Chroniques noires et partisanes

Étiquette : la bête noire

L’ EMPATHIE d’Antoine Renand / La Bête Noire / Robert Laffont

Marion Mesny et Anthony Rauch sont deux flics de la brigade du viol à Paris. Pour ce job, la première qualité requise est l’empathie. Il faut qu’ils soient assez proches des victimes pour que celles-ci leur apportent un témoignage assez précis afin qu’ils puissent traquer et arrêter leurs bourreaux. Pour autant, ils ne doivent pas s’attacher de trop près aux victimes.

Mais Marion et Anthony ne manquent pas d’empathie. Ils ne sont pas devenus flics dans cette brigade par accident. C’était leur choix, leur vie. Leur parcours, à chacun, les a conduits naturellement à pourchasser ces monstres sans que ce soit le hasard pur.

Une nouvelle enquête  commence, ils doivent trouver un prédateur particulièrement violent : Alpha. Il entre chez les gens par les fenêtres, quel que soit l’étage. Il les humilie, les violente, les viole bien sûr, mais son trip est vraiment dans l’anéantissement de toute rébellion, dans l’avilissement de ses victimes. Quand ses proies sont à sa merci, il se sent alors tout puissant.

La force de ce roman se situe dans ses personnages. L’auteur alterne entre le passé et le présent de chacun afin de bien comprendre chacune de leur action, comment, chacun arrive à ce moment précis de son histoire. Cela nous permet de comprendre leurs réactions en tant que chasseur, victime ou bourreau. Le personnage principal reste Anthony dit la Poire qui cache un lourd secret qui le consume peu à peu. Pour autant, aucun des protagonistes n’est laissé de côté, et chacun est fouillé, analysé, suivi. Vous pouvez les aimer, les détester, les plaindre, les comprendre mais aucun ne vous laissera indifférent. Antoine Renand réussit ainsi à vous donner à vous, lecteur, l’empathie nécessaire pour suivre et comprendre chacun des personnages de cette histoire. Les traumatismes endurés durant l’enfance doivent permettre d’aider les autres, avoir de la sollicitude, de la bienveillance envers ceux qui nous entourent. Ils ne doivent en aucun cas conditionner notre vie d’adulte. Il faut savoir faire face, être plus fort encore et lutter contre ces sentiments de rage et ne pas les laisser prendre le dessus.

En fermant ce livre, ce n’est pas l’histoire en elle-même qui restera dans vos têtes, bien que celle-ci soit très bien ficelée. Non, ce sont plutôt Anthony, Marion, Alpha, Louisa, Déborah, ces hommes et ses femmes dont l’auteur nous montre les forces et les faiblesses, et nous fait les aimer ou les détester, avoir de la compassion pour chacun d’eux.

Marie-Laure

SADORSKI ET L’ANGE DU PÉCHÉ de Romain Slocombe / La Bête Noire.

On retrouve dans ce nouvel opus l’inspecteur Léon Sadorski de l’Affaire Léon Sadorski (2016) et de l’Étoile jaune de l’inspecteur Sadorski (1917).

Nous sommes désormais au printemps 1943, et suite à une dénonciation, Sadorsky arrête une jeune femme soupçonnée d’être une juive munie de faux papiers, et qui ferait du trafic de métaux précieux.

Paris vit toujours sous occupation allemande, les restrictions sont de plus en plus nombreuses, l’hiver a été long et dur pour la population. Malgré tout, Sadorski continue son travail sans aucun scrupule : « Le devoir, c’est ce qu’on doit faire, un point c’est tout ».

Et des scrupules il en a peu, il continue de traquer les juifs et les cocos, de faire du marché noir, des vols en abusant de son pouvoir de policier des RG, ou chez les personnes arrêtées.

Notre inspecteur est toujours un beau et parfait salaud. Il ment, triche, abuse des femmes, est pervers, colérique et franchement odieux. C’est le personnage que l’on ne peut que détester.

