Traduction : Hubert Malfray.

« American girl » est le premier roman de Jessica Knoll, rédactrice en chef à Cosmopolitan. Il a connu un grand succès aux Etats-Unis et va être adapté au cinéma.

« Sur le point d’épouser celui que n’importe quel magazine féminin désignerait comme l’homme idéal, Ani, jeune et jolie journaliste, est tenaillée par le doute. Obsédée par son image, elle peaufine compulsivement les moindres détails de sa vie glamour pour incarner aux yeux de tous l’héroïne infaillible qu’elle rêve de devenir. Celle dont la réussite, incontestable, laissera tout le monde sur le carreau. Derrière ce besoin éperdu d’invulnérabilité, derrière ce désir implacable d’être la New-Yorkaise branchée sous tous rapports, un terrible saccage intime, qu’elle refoule depuis l’adolescence. Et une lutte de tous les instants – contre ses souvenirs, contre le regard des autres, contre d’insoutenables accusations, contre la réputation qui lui colle à la peau depuis que sa vie a basculé dans la terreur. Une terreur entière, souveraine. Plus forte que la honte, que le désir de vengeance, que la souffrance – plus forte que tout. »

Dès la première page, on sent que quelque chose ne va pas chez Ani qui, examinant un couteau de cuisine sur sa liste de mariage, pense à le tester en l’enfonçant dans l’estomac de son fiancé. Puis on la suit dans sa vie de new-yorkaise branchée et elle parait assez agaçante, fashion victim dévouée aux apparences dont le but ultime est d’éblouir, d’en mettre plein la vue, écartant ses rivales sans états d’âme au boulot, partout… une vraie peste de chick lit.

Puis les flash-backs commencent, on entre dans l’intimité d’Ani, la narratrice, et sa vulnérabilité apparaît, sa terreur face au regard des autres, des souffrances qu’ils peuvent infliger. Sa quête de perfection, son besoin d’éblouir ne sont qu’une carapace qu’elle s’est forgée pour se protéger. Mais sous cette carapace, elle est loin d’avoir la paix, elle n’a pas toujours été l’éblouissante Ani…

Ani est une pure construction, même ce prénom n’est pas le sien… Peu à peu, par le jeu des flash-backs Jessica Knoll dévoile l’histoire de TifAni, ado ordinaire, virée pour une bêtise de son lycée catho qui veut absolument s’intégrer dans sa nouvelle école, un lycée prestigieux où les gosses des généreux donateurs peuvent faire preuve de cruauté et jouir d’une certaine impunité. Une histoire sombre et violente qu’on ne peut oublier par la simple volonté d’ « aller de l’avant », une histoire de viol, une histoire où la double peine s’applique : la victime devient la salope, et subit d’autres humiliations en prime…

Les personnages d’ados, bourreaux comme victimes et les personnages d’adultes, tous sonnent justes, terriblement justes. Le viol, la dévastation qu’il provoque sont évoqués avec une vérité étonnante qu’on comprend en se renseignant sur la vie de l’auteur : Jessica Knoll a vécu ce traumatisme, elle s’est inspirée de son histoire pour écrire celle d’Ani. Elle n’a réussi à en parler qu’après l’écriture de son livre, bien des années après les faits, cela en dit long sur la difficulté de rompre le silence qui entoure le viol, mais également sur le pouvoir des mots dans la résilience.

Pour le reste des événements du livre, car il y a encore plus d’horreurs dans le parcours d’Ani, Jessica Knoll s’est documentée, elle est journaliste et cela reste crédible. Elle construit son histoire brillamment, mêlant les vies de ces personnages dans le passé et les résonances de leurs actes dans le présent avec une grande habileté.

Un bon roman, âpre, qui se lit d’une traite.

Raccoon