Traduction Isabelle Reinharez.

« Le chant de la Tamassee » est le deuxième roman de Ron Rash, publié aux Etats-Unis en 2004. On ne présente plus Ron Rash, grand écrivain américain, il est né en Caroline du Sud et vit actuellement en Caroline du Nord. Il a reçu de nombreux prix dont le grand prix de littérature policière en 2014 pour « Une terre d’ombre ». Les livres de Rash sont toujours enracinés dans un territoire mais par son talent, son écriture où il mêle le noir et le tendre, il parvient toujours à leur donner une portée universelle. Ici encore, une fois de plus, il nous livre un magnifique roman, et j’ignore pourquoi il n’a pas été traduit plus tôt !

 
« La Tamassee, protégée par le Wild and Scenic Rivers Act, dessine une frontière entre la Caroline du Sud et la Géorgie. Ruth Kowalsky, 12 ans, venue pique-niquer en famille sur sa rive, fait le pari de poser un pied dans chaque État et se noie. Les plongeurs du cru ne parviennent pas à dégager son corps, coincé sous un rocher à proximité d’une chute. Inconscient des dangers encourus, son père décide de faire installer un barrage amovible qui permettra de détourner le cours de l’eau. Les environnementalistes locaux s’y opposent : l’opération perturbera l’état naturel de leur rivière, qui bénéficie du label « sauvage ». Les deux camps s’affrontent violemment tandis que le cirque médiatique se déchaîne de répugnante manière et que des enjeux plus importants que la digne sépulture d’une enfant apparaissent… »

 
Maggie Glenn, la narratrice est photographe de presse. Originaire du comté d’Oconee où s’est produit le drame, elle est chargée de couvrir cette affaire avec son collègue journaliste Allen Hemphill. Elle connaît parfaitement cette communauté de montagnards où elle a grandi et les deux mondes qui cohabitent autour de la Tamassee.

 
Les autochtones qui ne peuvent plus exploiter les ressources forestières autour de la rivière depuis qu’elle est classée : très religieux, soudés, ils prennent soin les uns des autres. Ils respectent la rivière, même s’ils l’exploitaient, ils en connaissent la puissance, craignent sa violence comme ils craignent Dieu, c’est d’ailleurs dans la rivière qu’ils se baptisent… Mais elle sait leur rigidité et leur brutalité quand on ne respecte pas leurs valeurs, elle a testé leur intolérance, notamment celle de son père (étouffant dans ces montagnes, elle est partie dès qu’elle a pu).

 
Les écolos, arrivés plus tard, qui se sont battus pour faire classer la rivière, menés par Luke leur leader charismatique, ancien amant de Maggie. Lui est mystique, la rivière est vivante, magique, passage entre la vie et la mort. Maggie a partagé son point de vue, partage encore ? Elle sait en tout cas que la rivière est fragile et que le moindre écart à cette protection, même provisoire créera un précédent qui permettra aux promoteurs et rapaces de tout poil qui guettent toujours, comme partout dans le monde la moindre occasion de se faire de l’argent.

 
Puis il y a les parents de la fillette noyée, effondrés de douleur, Allen, le reporter qui a perdu sa femme et sa fille et chez qui ce drame fait douloureusement écho, le constructeur du barrage, scientifique méprisant quelque peu les «culs-terreux » du coin et les politiques, puants, allant toujours dans le sens du vent !

 
Tout au long du roman, la tension monte. Rash réussit à créer une ambiance inextricable sans jamais tomber dans la facilité du manichéisme, tous ses personnages sont humains, vivants, crédibles, tous souffrent… mais la tension ne pourra retomber qu’après un déchainement de violence, forcément ! Maggie oscille entre toutes ses loyautés, position inconfortable s’il en est… Rash nous parle de culpabilité, de pardon…

 
Et ce n’est qu’un pan de l’histoire, s’y greffe également une histoire d’amour entre Maggie et Allen, l’histoire du père de Maggie… un roman très riche !

 
Avec bien sûr, cerise sur le gâteau, des pages magnifiques sur la rivière (attention : rivière aux Etats-Unis c’est quelque chose de bien plus grand et puissant que ce que ça évoque en France, voyez la couverture !). Et là, Rash est le roi ! Il décrit comme personne cette nature qui nous accueille et nous façonne !

 
Un roman magnifique et fort !

 
Raccoon