Lors d’une enquête dans son propre immeuble, il fait la connaissance de l’officier nazi Pick. Celui-ci va lui conter le cheminement des hommes, des femmes, des enfants de tous âges, des vieillards, déportés dans les wagons à bestiaux. Nous sommes en 2018, et certes nous connaissons les horreurs produites pendant la guerre, mais ces descriptions, sans états d’âmes glacent le sang.

On parcourt les couloirs de Drancy lors d’une sélection à la déportation, le quartier général de la police où a lieu les interrogatoires. On entend pleurer, crier, supplier derrière les portes, on assiste à la mise à tabac d’un homme soupçonné d’être un « coco ».

Sadorski prend part à tout cela. Parfois comme observateur approuvant, parfois comme acteur très zélé. Mais Sadorski, qui n’a aucune morale, est quand même secoué par les révélations de Pick, « Sadorski voit des éléments qui lui plaisent dans la France de la Révolution Nationale, et d’autres qui ne lui plaisent pas ». Au fil des pages, il est pris entre sa haine des « youpins », son égocentrisme, et son besoin de protéger ses femmes,  il glisse ainsi de plus en plus dans le crime grave, s’ engluant dans les affaires pour « sauver » quelques personnes. C’est une façon pour lui d’assouvir ses fantasmes avec les femmes qu’il rencontre mais aussi de se donner bonne conscience : nous sommes en 1943, des rumeurs de débarquement se font de plus en plus entendre, et les Français « collabos » commencent à craindre la fin de la guerre.

Une fois encore, Romain Slocombe a fait un travail de recherche approfondi pour nous livrer ce livre relatant la France de 1943. La bibliographie de fin prouve l’impressionnante documentation utilisée afin de nous offrir un roman très détaillé et réaliste de la vie sous l’occupation allemande, vous êtes plongé au cœur de Paris en 1943, et c’est poignant.

« Nous avons tous à choisir, par rapport à la loi mais aussi la morale »

Au vue de l’époque actuelle, il est bon de se souvenir des périodes de notre histoire dont nous ne sommes pas fiers mais qui nous rappellent jusqu’où peut aller l’homme dans sa haine contre autrui.

Marie-Laure.

TOUTE LA VÉRITÉ de Karen Cleveland / Robert Laffont / La bête noire.

Traduction: Johan-Frédérik HEL-GUEDJ 

Les 80 premières pages sont assez prometteuses. Il s’agit d’une histoire d’espionnage, Vivian travaille à la CIA, dans la division contre-espionnage russe. Elle a en charge de débusquer des agents dormants sur le territoire américain. Dans ses recherches, elle tombe sur les photos d’une cellule de 5 agents, parmi eux, une photo de son mari. Elle rentre alors chez elle et lui demande depuis quand il est un espion russe. Pas de tergiversation, ce dernier lui avoue sa double vie tout de suite. Tout bascule alors : qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? 10 ans de sa vie reposent sur un mensonge, que doit-elle faire pour sauver ce qu’il reste, ses enfants ?

Malheureusement, je n’ai pas trouvé que la suite du livre était à la hauteur de ces premières pages. Le rythme est très lent, avec beaucoup de répétitions, faites sans nul doute pour faire monter le suspens, mais je suis restée assez en retrait, et du coup, ces longueurs m’ont essoufflée. Aucune véritable surprise dans la suite du roman, dans les interrogations de l’héroïne, ses prises de décisions, le dénouement final, on attend un retournement, mais qui n’arrive jamais, on reste sur sa faim. Karen Cleveland reste dans la facilité de l’intrigue, elle offre aux lecteurs une histoire peu plausible et connue d’avance.

De plus, l’auteur tombe facilement dans des caricatures : les américains sont droits, honnêtes, pleins de bons sentiments, alors que les Russes ont tous les défauts possibles : ils sont menteurs, manipulateurs, et ne s’arrêtent devant rien pour arriver à leurs fins, même s’en prendre à des enfants.

