Le retour très attendu de Jérémy Fel suite à son premier roman, Les Loups à leur Porte, confirme l’intérêt de l’auteur pour le côté sombre de l’âme humaine. Non seulement il se plaît à l’analyser mais il s’attache également à montrer comment chacun peut basculer dans cette zone d’ombre où seules la violence et la cruauté sont maîtresses.
Cinq personnages évoluent au fil des 700 pages : Hayley, une adolescente d’un milieu aisé, la jeune fille paumée que le lecteur peut facilement imaginer dans toute série ou film d’horreur et les quatre membres d’une seule et même famille, les Hewitt : Norma et ses enfants : Tommy, Cindy et Graham.
Avec son premier roman on remarquait déjà le style très cinématographique de Jérémy Fel : cela est encore plus flagrant dans Helena où le lecteur regarde littéralement les scènes se succéder voir se trouve immergé dans l’histoire auprès des personnages.
L’auteur s’amuse à souffler le chaud et le froid en sorte qu’à la lecture on ne puisse jamais savoir quelle serait la tournure de l’intrigue (ou alors on se fourvoie en essayant de la deviner) : l’entrée dans le récit se fait par le biais d’un personnage, Tommy, enveloppé dans une ambiance on ne peut plus glauque et dont le loisir favori semble être la torture et la mise à mort des animaux.
Le chapitre suivant, solaire et à l’environnement cossu, introduit Hayley, jeune joueuse de golf en proie à une banale peine de cœur, s’apprêtant à prendre la route pour rejoindre sa tante. OK, on l’imagine facilement en victime mais tout de suite après, chapitre suivant : Norma Hewitt préparant sa fille, Cindy, au futur concours de mini-miss auquel la petite doit participer une semaine plus tard.
Rien de glauque cette fois-ci, ni de clinquant, juste une médiocrité teintée de tristesse : le concours de mini-miss à Tulsa, la future coiffure de la gamine à Kansas City et une mère qui visiblement a décidé de vivre par procuration et de dresser sa petite fille tel un caniche.
Les chapitre sont brefs et pourtant aucun détail n’est oublié, d’où le sentiment d’immersion : l’environnement des personnages, leur gestes, mimiques et, grâce à un narrateur omniscient, parfois leurs pensées. Il y a un sentiment d’urgence qui se dégage au fur et à mesure de cette narration presque scandée en chapitres courts portés par un personnage à la fois.
Jérémy Fel joue avec les clichés du genre et avec les symboles littéraires ou cinématographiques. Et ça fonctionne ! Lorsque Hayley prend la route dans sa Chevy rouge sous le soleil lourd du Kansas, mille images semblables se télescopent dans votre cerveau et oui, elle va tomber en panne mais ce n’est pas pour autant que vous aurez deviné la suite !
Le point fort du récit c’est le moment de bascule, celui où la boussole se retourne et des personnages que l’on pensait connaître, voir anticiper leurs mouvements, deviennent des parfaits inconnus. Là où Jérémy Fel se plaît à creuser le mal à la racine et à nous balancer à la figure que oui, nous sommes toutes et tous capables du pire puisque nous le portons en nous.
Helena confirme le talent de celui qui nous avait scotchés avec l’architecture démoniaque des Loups à leur porte et, très égoïstement, j’espère au plus vite une adaptation cinématographique d’ Helena qui nous permettrait sûrement de découvrir des choses qu’on aurait ratées à la lecture du roman.
Monica.
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