commissaire de police et de son pote Moss légiste en chef et version algérienne de Clete Purcel par sa corpulence, ses goûts vestimentaires et sa fidélité en amitié. L’environnement du héros ne nécessitait peut-être pas autant de précisions même si c’est l’occasion de rencontrer un homme comme Che Guevara venu soutenir le peuple algérien qui venait de conquérir son indépendance mais aussi de bien asseoir ce qui semble bien être le premier volume d’ une série.

Puis une histoire de sales types racontée avec une plume précise et agréable. Un coup pourri pensé et réalisé par des minables, une tragédie prévisible et un immunité gagnée à la faveur du flou de cette période qu’évoque l’auteur par petites touches montrant les rapports qui régissaient Français et Algériens à l’époque. Si ce n’est absolument pas un polar sur la guerre d’Algérie, elle est néanmoins souvent présente en arrière plan comme les problèmes actuels, d’émigration communs à toutes pays du bassin méditerranéen, de fanatisme religieux.

Une belle surprise.

Wollanup.

PS: j’aurai quand même une question perfide…Pourquoi le crucifix présent sur certaines couvertures trouvées sur le web a-t-il disparu de la couverture officielle du roman  ?

 

 

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