condor

Traduction: Alain Gnaedig.

Sonatine + est la petite collection par le format de Sonatine qui devient grande par ses choix malins. Proposant des inédits d’auteurs connus (Ellory, Crews), elle frappe maintenant un grand coup avec la réédition du seul polar de l’auteur norvégien Stig Holmas paru en France à la série Noire en 2001.

« William Malcolm Openshaw, poète, intellectuel et amoureux des oiseaux, a eu plusieurs vies. Depuis des années, il erre aux quatre coins du globe, de Mexico à Tanger, en passant par Bogotá et Le Caire, ne fréquentant que les quartiers les plus pauvres. « Je me contente de traverser les villes, de les quitter en marchant lentement. » William est un homme hanté par de mystérieuses tragédies, par des secrets dont il ne parle pas. Au Portugal, à la suite d’une agression, il fait la connaissance de Henry Richardson, attaché à l’ambassade britannique de Lisbonne. Ce dernier semble en savoir beaucoup sur le passé de William, beaucoup trop même. Sur les disparitions, les morts violentes, les ombres et les trahisons qui ont jalonné son parcours. Richardson a peut-être même les réponses aux questions que se pose William sur sa vie d’avant, sur la tragédie qui a brisé son existence. Une véritable partie d’échecs à base de manipulations s’engage alors entre les deux hommes, dont l’issue ne peut être que tragique. »

Le ressenti d’un roman dépend de tellement de facteurs qui nous sont propres qu’on n’est jamais certain qu’un livre qu’on a adoré séduira de la même manière des gens qu’on pense connaître et celui-ci n’échappe pas à la règle et pourtant quel roman!J’avais lu « le faucon » à sa sortie et n’avais pas été spécialement séduit par lui et pourtant cette nouvelle lecture m’a comblé au plus haut point.

L’époque, l’état d’esprit, le type de romans, l’expérience, la concentration, l ‘originalité,que sais-je, une étrange alchimie intérieure et non maîtrisée et j’ai redécouvert ce roman qui est une pure merveille. Mais tout brillant qu’il soit, « le condor » ne séduira que les lecteurs affirmés et prêts à pénétrer dans un mystère bien profond que les échanges entre William et Henry l’attaché de l’ambassade britannique maintiennent opaques suppléés dans cette sournoise manœuvre d’enfouissement par des apartés,des retours sur l’enfance,des questions sans réponses. Mystère de la destinée de William qui a erré pendant de nombreuses année dans les coins les plus misérables de la planète et mystère d’une narration particulièrement virtuose qui nous livre que des fragments de son existence.

Des souvenirs de coquelicots, des émerveillements enfantins devant une sauterelle, le dernier condor de Californie, les trottoirs de Calcutta, une banque qui explose pendant un hold-up, une odeur de moisi et d’amandes, Monica, la littérature russe, la révolution … Des images poétiques bouleversantes, horriblement malheureuses ou nostalgiques d’un poète qui vit le même destin anachronique que Rimbaud, chantre talentueux qui termine sa vie de l’autre côté, loin de la beauté du monde qu’il a pourtant si bien écrite ou rêvée. Une enfance terrible qui provoque la reproduction des actes abjects vus et vécus, une tristesse infinie qu’on comprend peu à peu sans néanmoins l’excuser.

C’est divinement écrit par un auteur lui-même avant tout poète et l’écriture est aussi magique que douloureusement désespérée comme du James Sallis.

Et à la fin Stig Holmas vous emporte dans son abîme et d’une  phrase anodine, une seule, la dernière, il vous assassine.

Chef d’oeuvre.

Wollanup.