Dans une actualité récente, la lutte de mouvements spécistes apparaît au premier plan. Récurrence du discours, vidéos en caméras cachées chocs, lobbying implicite, tout de leur combat évoque un débat où la manichéisme semble être une règle fondatrice, intangible. C’est bel et bien ce propos présenté dans ce roman noir, qui pourrait apparaître comme une diatribe, un manifeste de la cause, où s’affichent les mutations idéologiques, sociétales d’un monde régi par une bien-pensance vectorisée inéluctablement par la force et l’impact médiatique.
« Un policier est retrouvé égorgé dans un abattoir des Hauts de France. Un post-it est collé sur sa poitrine avec inscrit dessus : « Peuvent-ils souffrir ? ». Un groupe de défenseurs des animaux, de spécistes, est rapidement mis en cause. Etienne Barzac de l’IGPN, la police des polices, découvre de plus que le fonctionnaire assassiné a un passé chargé et complexe. Il part mener son enquête avec le lieutenant Salima Belloumi, plus pour éloigner la jeune femme et la protéger de son mari violent. Et on va découvrir « ce qui se dit » dans cette curieuse enquête. C’est seulement après que l’on apprendra « ce qu’il s’est passé ». Comment des jeunes sont devenus de militants absolus de la cause animale, ce qui se passe réellement dans ces abattoirs d’où des images effrayantes commencent à parvenir à la connaissance du grand public. »
Breton, Frédéric Paulin est l’auteur de plusieurs romans noirs historiques et de polars mélangeant critique sociale et chronique policière. Il fut lauréat en 2014 du « Grand prix du roman Produit en Bretagne », un prix délivré par les libraires de Bretagne à l’unanimité.
L’auteur prend le parti de nous conter cette enquête politique, de narrer les ramifications étiologiques de ce meurtre, par les prismes, les regards des différents protagonistes en n’obéissant pas à une sacro-sainte chronologie.
On est face à des personnages traînants tous leurs douleurs, tous leurs non-dits. Ils se font face, ils s’affrontent, ils pensent souvent lutter pour leurs ou des idéaux. Et cet assassinat révélera une assourdissante cacophonie de pensées personnelles qui bien trop souvent restent parées d’un idéalisme brinquebalant. C’est aussi la lutte de chacun dans le chemin choisi jonché de crevasses, de murs trop hauts, de déviations dématérialisées, conférant au propos romanesque sa substance humaine marquée. Les hypothèses initiales sont mises à rude épreuve. Tout n’est pas exhaustivement décrit, poussé jusqu’à son terme, et le récit souffre, peut-être, de certains décrochages dans son fil directeur mais l’on se prend à communier avec certaines des personnalités. (chacun les trouvera ou s’y trouvera naturellement…)
Comme assez régulièrement le roman noir nous présente des accointances avec le travail journalistique d’investigation. Le verbe est descriptif et ne laisse peu de place à un enrobage dit « littéraire ». Paulin construit, avec ses faiblesses, ses maladresses, un roman malgré tout attachant laissant à réfléchir. Et c’est bien aussi l’objectif d’une œuvre romanesque.
Cris et hémoglobine !
Chouchou
En toute logique le titre associé ne pouvait être que celui-ci cité par l’auteur lui-même.
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