Il s’agit d’un premier roman pour Karen Cleveland qui a passé huit ans à la CIA comme analyste. On peut donc penser que “Toute la vérité” souffre de ce manque d’expérience dans l’écriture. Nous ne pouvons qu’espérer qu’elle soit plus audacieuse pour les prochains.

Marie-Laure.

COUPABLE de Jacques-Olivier Bosco / La bête noire / Robert Laffont.

 

Avant toute chose, ne lisez pas la 4ème de couverture, qui dévoile, je trouve, un peu trop des imbrications de l’enquête. Le premier plaisir que j’ai trouvé dans ce livre est de me laisser mener par Jacques Olivier Bosco dans les méandres de l’histoire et dans la chronologie souhaitée par l’auteur, sans être polluée par des informations déjà apportées par le résumé. Pour ceux qui ont aimé le premier opus, Brutale, on retrouve ici notre héroïne Lise Lartéguy, flic ultra speed, en proie à ses démons, qui tente de se maîtriser et d’avoir une vie « normale ». Mais une personne qui est incapable de faire face à ses ténèbres est-elle capable d’avoir une vie sociale et humaine acceptable dans notre société ? Ce tome est l’occasion pour Jacques Olivier Bosco d’approfondir son personnage, et ainsi de nous en apprendre un peu plus sur Lise et sur les raisons de son comportement ultra violent. Cela nous permet de nous attacher un peu plus à elle et de tenter de la comprendre.

La base de l’histoire est liée à un de ses proches, son parrain et directeur de la PJ, qui est retrouvé assassiné dans une rue de Paris, l’équipe de Lise étant chargée de l’enquête. Que s’est-il passé ? Lise est-elle directement impliquée, son animalité a-t-elle pris le dessus, et l’a-t-elle poussée à agir indépendamment de sa volonté ?

On a l’impression de voir se dérouler devant nos yeux un bon film d’actions à l’ancienne, avec ses scènes bien violentes, ses cascades à la Belmondo, imprimé dans un contexte plus français qu’américain, et une atmosphère bien contemporaine.

Le récit est entrecoupé de flashback sur la jeunesse de Lise, l’évolution de son mal être durant l’adolescence, et sa façon de gérer ses comportements ultra violents dans sa vie de tous les jours. Nous en apprenons également davantage sur la vie de ses parents à cette époque, de leur relation de couple et dans leur façon de soutenir, canaliser leur fille ou au contraire accentuer ses dérives. Ces retours en arrière cassent le rythme du livre, ce qui le rend moins précipité que Brutale. Cela permet de reprendre son souffle dans le récit. L’écriture est fluide, rapide et simple, qui colle parfaitement à la personnalité de l’héroïne et au tempo imposé dans le livre. Vous commencez, vous ne vous arrêtez pas, vous cherchez vous-même à comprendre pourquoi, à résoudre l’enquête et à connaître l’origine du mal de Lise au fil des indices distillés dans l’histoire.

Ce livre est la suite logique du premier volume  où apparaît Lise, nul doute que si vous avez apprécié Brutale, vous aimerez Coupable, et vous aurez envie de retrouver à nouveau ce personnage atypique, violent, et pour autant extrêmement féminin. Oui elle est flic, agressive, elle n’a peur de rien, mais elle est quand même très féminine et très sexy, à l’image d’une Nikita ou de Black Mamba dans Kill Bill. N’hésitez plus !

Marie-Laure.

KABOUL EXPRESS de Cédric Bannel / Robert Laffont / la Bête Noire.

 

 

Il existe un autre Afghanistan ; celui où les militaires ont troqué leur place avec la police. Pourtant, la violence, telle un roc, ne daigne pas laisser sa place. Comme une gangrène, elle s’étend jusqu’en Irak, en Syrie et ailleurs, en Europe.

