Si vous ne connaissez pas encore le talentueux Romain Slocombe, une des grandes plumes du Noir français, ce nouveau roman profond vous permettra avec bonheur de remédier à cette regrettable carence.
Avril 1942. Au sortir d’un hiver rigoureux, Paris prend des airs de fête malgré les tracas de l’Occupation. Pétainiste et antisémite, l’inspecteur Léon Sadorski est un flic modèle doublé d’un mari attentionné. Il fait très correctement son travail à la 3e section des Renseignements généraux, contrôle et arrête les Juifs pour les expédier à Drancy. De temps en temps, il lui arrive de donner un coup de main aux Brigades spéciales, d’intervenir contre les « terroristes ».
Mais Sadorski est brusquement arrêté par la Gestapo et transféré à Berlin, ou on le jette en prison. Le but des Allemands est d’en faire leur informateur au sein de la préfecture de police… De retour à Paris, il reçoit l’ordre de retrouver son ancienne maîtresse, Thérèse Gerst, mystérieuse agent double que la Gestapo soupçonne d’appartenir à un réseau antinazi.
Après « Monsieur le commandant » en 2011, Romain Slocombe retourne dans cette période noire et trouble de l’Occupation pour mettre en avant le rôle de la police française de l’époque sous les traits de l’inspecteur des RG Léon Sadorski. L’homme est un grand patriote, engagé volontaire à 17 ans pendant la première guerre mondiale, fonctionnaire zélé, flic efficace, se pensant au-dessus du lot, intellectuellement parlant, de la flicaille qui l’entoure y compris ses chefs. Mais Sadorski est aussi un homme malhonnête n’hésitant pas à accepter des « pots de vin », un être qui a très peu d’états d’âme et un personnage qui sous des dessous d’homme marié amoureux de son épouse cache des perversions assez terribles et des fascinations glauques, un beau salaud comme vous pourrez le découvrir à de multiples reprises. Alors, l’éternel couplet et c’est vrai par ailleurs, les policiers en temps que fonctionnaires finalement assujettis à une autorité nazie, étaient aux ordres et se devaient bien d’exécuter les tâches qui leur étaient assignées. Disons que certains y mettaient plus d’entrain que d’autres et Sadorski en faisait partie.
Avec ce personnage hautement haïssable ne déclenchant pas une once d’empathie mais qu’on suit avec passion comme certains pourris du quatuor de Los Angeles de James Ellroy qu’on retrouve avec délice parce qu’on attend ardemment leur chute, Romain Slocombe nous raconte le Paris de la collaboration où politiques, industriels, banquiers, artistes fricotent à qui mieux mieux avec l’occupant. La bibliographie de fin d’ouvrage montre le travail de recherche colossal de Slocombe pour produire un roman historique crédible, précis et vivant jusque dans les moindres détails (l’heure allemande pendant l’Occupation par exemple !), une véritable richesse pour les personnes désirant en savoir un peu plus sur l’époque ou tout simplement la découvrir pour les plus jeunes éblouis par des tentations politiques dont l’Histoire a déjà montré ce qu’elles pouvaient occasionner de très fâcheux.
Mais « l’affaire Léon Sadorski » est avant tout un roman noir, un polar parce que Sadorski, après avoir été emprisonné à Berlin et questionné par la Gestapo revient avec des ordres qu’il entend bien exécuter avec empressement et montrer l’étendue de son talent en se découvrant de plus des talents de justicier dans une affaire où il comprendra très vite qu’il n’aurait pas dû y mettre les pieds.
Source d’enrichissement sur une période historique sombre et polar diablement efficace, « L’affaire Léon Sadorski » est un très bon roman propice à la réflexion, éclairé par la plume d’un Romain Slocombe grand conteur comme à son habitude.
Sombre.
Wollanup.
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