Chroniques noires et partisanes

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LE TEMPS EST LA PLUS GRANDE DISTANCE de Larry Fondation / 10/18

Time Is The Longest Distance

Traduction : Romain Guillou

Étudiant brillant, Lawrence préparait une thèse sur les écrivains Nathaniel Hawthorne et Nathanael West quand il a perdu pied. Dépression, dégringolade, pour échouer sur les trottoirs de Los Angeles. Entre démence et lucidité, Lawrence survit dans un monde cabossé. Hanté par son passé et ses lectures, il confond les opérations de police de la ville et les procès des sorcières de Salem, ressasse ses vieux cours de biologie et tâche tant bien que mal de se raccrocher au peu qui lui reste : ses rassurantes superstitions, les corbeaux qu’il côtoie, et Bekah. 

Ce n’est que tout récemment que le nom de Larry Fondation a été porté à ma connaissance et ma curiosité fut immédiatement piquée au vif. Avec la récente réédition au format Poche, chez 10/18, de son roman Le temps est la plus grande distance, mon prétexte pour découvrir son œuvre fut tout trouvé. 

Une lecture bien singulière que ce livre. J’aime les lectures singulières même si elles sont imparfaites ou difficiles. Il faut des lectures singulières. Elles ont le pouvoir d’élargir notre horizon littéraire, de nous rappeler qu’il y a tout un monde à l’écart de la norme. Ce sont les livres dont je me souviens le mieux, qui me posent question, sur lesquels parfois je bute ou dont je ne sais que penser. En parler, en revanche, n’est pas forcément évident. 

Que dire de Le temps est la plus grande distance ? C’est un roman sombre et chaotique. Un livre court mais qui marque par son âpreté. Une plongée assez radicale dans les bas-fonds de Los Angeles par lesquels Lawrence, personnage principal, est aspiré et dévoré. Une perte de repères tant pour Lawrence que pour le lecteur. Point de lumière ici, que des ombres dans l’obscurité. Une réalité brutale mais confuse. 

Mais au-delà de l’histoire, il y a cette plume, cette écriture si particulière. Une dimension poétique très prédominante. Des passages entiers en vers et de très courts chapitres (si tant est que l’on puisse parler de chapitres) se présentant comme des bribes de pensées égarées. Certains parlent de puzzle et il y a de ça. Il nous faut tenter d’emboîter les pièces les unes dans les autres. Un exercice pas évident mais prenant. J’ai néanmoins l’impression que, comme souvent pour ne pas dire toujours, la poésie souffre ici de la traduction (à l’image d’un Bukowski par exemple). Il est aisé, je pense, de se faire une fausse impression du roman en français. A lire, peut-être, plutôt dans sa langue d’origine pour en saisir toute la puissance.

Le temps est la plus grande distance ne plaira pas à tout le monde. C’est une certitude. C’est un roman exigeant, non pas par sa taille, mais par ce qu’il dit et la façon dont il le fait. Ne vous y trompez pas, c’est même au-delà du roman. Attendez-vous plus à un poème tortueux, urbain et noir de crasse. Larry Fondation nous embarque là où personne ne souhaite finir.

Brother Jo.

EFFETS INDÉSIRABLES de Larry Fondation / Editions Tusitala.

Traduction: Romain Guillou.

Larry Fondation a grandi dans un quartier chaud de Boston et quand à l’âge adulte, il déménage à L.A. pour sa carrière de journaliste, il devient médiateur de quartier à South Central L.A. et Compton et certainement que son expérience personnelle lui a servi pour ses écrits. Quatrième partie d’une œuvre qu’il envisage comme un octet sur los Angeles « Effets indésirables » est paru en 2009 aux USA et on ne peut que féliciter les éditions Tusitala pour la poursuite de la diffusion des bouquins de Fondation autrefois édités par Fayard.

Fondation photographie la ville de Los Angeles ou plutôt ses habitants mais pas les Californiens bronzés et bodybuildés qui pensent être les élus du troisième millénaire mais plutôt ceux que le grand rêve américain (vaste farce) a laissés sur le bord de la route par leur faute ou par la folie d’un monde occidental sans pitié pour les plus faibles, les plus démunis ou les plus malchanceux.

Formé de nouvelles allant de quelques pages à quelques lignes « Effets indésirables » offre des instantanés terribles, crus, toujours tendus où la morale est souvent battue en brèche par la folie, l’addiction ou le désir de s’en sortir coûte que coûte. La chute de ces petits instants de vie est souvent à couper le souffle, sidérante, nous choquant, nous provoquant de la même manière qu’un Eric Williamson, c’est dire l’urgence de lire Fondation.

De sales histoires qui donnent à réfléchir, comme un Carver qui aurait changé de public pour s’intéresser aux plus démunis, lancées par des phrases qui cognent dur « J’avais vraiment envie de tuer quelqu’un mais je ne voulais pas aller en taule. », « J’étais censé l’abattre, mais je me suis dégonflé. » mais aussi parfois agrémentées d’un ton très enthousiasmant comme pour dégonfler un peu la pression« Je ne parlais que l’anglais quand je suis entré dans le taxi-phone ; en sortant, je parlais aussi espagnol. »  ou par des passages plus lyriques « le soleil apporte avec lui son lot de contraintes. » . Beauté vénéneuse.

Indispensable !

Wollanup.

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