The English Major

Traduction : Brice Matthieussent

Plaqué par sa femme à soixante-deux ans, Cliff quitte tout et prend la route. II traverse les États-Unis de part en part, bientôt rejoint par la peu farouche Marybelle. Parfois mélancolique, toujours truculent, ce voyage lui apportera-t-il la renaissance tant recherchée ?

“Une odyssée américaine”, le roman que l’on doit à Jim Harrison et publié originellement en France en 2009, revient dans une nouvelle édition poche chez J’ai Lu.

Qui bouffe du noir et du policier, comme cela se pratique chez Nyctalopes, a parfois besoin de retrouver un peu la lumière. Point trop n’en faut. Une bonne dose salvatrice, régénératrice, de temps en temps. N’abusons pas des choses saines. Enfin, je ne suis pas docteur… Le doc Brother Jo ? Allez, pourquoi pas ? Ça sonne bien. Juste pour une fois ! Je vous fais une petite prescription non remboursée par la sécurité sociale. C’est bon pour ce que vous avez. N’allez pas croire non plus que je vais vous recommander un banal « feel-good book ». J’ai mieux. C’est de la bonne qui libère l’esprit.

Jim Harrison est toujours présenté comme l’écrivain des grands espaces. Ce qui n’est pas faux. Mais c’est aussi l’écrivain des petites choses de la vie qui parfois mènent à de grands bonheurs. En écrivant simplement, sans envolées lyriques, sans tournures de phrases alambiquées, sans se répandre et sans jamais nous perdre, il nous fait goûter à la vie et Une odyssée américaine en est un parfait exemple.

Cliff est à la fin d’une vie et peut-être à l’aune d’une nouvelle. Sa femme le quitte, emportant avec elle sa ferme qui faisait de lui un paysan heureux, le laissant déraciné : « Je me retrouvais donc, à soixante ans, sans foyer vers où retourner, ce qui ne faisait pas de moi un cas isolé. Le temps nous convainc que nous faisons corps avec lui, après quoi il nous laisse sur le carreau. » A cela s’ajoute la perte récente de sa chienne bien-aimée dont il fait toujours le deuil. Pour renouer avec lui-même, il décide de prendre la route à travers les Etats-Unis. Il en profite pour essayer de refaire le puzzle de sa vie, revisiter son passé, revivre sa sexualité qui lui réserve encore quelques surprises. 

L’odyssée à laquelle nous convie Jim Harrison est délicieusement grivoise, drôle et pleine d’humanité. On rencontre toute une galerie de personnages insolites qui n’en finissent pas de bousculer notre héros dans sa quête, un peu hasardeuse, de frugalité et de liberté. La nature n’est jamais loin, comme toujours. On visite, on apprend, on respire. On avale les kilomètres avec Cliff. On se délecte de la plume de notre auteur : « Enfant, quand j’ai commencé à pêcher la truite avec mon père, il me disait tous les jours que les dieux et les esprits vivaient dans les torrents et les rivières, une information qu’il tenait du copain chippewa de son propre père. Je n’en ai jamais douté. Où pourraient-ils vivre sinon ? » Peut être dans les mots de Jim Harrison ? 

A lire, à relire, à recommander et à partager.

Brother Jo.