Zwak, Afghan, dix-sept ans et l’air d’en avoir treize, un QI de 160 et la rage au coeur depuis que son père a été une « victime collatérale » des Occidentaux. Devant son ordinateur, il a programmé un jeu d’un genre nouveau. Un jeu pour de vrai, avec la France en ligne de mire. Et là-bas, en Syrie, quelqu’un a entendu son appel… De Kaboul au désert de la mort, des villes syriennes occupées par les fanatiques de l’Etat islamique à la Turquie et la Roumanie, la commissaire de la DGSI, Nicole Laguna, et le qomaandaan Kandar, chef de la Crim de Kaboul, traquent Zwak et ses complices. Contre ceux qui veulent commettre l’indicible, le temps est compté.

Autant ne pas mâcher ses mots. Kaboul Express est un excellent thriller ! Cédric Bannel a rassemblé tous les ingrédients pour titiller petits cœurs fragiles de lecteurs : il y a des rebondissements et du suspense. Une alchimie très bien dosée qui permet de nous imprégner de l’ambiance. Et quelle ambiance !

Les personnages ne sont en rien caricaturaux, ce qui est vraiment plaisant. Zwak, le jeune prodige de 17 ans, engagé par Daech pour commettre un attentat en France, est un personnage complexe qui ne laisse transparaître aucune émotion. Et même, il est décrit comme un génie (ce qu’il est) ayant pour mentor Leonard de Vinci.

On aimera le personnage de Nicole Laguna, malgré le fait qu’elle soit peu mise en avant.

Le qomaandaan Kandar a quelque chose d’extraordinaire – un homme au passé singulier, sniper et bras droit du commandant Massoud. C’est un personnage épris de justice dans un pays où tous les coups sont bons pour parvenir à ses fins. Contrairement aux autres, Oussama Kandar évite autant que possible le recours à la violence.

Il en va sans dire que cette tâche est particulièrement difficile.

Ce qui frappe dans ce roman, c’est le rendu de la violence qui est omniprésente, une telle violence, qui devient presque habituelle, nous choquerait presque. Que ce soient les policiers ou les hommes de Daech, tous ont recours à des méthodes brutales, qui résultent souvent par la mort. La mort est aussi un personnage qui fait partie du quotidien des Afghans, des Syriens et des Irakiens.

L’autre richesse de Kaboul Express est la description de l’efficacité des services secrets français, DGSI. Bien sûr, à notre place de lecteur, on peut se poser la question de ce qui est vrai ou non… Mais on aurait tendance à y croire ! Et il est effrayant de voir que la hiérarchie, le réseau et la stratégie de Daech soient aussi efficaces…

Bison d’Or.

RAGDOLL de Daniel Cole / Robert Laffont / La Bête Noire.

Traduction : Natalie Beunat.

C’est en Angleterre, à Londres, que Daniel Cole plante le décor de son premier roman. Et pour une fois, il fait chaud, même très chaud. Pourtant, la pluie guette au coin de la rue, cela n’étonnera personne.

Tout va bien jusqu’à la découverte d’un cadavre particulièrement étrange : Ragdoll.

Un « cadavre » recomposé à partir de six victimes démembrées et assemblées par des points de suture a été découvert par la police. La presse l’a aussitôt baptisé Ragdoll, la poupée de chiffon.

Tout juste réintégré à la Metropolitan Police de Londres, l’inspecteur « Wolf » Fawkes dirige l’enquête sur cette effroyable affaire, assisté par son ancienne coéquipière, l’inspecteur Baxter.

Chaque minute compte, d’autant que le tueur s’amuse à narguer les forces de l’ordre : il a diffusé une liste de six personnes, assortie des dates auxquelles il a prévu de les assassiner.

Le dernier nom est celui de Wolf.

Ragdoll est ce genre de roman qui plonge  le lecteur dans un dilemme de taille. Le roman est vendu comme étant un coup de maître ou le digne héritier littéraire du film S7ven, pourquoi pas ? L’accroche met l’eau à la bouche. Et malgré tout, on a la sensation que ce roman sera on ne peut plus classique.

On ne dit pas : « je n’aime pas avant d’avoir goûté », alors laissons nous tenter !

