« C’est en noyant sa soixantaine désabusée dans un bar de quartier que Serge croise les yeux de Janis la première fois. Elle est jeune, jolie, serveuse de son état mais en proie à la violence quotidienne de son petit ami. De confidences en services rendus, de regards en caresses rêvées, une étrange amitié va alors se nouer… De son côté, l’inspecteur Mattis est proche de l’implosion. Divorce, alcool, sexe et dettes de jeux, un grand classique qui dégénère en spirale infernale. S’il tient encore à la vie, il commence sérieusement à être à court d’arguments ! En enquêtant sur une affaire de deal dans une cité, il croise la route de José, le fameux petit ami qui tient ici le business de la dope. Incidemment, l’engrenage vient de se mettre en place : l’espoir d’une autre vie, les rêves envolés, le fric, la violence, les flingues, la cavale… »

Jigal, on aime bien à Nyctalopes. Jimmy Gallier dénicheur de talents, n’a pas son pareil pour nous faire découvrir de bon auteurs français, des mecs hors mode, hors des circuits parisiens où parfois on « construit » des réputations où on se pâme devant des bouquins qui ne valent pas tripette. Ici, ce « Je vis, je meurs », une fois entamé, difficile de le lâcher tant Philippe Hauret avec ses personnages criants de vérité au point que vous pourriez les connaître vous entraîne de suite dans leur désespoir, leur ennui, leur mal de vivre. Vous savez pertinemment qu’il y aura de la casse, que ces inconscients, ces naufragés n’en sortiront pas tous indemnes évidemment, malheureusement et vous ne pouvez plus lâcher le bouquin.

Premier roman déjà sacrément virtuose tournant autour de deux hommes: Serge qui s’imagine une nouvelle vie bien plus belle que son existence de retraité solitaire avec sa caisse pourrie et son morne pavillon et Franck Matthis le flic qui s’enfonce en ne voyant pas l’éclaircie possible. Tous deux sont aveugles et c’est cette cécité qui va créer un roman à lire si vous appréciez la littérature noire vraie, authentique, sans aucun artifice racontant des drames ordinaires de gens eux-aussi bien ordinaires que vous cotoyez tous les jours sans les voir.

Point de gros coups d’éclat, juste des existences poissardes avec des issues très prévisibles et pénibles de banalité et puis soudain l’engrenage à cause d’un sourire, d’un regard qu’on s’imagine si lourd de sens qu’il devient tellement porteur et qu’on en oublie son âge et vogue la galère pour Serge tandis que pour Franck c’est la fuite aidée par l’alcool, une noyade dans les bars, le dégoût de soi, de la vie gâchée et une échéance prochaine terrible. Tout respire la vraie vie dans l’écriture de Philippe Hauret, observateur pointu de ses contemporains. A de maintes reprises je me suis vraiment identifié aux personnages, ai été percuté par la pertinence des réflexions, par la justesse des sentiments et ai été épaté par l’humanité et la bienveillance d’un Philippe Hauret nouvelle belle voix du roman noir social.

Finement juste.

Wollanup.