L’auteur Guillaume AUDRU, n’est plus à présenter et a déjà démontré son talent dans ces ouvrages précédents, récompensés à juste titre. « Nous sommes bien pire que ça » est un roman court, brutal, sans concessions.
Le personnage principal est Simon FLEURUS, un capitaine de l’armée, reconnu pour ces actes d’héroïsme à VERDUN pour avoir sauvé l’ensemble de sa compagnie au péril de sa vie. À la fin de la 1ère guerre mondiale, il n’est plus que l’ombre de lui-même et attend simplement de pouvoir rentrer chez lui. Il n’est plus en phase avec l’armée et ses propres convictions, surtout depuis sa participation aux tribunaux militaires. Il est vu par ses hommes comme le traître qui a condamné bon nombre des siens, jugés comme mutins, au bagne militaire ou au peloton d’exécution.
Le capitaine FLEURUS, usé par la guerre, hanté la nuit par l’image d’hommes déchiquetés, se voit refuser sa demande de retour auprès des siens. Au lieu de ça, sa hiérarchie l’envoie enquêter au cœur d’un bagne militaire, tout au Sud de l’Algérie. Il sera accompagné du Major ZAMBERLAN, l’ordre de mission est non négociable et le départ est immédiat. Paris, Marseille, Alger, une marche à travers le désert d’une semaine puis arrivée au bagne d’OUCHKIR. L’enquête peut commencer, le motif officiel est d’observer le fonctionnement du bagne, le motif officieux est de comprendre pourquoi il y a tant de désertions.
À ce moment clé du roman, on rentre dans l’horreur des bagnes militaires et l’écriture de l’auteur est implacable, rendant l’atmosphère étouffante et difficilement supportable. On assiste au calvaire des condamnés totalement à la merci des Chaouch, ces surveillants de bagne, brutaux et sadique.
Le colonel GARDANNE est le maitre des lieux et voit d’un mauvais œil l’arrivée de FLEURUS, d’autant qu’il comprend peu à peu ses véritables intentions. Le lien entre les deux hommes va se tendre au fur et à mesure des pages. Le Colonel tentant en vain de corrompre FLEURUS, celui-ci ne supportant plus le funeste quotidien du bagne. Les violences, les humiliations, les viols, les tortures, il doit faire son rapport au plus vite. Il se confronte aux hommes, enquête, recense, note et découvre une administration au-dessus de tout sens moral. L’enquête devient une quête de rédemption.
Parallèlement à cet enfer, le roman fait des sauts dans le temps, plus précisément en 1955 ou l’on suit Gabriel FLEURUS, le fils de Simon, sur les traces de son père en pleine guerre d’Algérie. Il vient à la rencontre du Colonel GARDANNE, devenu un vieillard sur la fin. Les échanges entre les deux hommes sont sans équivoque, Gabriel est venu boucler la boucle. La destination finale sera bien sûr OUCHKIR ou il ne subsiste que les ruines du bagne et les stigmates de l’horreur.
Ce roman transperce, prend aux tripes et marque page après page de façon indélébile. Il met en exergue la noirceur de l’Homme de façon remarquable. Absolument un incontournable.
Nikoma
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