Cela va sans dire que l’intrigue tourne autour de la découverte de multiples membres rapiécés entre eux pour ne former qu’un corps. L’idée du puzzle est une bonne idée, on progresse donc en direct, comme les médias, dans l’avancement de l’enquête. Enquête ou le temps est compté car le tueur a fait parvenir en plus de cette poupée de chiffon une liste de six noms qui seront tués les jours prochains. L’auteur nous plonge donc dans l’intimité de ces flics en proie à des difficultés de faire avancer l’enquête et devant assurer comme ils le peuvent la protection  de six victimes désignées. Tous les éléments pour nous faire vibrer sont là, de l’action, du suspense et bien évidemment, les théories iront bon train !

Et les personnages dans tout ça ? Ils n’échappent pas à la règle des clichés auxquels on nous a habitués. Wolf, l’inspecteur, censé être le personnage principal, à défaut d’être alcoolique est violent, et divorcé. Finalement, le moins attachant. Contrairement à Emily Baxter, très attachante dans le rôle d’une inspectrice caractérielle néanmoins fragile et sensible et amoureuse. Elle ne laissera personne indifférent ! Mais la palme d’or revient à Edmund, le stagiaire moqué par ses collègues qui, de prime abord, semble faible, se révèle être un personnage incroyable tout en restant simple et humain.

Autant ne pas cracher dans la soupe, Ragdoll n’est pas incroyable mais fortement plaisant Et prendre du plaisir, quoi demander de plus ? On passe un bon moment de lecture, on s’étonne de cette fin que Cole a bien pensé. Effectivement, il y a des airs de S7ven, de Heavy Rain pour les connaisseurs de jeux-vidéo.

Enfin on referme le livre puis on passe à autre chose.

Bison d’Or.

BRUTALE de Jacques-Olivier Bosco / Robert Laffont, La Bête noire.

« Des jeunes vierges vidées de leur sang sont retrouvées abandonnées dans des lieux déserts, comme dans les films d’horreur. Les responsables ? Des cinglés opérant entre la Tchétchénie, la Belgique et la France. Les mêmes qui, un soir, mitraillent à l’arme lourde un peloton de gendarmerie au sud de Paris.
Que veulent-ils ? Qui est cet « Ultime » qui les terrorise et à qui ils obéissent ?
Face à cette barbarie, il faut un monstre. Lise Lartéguy en est un. Le jour, elle est flic au Bastion, aux Batignolles, le nouveau QG de la PJ parisienne. La nuit, un terrible secret la transforme en bête sauvage. Lise, qui peut être si douce et aimante, sait que seul le Mal peut combattre le Mal, quitte à en souffrir, et à faire souffrir sa famille. »

Le bouquin le plus difficile à chroniquer, et de loin, est celui écrit par un ami et JOB est un pote, épistolaire, mais un pote dans le sens où on partage certaines idées, certaines passions et colères. J’ai eu l’occasion de « bosser » un peu avec lui sur un bouquin qui n’est pas encore édité et j’ai pu voir en partie comment il fonctionne. Et en lisant ce « Brutale » j’ai bien retrouvé l’auteur de ses années Jigal avec ses qualités et parfois ses emportements ainsi que l’ apparition d’une certaine maturité dans ses choix plus affermis. Continue reading

BAAD de Cédric Bannel /Robert Laffont / La Bête noire.

L’été, les vacances pour les chanceux, c’est l’occasion de rompre avec la monotonie, de voyager un peu même si au train où va le monde, l’espace qui dépasse notre coin de pelouse ou notre palier deviendra une aventure. Bref, si vous n’avez pas la chance, l’envie ou les moyens, ce thriller de Cédric Bannel va vous faire voyager à moindres frais. Sans le conseil précieux et avisé de Glenn Tavennec le directeur de la collection « la bête noire », il n’est pas certain que j’aurais entrepris ce voyage périlleux vers l’Afghanistan tant il me semblait impossible de m’attacher dorénavant à une histoire se situant dans ce pays depuis ma lecture de « Pukhtu Primo » de DOA. Et j’avais tort…

