Les canons de « ma » littérature noire s’inscrivent dans un cadre flottant. Mais si un ouvrage contient, outre sa noirceur variable, un décalage burlesque, une critique sociale et/ou politique et donc, surtout, une plume maitrisée sans esbroufe, sans forfanterie, il entre dans un cercle semi fermé. Jérôme Leroy en fait partie. Et par ce titre, qui ne vante pas l’aliénation aux tiges goudronnées, il porte de nouveau son discours clair militant, qui fuit l’obscurantisme guidé par le népotisme, l’hypnose de masse.

«Dans une grande ville de l’Ouest, le temps est suspendu et l’on s’attend au pire. Enfin, si seulement on savait à quoi s’attendre… Mais il aurait fallu que l’indic parle plus tôt. Ou que le flic auquel il s’est confié avant d’être descendu ne soit pas lui aussi tué par erreur. Il aurait fallu que les types qui préparent le coup ne se retrouvent pas éparpillés aux quatre coins de la ville, planqués dans des caves et des entrepôts. Il aurait fallu que cette affaire là ressemble à ce que l’on connait. Seulement qui pouvait prévoir que tout repose entre les mains d’une gamine encore au lycée, de cette petite gauloise mystérieuse et prête à tout pour que sa vie ait un sens. »

Ce court roman possède d’emblée la verve, la nervosité, la propension d’étaler des problèmes sociétaux. En agglomérant ses acteurs dans un domino d’actes reliés par un fil rouge, il crée son tempo cadençant notre lecture avec délectation. Tout en insérant des passages doués d’un humour noir ou blanc, en concédant ces incises, il crédibilise le propos néanmoins ses idées, son message s’affranchit de circonvolutions absconses.

Des vérités nous sont assénées dans un contexte établi et nous permettent notre propre réflexion. Est-ce que la situation actuelle en lien avec le terrorisme, les enjeux culturels, la vraie politique, le vivre ensemble, répondent à une analyse binaire et simplement manichéenne? Et Jérôme Leroy « ose », de nouveau, la tentative de mise à plat. Il nous interroge, il nous pousse à ouvrir nos pupilles mais nous confronte, aussi, à sa réalité dans des issues sans échappatoire voulues par des politiques bas du plafond.

A l’instar d’un Jonquet ou d’un Fajardie, je sais je m’y réfère  régulièrement mais que voulez-vous…, l’auteur présente cette acuité de recul sur son temps et par le prisme du roman noir brut nous renvoie à des sujets forts. Il ne s’autorise pas la censure, l’eau tiède, il percute, il gifle, il raffûte, il balance des torgnoles qui vous réveillent, vous permet de garder les paupières ouvertes et met vos sens en alerte.

La politique du terrain sans fard mais éclairé!

Chouchou