Traduction: Fabrice Pointeau.

 

Alors, il est tout à fait normal que les éditeurs fassent la promotion de leurs auteurs et des romans qu’ils présentent mais parfois, peut-être, qu’ils prennent les lecteurs pour des gogos. Sonatine dont nous suivons assez régulièrement les sorties est, pour moi, un nom magique pour toujours associé au chef d’œuvre de Tim Willocks « la religion » et pour bien d’autres raisons aussi reste une maison sérieuse proposant des thrillers souvent de bonne facture si on excepte le deuxième roman  de Robert Pobi qui, lui, était un grand foutage de gueule pour le lecteur ayant lu le précédent.

Or, donc,si on lit le bandeau accompagnant le roman, Sonatine a découvert le nouveau Michaël Connelly.  Je dois avouer que je ne suis pas un grand spécialiste de l’auteur mais, néanmoins je peux vous garantir d’une part que le personnage principal Darian Richards, d’un point de vue psychologique, est à des années-lumière de Harry Bosch et d’autre part, jamais ici, on ne ressent la tension, l’angoisse et le dégoût provoqués par la lecture du superbe roman de Connelly « le poète ». Bien sûr, tout cela est encore une question de goût, ce n’est juste que mon impression mais il semblerait aussi que l’on ne soit pas très sûr de son affaire chez Sonatine puisqu’ on aborde la série Darian Richards à sa quatrième aventure.

Alors, que va-t-il se passer ensuite ? Va-t-on nous refourguer les aventures précédentes en cas de succès de « l’affaire Isobel Vine », des romans qu’on n’a pas jugé bon d’éditer en premier afin de respecter une certaine chronologie qu’affectionne en général le lecteur sérieux ? Cavanaugh risque-t-il de disparaître si ce roman ne marche pas ? Tony Cavanaugh serait-il devenu le nouveau Michaël Connelly en cours d’écriture du quatrième roman mais pas avant ?

Comme on rate le début de la série, certains aspects de la psychologie des personnages restent mystérieux et pour cause, l’auteur a déjà eu trois romans pour tout expliquer aux lecteurs, il ne va peut-être plus trop s’étendre à l’avenir sur les heurts et malheurs de Darian pendant toute la saga. Alors, on apprend des bribes de son histoire. Il a vécu quatre ans dans une cabane au bord d’un lac mais pourquoi ? On l’ignore. Il a quitté la section criminelle de Melbourne mais pourquoi ??? Il ressasse une précédente affaire, et cela finit par être gonflant, notre ignorance, pendant tout le bouquin, au point qu’on pense, hélas en vain, qu’elle va être résolue dans ce roman. C’est certainement raconté dans un précédent volume, une histoire de tueur du train qu’il n’a jamais réussi à choper mais pour quelles raisons ? Peau de balle ! Beaucoup de trous noirs pour le lecteur ainsi qu’un sentiment qu’on vous a refilé un produit trop gravement tronqué pour être apprécié à sa juste valeur. Pour terminer, même le choix de la couverture n’est pas très réussi car si l’image est belle, elle n’a par contre aucun rapport ni de loin ni de près, y compris dans la symbolique, avec le contenu du livre. Par contre, si vous êtes d’accord sur la filiation avec Connelly, vous pouvez même rêver de lire toute la geste de Darian Richards dans l’ordre et donc de manière cohérente et plus en phase avec la pensée de l’ auteur ainsi que, peut-être, remarquer une évolution dans l’écriture . Les chroniques que j’ai pu lire encensent le livre et il est peut-être temps d’arrêter avec les regrets et de parler du roman qui mérite néanmoins considération malgré cette grosse déception.

« Pour n’importe quel passant, les rues, les places, les jardins de Melbourne possèdent un charme certain. Pour Darian Richards, chacun de ces lieux évoque une planque, un trafic de drogue, un drame, un suicide, un meurtre. Lassé de voir son existence ainsi définie par le crime, et uniquement par le crime, il a décidé, après seize ans à la tête de la brigade des homicides, de passer à autre chose. Une vie solitaire, plus contemplative.

Il accepte néanmoins de sortir de sa retraite par amitié pour le chef de la police qui lui demande de disculper son futur successeur, en proie à des rumeurs relatives à une ancienne affaire : en 1990, après une fête donnée chez elle, on a retrouvé le corps sans vie de la jeune Isobel Vine. Suicide, accident, meurtre ? L’enquête fut d’autant plus délicate que quatre jeunes flics participaient à cette soirée. Elle fut classée sans suite, mais le doute persiste sur ce qui s’est réellement passé.

Reprendre des investigations vingt-cinq ans après les faits n’est jamais une partie de plaisir, surtout quand l’affaire concerne de près la police. Les obstacles ne manquent pas. C’est sans compter sur le caractère obstiné, rebelle et indiscipliné de Darian Richards et sur sa fâcheuse habitude à porter davantage d’attention et de respect aux morts qu’aux vivants. »

Dès le départ, vous aurez compris qu’on va découvrir un meurtre et non pas un suicide sinon à quoi passerait-on les 400 pages du bouquin parce que Cavanaugh est peut-être Connelly mais n’est pas Thomas H. Cook réussissant à vous trimbaler comme il veut. On est  dans un « cold case » où sont impliqués quatre flics de Melbourne qui ont gravi de hauts échelons depuis cette histoire. Alors, il y a pas mal de clichés dans cette histoire et chez les personnages et les lecteurs assidus de polars les verront très bien mais il y a aussi une grande maîtrise du dosage du suspense allant jusqu’à la création de moments de tension factices pour faire monter la pression. Les purs et durs du polar ne marcheront certainement pas dans ces artifices.

Utilisant par ailleurs des chapitres courts, technique de plus en plus utilisée dans les thrillers, Tony Cavanaugh maîtrise parfaitement son histoire et la manière de la raconter, très formatée certes, mais qui fonctionne et va crescendo dans une deuxième partie où il fait parler l’assassin. Par ailleurs, les multiples retours sur la situation initiale de 1990 offrent une compréhension plus fine et permettent de conforter ou d’infirmer certaines de nos présomptions. Si on ajoute un beau rebondissement dans la dernière partie, on tient là un honnête thriller, idéal pour les lecteurs qui ne vont pas souvent vers le polar. Rien d’ inoubliable mais rien de désagréable non plus. Il existe déjà d’innombrables romans ressemblants sur la forme et le fond.

Wollanup.

PS:Dans le bouquin,  une référence au groupe aussie « Hunters and Collectors » très bienvenue et qui m’a rajeuni de plus de deux décennies.