« BAAD » : Homme mauvais, violent, cruel avec les femmes.
BARBARIE Des jolies petites filles, vêtues de tenues d’apparat, apprêtées pour des noces de sang.
ABOMINATION Deux femmes, deux mères. À Kaboul, Nahid se bat pour empêcher le mariage de sa fille, dix ans, avec un riche Occidental. À Paris, les enfants de Nicole, ex-agent des services secrets, ont été enlevés. Pour les récupérer, elle doit retrouver un chimiste en fuite, inventeur d’une nouvelle drogue de synthèse.
AFFRONTEMENT Il se croit protégé par ses réseaux et sa fortune, par l’impunité qui règne en Afghanistan. Mais il reste encore dans ce pays des policiers déterminés à rendre la justice, comme l’incorruptible chef de la brigade criminelle, le qomaandaan Kandar.
DÉFLAGRATION Nicole et Nahid aiguisent leurs armes. Pour triompher, elles mentiront, tortureront et tueront. Car une mère aimante est une lionne qui peut se faire bourreau. »

BAAD, cette définition pourrait, devrait s’appliquer à 90% de la population masculine du pays tant le pays est dirigé, commandé par des hommes et pire, vous le savez, par des religieux, et comme toutes les religions ont été créées par des hommes pour asseoir le pouvoir des hommes, les pires d’entre elles sont aussi les pires pour les femmes. Et ici, on va très loin dans l’abomination dans un pays aux comportements moyenâgeux où la corruption est le sport national. Classé antépénultième du classement mondial annuel de 2015 de « Transparency International », l’Afghanistan ne devance que la Corée du Nord et la Somalie. Bref, dans ce pays où tout s’achète et tout se vend, les femmes sont des produits qu’on peut acheter et remplacer quand et comme bon vous semble. On le sait tout cela mais Cédric Bannel, par l’intermédiaire de son intrigue sur des meurtres de fillettes à Kaboul, va nous montrer des exemples concrets dans la vie des femmes de Kaboul qui ne semblent être finalement que les seules vraies victimes de la religion.

L’ Afghanistan est en guerre depuis de très nombreuses années. « La guerre avait été trop longue,trop violente. Guerre contre l’envahisseur russe, mais aussi guerre civile: traditionalistes contre modernistes, croyants contre communistes, djihadistes contre modérés, Tadjiks contre Pachtouns. Il y avait eu trop de combats, trop de clans, trop de camps. »Le pays est de loin le premier producteur mondial de pavot à opium avec tous les trafics que cela implique et personne n’ignore que Daesh y est fortement implanté tout comme Al-Qaïda et vous comprendrez à quel point le pays est gangrené.

Alors forcément une intrigue criminelle située dans le cloaque qu’est Kaboul prend tout de suite une dimension impressionnante et crée une intrigue renversante, très loin de nos critères et décors habituels et de nos modes de pensée occidentaux. Mais le cadre ne suffit pas et l’auteur a su faire revenir ce personnage chevaleresque Oussama Kandar, flic intègre et chef de la brigade criminelle de Kaboul, déjà héros de « l’homme de Kaboul » paru également chez Robert Laffont en 2011 et qui a connu un grand succès en France et dans plusieurs pays européens. A cette belle intrigue est greffée une seconde que j’ai trouvée plus dispensable car nous faisant quitter le cadre afghan pourtant bien prenant pour suivre Nicole Laguna menacée par la Mafia, obligée de retrouver un mystérieux chimiste virtuose.

Bien sûr, les deux intrigues se rejoindront, bien sûr les deux héros se rencontreront dans des épisodes très cinématographiques dans des contrées très reculées du pays, créant un roman très addictif, au climat très dépaysant, dépeignant une société afghane accablée par les traditions, la religion et permettant d’entrapercevoir la réalité du pays avec ses ethnies, ses cultures et ses souffrances.

BAAD? GOOOD!

Wollanup.

 

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