Après Viper’s Dream de Jake Lamar qui inaugurait une série Rivages Noir “ New York Made in France “, voici le deuxième opus signé Karim Madani, auteur et journaliste, spécialisé dans les cultures urbaines. Alors si pour Queens Gangsta, on quitte le Harlem de Manhattan pour Queens, il nous est conté à nouveau une histoire de caïds de la came, la coke et le crack de Queens prenant le pas sur la weed de Harlem de Lamar. Cette série de romans se résumerait-elle à une histoire de la came dans la grande pomme?
Le touriste, de passage à New York, ne verra certainement de Queens que les aéroports: JFK pour les vols internationaux et La Guardia pour les vols intérieurs. Et pourtant, loin de la frénésie du sud de Manhattan ou du nord de Brooklyn, il y a une vie dans Queens même si c’est nettement moins glamour qu’Alphabet City ou DUMBO. Les malheureux qui y sont mal nés tentent de s’en sortir et le chemin le plus dangereux mais aussi le plus lucratif, c’est le taf de la came pour ces petits blacks. C’est ce que nous raconte Karim Madani qui a déjà écrit par le passé sur les ghettos angelenos dans Les damnés du bitume et qui revient avec bonheur à leurs équivalents new yorkais qu’il avait déjà traités partiellement dans Jewish Gangsta.
“Au début des années 80, dans le Queens à New York, des adolescents noirs et pauvres sont bien décidés à s’approprier le rêve américain à leur façon. Personne ne se doute que du complexe HLM où ils vivent, vont sortir deux des cerveaux criminels les plus machiavéliques de la ville. Kenneth McGriff et son neveu Gerald Miller vont vite apprendre l’algèbre de la cocaïne et du crack.”
Queens gangsta raconte une histoire vraie, celle de deux petits ados blacks qui se lancent dans les affaires en achetant leur premier kilo de cocaïne. Ils sont déjà des soldats de la came mais Kenneth McGriff “Prem” a beaucoup réfléchi, a le sens des affaires, ne recule devant aucune violence, devant aucun sacrifice et va bénéficier de l’arrivée du crack, moins chère que la coke, très facile à réaliser et méchamment destructrice.
“Mais la vérité c’est que le crack est juste le produit parfait pour le consommateur. La coke c’est la drogue de la finance, mais le crack c’est celle du néo-capitalisme reaganien. Les usines ferment et des fours ouvrent dans toutes les villes américaines. CRACK: bienvenue dans l’économie du tertiaire.”
Aidé par son neveu, Gérald Miller “Prince” plus jeune de trois ans et par leurs potes du quartier, ils établissent leur petite affaire qui devient un empire sur New York sous le nom de la Supreme Team, gang redoutable qui n’avait pas peur de s’attaquer aux gang colombiens.
L’histoire est violente et on imagine très bien l’issue, Prem et Prince aussi. Ils sont dans une espèce de “vida loca” telle qu’elle est définie par la Mara Salvatrucha, une existence à base de violence, accommodée ici avec des bombasses, des grosses caisses allemandes, des chaînes lourdes et visibles, du bling-bling jusqu’à l’indigestion. Parallèlement, avec bonheur, Karim Madani nous dresse une photo détaillée de Queens dans les années 80: la vie, les bandes, les quartiers, la zik, le rap avec le label Def Jam et Run DMC…
“Le système de l’enfer de Dante”, ça parlait de Jamaïca Queens. Neuf cercles: les dealers, les fournisseurs, les camés, les voleurs, les tueurs, les kidnappeurs, les putes, les arnaqueurs et les flics corrompus.
Si la fin de l’histoire est très prévisible, le roman, très percutant, se lit néanmoins avec passion. Queens Gangsta se révèle finalement comme un document précieux pour tous les amoureux de New York écrit par un auteur très maître de son sujet, M.C. Madani !
Clete
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