Das Dämmern der Welt
Traduction : Josie Mély
« Soudain, trouant le silence, une voix me demanda : “Si vous ne souhaitez pas voir l’empereur, qui d’autre pourriez-vous avoir envie de rencontrer au Japon ?” » À cette question, Werner Herzog répondit sans hésiter : « Onoda. » Le nom, à lui seul, a l’apparence d’une énigme. En 1945, lorsque le Japon capitule, Hiroo Onoda est un soldat de l’armée impériale à qui l’on a confié la défense d’une petite île des Philippines. Ignorant la défaite de son pays, retranché dans la jungle, il continuera pendant près de trente ans une guerre imaginaire où les véritables ennemis sont moins les troupes américaines qu’une nature hostile… et ses propres démons. Werner Herzog, qui a consacré ses plus grands films à la folie des hommes, imagine les scènes de ce combat épique et absurde, mené à la frontière indécise du rêve et de la réalité. Jusqu’à un face-à-face vertigineux avec Onoda, qu’il a personnellement connu.
Certains seraient tentés de dire que le nom du réalisateur Werner Herzog ne déchaine plus autant les passions que par le passé, celui-ci ne réalisant plus de films aussi fous que ses grands succès que furent, par exemple, Aguirre, la colère de Dieu ou Fitzcarraldo. Je ne partage pas cet avis. Si il n’occupe peut être plus autant le devant de la scène, bien que jouissant toujours d’une aura de réalisateur « culte », il reste hyper productif et sa filmographie n’est pas moins enthousiasmante aujourd’hui. Il est de ces artistes sans compromis qui fascinent et forcent le respect.
Une constante dans l’œuvre de Werner Herzog est son intérêt pour les trajectoires de vie singulières. Ainsi, il est tout naturel que la vie du japonais Hiroo Onoda, depuis longtemps entré dans la légende, finisse par faire l’objet d’une œuvre – mais cette fois-ci littéraire – de Herzog. Bien qu’ayant déjà publié des livres, Le crépuscule du monde est son premier roman, ce qui déjà, en soit, me réjouissait d’avance. Le voir s’aventurer sur un nouveau terrain, avec une carrière déjà particulièrement riche, prouve bien qu’il est encore en capacité de nous surprendre. Et puis, il faut dire ce qui est, nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne surprise.
Peut-être en attendais-je trop ou autre chose, mais je ne peux pas dire que Le crépuscule du monde m’ait marqué outre-mesure. Bien que l’on ne sache pas vraiment où se situe dans ce roman la frontière entre fiction et réalité, l’histoire de Hiroo Onoda telle qu’on la connaît, et telle que nous la raconte Werner Herzog, captive indéniablement. Pour autant, l’écriture assez épurée, à mon sens à l’image d’un scénario comme Herzog a dû en écrire plein, manque de profondeur. Je ne retrouve pas la dimension littéraire et poétique de Herzog que j’avais appréciée dans Sur le chemin des glaces, publié en France en 1980, et qui reste aujourd’hui encore un très beau récit. J’imagine que ça n’était de toute façon pas son objectif. Étant habituellement assez partisan de l’épure, je ne trouve pas la démarche pertinente ou aboutie dans ce roman-ci précisément. J’émets l’hypothèse que la plume de Herzog fait peut être plus sens ici en langue allemande. Les images fortes qu’aurait dû nous laisser cette folle errance dans la jungle, cette guerre d’un seul homme, accompagné de trois soldats qui eux périront au fil des années, ne sont pas aussi marquantes que j’ai pu l’espérer. Cela s’avère un poil insatisfaisant mais la lecture reste fluide et agréable.
Le crépuscule du monde n’est ni un grand roman, ni un mineur. Il n’est ni bon, ni mauvais. Il se situe dans cette zone un peu frustrante des œuvres qui n’arrivent pas à pleinement convaincre mais sans complètement décevoir non plus. Il me paraît évident que le sujet du livre est pour beaucoup dans l’intérêt que l’on peut lui porter. Peut-être attendais-je une œuvre plus herzogienne que cela ou, peut-être, celle-ci est est-elle si herzogienne que c’est tout simplement moi qui n’en est pas encore saisi pleinement la portée. Pour faire simple, on a là une histoire mémorable pour un roman qui l’est un peu moins.
Brother Jo
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