La frontière transalpine au cœur de cette région savoyarde est propice au passage de migrants…Mais quand un « boeuf-carottes » débarque pour un contrôle administratif de routine dans ce poste de la police des frontières, il se voit confronté à un meurtre dénué de rapport avec ces passages illégaux. Son personnage ingrat, rustre, quasi insociable s’impose pourtant et le résultat n’en est que plus savoureux, à la hauteur des diots aux crozets!

« Le train arrive dans la petite gare de Thyanne, terminus de la ligne. Priam Monet descend pesamment d’un wagon. Presque deux mètres pour un bon quintal et demi, mal sapé et sentant le tabac froid, Monet est un flic misanthrope sur la pente descendante. Son purgatoire à lui c’est d’être flic à l’IGPN, la police des polices. Sa mission : inspecter ce petit poste de la police aux frontières, situé entre les Alpes françaises et italiennes. Un bled improbable dans une vallée industrieuse où les règles du Far West ont remplacé celles du droit. Monet n’a qu’une idée en tête, accomplir sa mission au plus vite, quitte à la bâcler pour fuir cet endroit paumé.

Quand on découvre dans un bois le cadavre d’un migrant tombé d’une falaise, tout le monde pense à un accident. Pas Monet. Les vieux réflexes ont la peau dure, et le flic déchu redevient ce qu’il n’a cessé d’être : un enquêteur perspicace et pugnace. La victime était-elle un simple migrant? Qui avait intérêt à la faire disparaître? Quels lourds secrets cache la petite ville de Thyanne? Monet va rester bien plus longtemps que prévu. »

Sans nul doute que Priam Monet n’aurait osé s’aventurer seul dans ces contrées montagneuses, lui l’exclusif du XIème arrondissement parisien, qui plus est pour y retrouver ses « galons » d’enquêteur. Il se prend au jeu dans une société régie par un patriarcat de l’économie locale. Malgré sa propension marquée de franchise pathologique, qui lui ôte bien souvent une quelconque once diplomatique, « l’horloge comtoise » intégrera pas à pas la vie de cette contrée telle un négatif de sa personnalité. Vite rebuté par son caractère abrasif, n’ayant par contre rien du spartiate, on découvre par son évolution captieuse toutes ses facettes. Et alors on mesure l’étendue du personnage plus complexe qu’il n’y paraît. Si vous aimez les récits du  sous-préfet Schiavone, le personnage récurrent d’Antonio Manzini, vous aimerez les tribulations de Priam Monet sous la houlette plumitive de Laurent Guillaume!

L’homme et l’homme de loi présentent des compétences contrebalancées par un empirisme grevé de sa touche irascible et brut de décoffrage. Or, il s’en rendra compte sans se l’avouer, il sied au contexte du pays et s’immisce, s’intègre avec des tuteurs pour lesquels l’affection point. En effet, dans le roman, les personnages secondaires sont joliment esquissés et vivent dans leur réel, dans leur quotidien avec leur passé, avec leur histoire, leur responsabilités incompressibles. Ils vont à merveille avec Priam comme un complément au déficit de sociabilité, qui traduit, aussi, sa volonté inassouvie de polir ses angles aigus. La montagne ne porte que son ombre mais les ombres sont multiples et portent à la cécité. Cécité propre et cécité des esprits bien souvent formatées par une éducation, par une culture n’autorisant plus l’esprit critique, le recul, le libre arbitre.

Efficace sur un Monet binaire, non sur un Monet à la personnalité multiple et profonde. Monet, le cousin Parisien de Schiavone!

Chouchou