Au temps où la banlieue était à la campagne, on rencontrait parfois sur les marchés des dresseurs de rats. C’est le métier d’Urbain, qui habite un petit pavillon avec sa fille Paulette, surnommée Belette. Sa rencontre avec Modard, acrobate de cirque, et leur complicité scellée autour de quelques bouteilles de sauvignon vont infléchir leur destin : sauront-ils ensemble déjouer les affreuses manœuvres qu’un voisin ourdit au fond de son hangar ? Élucider la mystérieuse attaque perpétrée par le plus agile des rats, au museau d’un rose si tendre qu’il réconcilierait presque les hommes avec sa race ? Apprendre pour de bon les secrets de la conjugaison à Belette ? Savoir, enfin, où disparut un jour la maternelle Félie ?
Longtemps professeur de littérature anglaise en classes préparatoires, Jean-Pierre Ancèle se consacre désormais à l’écriture. Après Au rendez-vous des Pas-pareils, un premier roman publié chez Phébus en 2022, il récidive avec Rose museau, un deuxième roman cette fois-ci publié aux éditions Fugue.
Un peu à l’instar du Lapin maudit de Chung Bora que j’avais chroniqué ici, la couverture de Rose museau passe difficilement inaperçue avec son rat vêtu de lunettes de soleil noires et d’un blouson en cuir noir. Non seulement elle ne passe pas inaperçue, mais elle fait partie de ces couvertures dont on se souvient même si l’on devait oublier le contenu du livre. A l’éditeur, j’ai envie de dire, bien joué !
A couverture insolite, livre inattendu. Enfin, pas certain que ce soit toujours le cas, mais c’est la logique que j’ai en tête. Ici, tout du moins, ça se vérifie. Drôle et décalé. C’est un peu là les traits principaux qui caractérisent Rose museau. Ce qui est décalé n’étant pas du goût de toutes et tous, il est évident qu’il ne fera pas le bonheur de tout le monde. Si vous n’êtes pas réfractaire à cela, vous passerez, à minima je pense, un agréable moment à lire ces quelques 229 pages.
Ce n’est certainement pas l’action, ni même franchement l’intrigue, qui fait la force de ce roman. Car, autant le dire, il ne s’y passe pas grand-chose. On a un acrobate qui vient à la rencontre d’un éleveur et dresseur de rats, bien embêté depuis que son rat le plus fameux a fait des siennes sur le marché où il se produit. L’acrobate se rend chez l’éleveur en question, où il fera la connaissance de sa fille, de son voisin/propriétaire louche et d’un commerçant du coin. Et tout ce petit monde va converser dans un cadre bien rural et pas tout rose, voire plutôt noir. Et pour causer, ça cause beaucoup. Beaucoup de dialogues. Même notre rat s’y met. Faut donc aimer cela sinon, fatalement, il y a moyen de passer facilement à côté du livre. Mais ces dialogues sont aussi sa force. L’écriture, très orale, est, dans son genre, tout à fait maîtrisée. C’est du parler populaire de bout en bout. Il y a un petit – et je dis bien un petit – quelque chose de Céline, avec une touche d’Audiard et un poil de Jeunet. Ça devrait vous donner une idée de l’univers de ce Rose museau. Au fil de ces dialogues, on se demande si on va vraiment aller quelque part, où on ne va, finalement, jamais vraiment. Le plaisir de la lecture réside ici, surtout, dans la langue et nos quelques personnages assez hauts en couleurs qui nous font parfois sourire.
Rose museau de Jean-Pierre Ancèle est une étonnante surprise. Avides de lectures qui ne s’inscrivent pas pleinement dans des codes, que l’on ne peut pas tout à fait catégoriser, vous aurez là de quoi passer un bon et amusant moment. Et pour les autres, que dire ? Osez donc !
Brother Jo.
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