Sur l’étal de la boucherie Chilard, le pâté de tête fait grise mine. Surtout que la tête en question, parée comme celle d’un veau, s’avère être celle de Louis Leblanc, capitaine d’industrie, notable du cru, résistant respectable jadis, puis plus ou moins barbouze à ses heures subséquentes. Voilà comment les Affreux du Katanga s’invitent en filigrane à Granville, gracieuse cité corsaire du Cotentin, et rappelle à la grande histoire que notre belle France a aussi eu ses Commandos Wagner bien avant ceux de Vladimir. Bref… Elisa, journaliste cantonnée aux marronniers locaux, saute à pieds joints dans le prévisible marigot et y laisse toutes ses plumes. La rédaction de sa frileuse feuille de choux régionale la vire, préférant jouer l’autruche fasse aux éventuels ressacs. Que ne ferait-on pas pour préserver son budget pub et ses invitations aux pince-fesses municipaux ? Qu’à cela ne tienne, avec l’aide de son ami Luc Mandoline, Elisa continue de tamiser la boue pour essayer dans tirer la vérité.
Luc Mandoline donc ? L’Embaumeur : cette série créée au début des années 2010, un peu dans le sillage du Poulpe de Jean-Bernard Pouy, par Stanislas Petrosky et les éditions de l’Atelier Mosésu. Adopté depuis par plusieurs maisons (Voir le Deadline à Ouessant de Stéphane Pajot réédité en 2022 sous le titre Meurtres sur l’Île chez Le Geste Noir), l’enquêteur, thanatopracteur de profession, nous revient aujourd’hui chez un nouvel éditeur et sous la plume alerte de Jean-Noël Levavasseur.
Si Jean-Noël, journaliste et chroniqueur noir à Ouest-France, romancier et coordinateur de recueils collectifs, est favorablement connu de nos services, l’éditeur de ce nouvel opus est plus surprenant. En y regardant de plus près, AFITT Editions, sous-titrées La Mort est notre métier, se consacraient jusqu’à lors à des manuels de thanatopraxie. Les voici donc en route pour la fiction, sous l’égide de… Stanislas Petrosky, lui-même thanatopracteur, cet Anubis des temps modernes, capable de rendre leur sourire aux cadavres. Autant dire que les (têtes de) veaux seront bien gardés.
Quant à nos Affreux, ainsi qu’étaient réellement nommés les mercenaires en terres africaines du tristement célèbre Bob Denard, leurs cauchemars, attisés sans cesse par le souvenir des féroces guerriers Balubas, tournent en une hécatombe bien réelle. Au chuintement des machettes répond désormais le tonnerre du plomb et le cliquetis de diamants volés jadis. La vengeance déferle, faisant payer à chacun ses idéaux coloniaux et la perdurance de mauvaises manières envers tout bipède à l’épiderme un peu trop sombre, homme ou femme.
Epaulé par des illustrations ad-hoc d’Ugo Panico et une préface forcément historique et carrée de Frédéric Paulin, Jean-Noël Levavasseur gagne la Manche haut la main, voire « aux poêles » comme on dirait du côté de Villedieu, à un jet de pavé de Granville…
JLM
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