Ik ben er niet
Traduction du néerlandais: Emmanuelle Tardif
Si le nom de Lize Spit, l’auteure belge ne vous dit rien, c’est que vous n’avez pas lu son premier roman Débâcle. Ceux qui en étaient venus à bout, avaient vécu cette tragédie racontant la terrible histoire d’une pauvre môme et de sa petite sœur dans un monde où la beaufitude des adultes règne, en l’occurrence dans une Belgique tellement proche de nos chères campagnes muettes. Ils n’ont sûrement pas oublié la crudité des propos de Lize Spit, sa puissance à générer chez un lecteur rendu rapidement à cran, une grande variété de sentiments comme la répulsion, la révolte, la colère, la douleur, le chagrin enfin, beaucoup de chagrin. Une véritable épreuve Débâcle, ça bouscule, ça ébranle, tout le monde ne peut ou n’a pas envie d’être témoin de tant de souffrance mais quel talent sur plus de 500 pages. La dame revient avec Je ne suis pas ici. Et on l’attendait depuis longtemps, moi en tout cas…
« Nous étions deux piliers de guingois qui, dès lors qu’on les appuierait l’un contre l’autre, auraient plus de stabilité qu’un seul pilier à la verticale. Tout irait bien tant que nous resterions ensemble. »
Leo vit avec son petit ami Simon depuis dix ans. Lié par une enfance troublée, le couple vit parfaitement heureux. Jusqu’à ce que tout change : Simon rentre chez eux au milieu de la nuit et Leo ne le reconnaît plus, ni dans ses gestes, ni dans ses mots. Lentement, l’existence méticuleusement construite de Leo s’effondre, jusqu’à mettre sa vie en danger…”
Débâcle parlait d’une enfance à la campagne, Je ne suis pas ici raconte l’existence de deux adultes plombés par l’aliénation de l’un par le bipolarité. Il fonctionne exactement avec la même mécanique perverse que Débâcle. Le roman débutant dans les derniers moments avant un drame inévitable, on rentre très vite dans l’urgence, mais on va nous livrer les clés lentement, avec une méchante parcimonie, une avarice coupable. Un compte à rebours apparaît, mais on n’est pas dans un thriller, on est juste au bord du précipice, avant le grand saut possible et très prévisible vers un océan de noirceur, les lecteurs de Débâcle se souviennent encore des moments d’horreur… Parallèlement Lize Spit va nous raconter l’histoire de Simon et Léo, surtout les six derniers mois, ceux de la maladie de Simon, et rien ne nous sera caché.
Un couple de trentenaires bobos, bruxellois, geeks aux métiers branchouille, pas de quoi créer au départ une réelle attirance pour cette histoire, mais c’est Lize Spit aux commandes et son talent, une fois de plus, opère. Rapidement, comme pour son premier roman, on se prend d’affection pour la victime, cette petite nana, Léo qui va supporter un Simon devenu incontrôlable, à l’ouest de l’ouest. Et si au départ, on peut parfois sourire, on est très vite figé. L’épreuve endurée est largement à la hauteur de son amour fou… et le plus terrible arrive.
La plume est adroite, la construction parfaite, le suspense extrêmement tendu et la dernière phrase, l’apanage des grands, vous achève. Talentueux !
Clete
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