Chroniques noires et partisanes

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L’ AIGLE DES TOURBIÈRES de Gérard Coquet / Jigal.

Gérard Coquet nous offre un voyage qui commence en Albanie et se termine en Irlande.  Nous partons donc dans les Balkans avec Susan et son fils Bobby, en quête de la vie idéale offerte par le communisme d’Enver Hoxha. Mais cet idéal tourne vite au despotisme et pousse Susan à fuir au travers du pays. Ils y laisseront une partie de leurs âmes, mais trouveront en chemin une religion au-dessus de tout autre Le Kanun. Le Kanun est même au-delà de la religion, c’est une loi ancestrale qui est partout :

« Ce code ancestral régit tout. La naissance, la famille, les liens entre les individus ».

30 ans plus tard, nous nous retrouvons en Irlande, Bobby qui a fait partie de l’IRA, est parti faire la guerre du Kosovo et a été emprisonné pour crimes de guerre. Pour lui, le Kanun est devenu son mantra et pour celui-ci « la reprise de sang est au-dessus du bonheur des hommes ». Il décide donc de rentrer dans son pays, l’Irlande, mais son retour est précédé d’une série de meurtres comme annonçant le retour de l’enfant maudit. Nous entrons alors dans un tourbillon de vengeances, chacun voulant réparer son honneur.

Nous allons suivre Ciara, belle inspectrice irlandaise qui connaît son pays mieux que quiconque, et qui doit slalomer entre les protagonistes de cette vengeance. Vous boirez de la Guinness jusqu’à plus soif, vous vous perdrez dans la tourbe, prendrez parti pour les indépendantistes ou les loyalistes, et vous demanderez constamment comment tout cela va finir.

Gérard Coquet offre la part belle aux femmes dans ce roman. Elles sont toutes fortes, belles, avec un sacré caractère, et ça fait du bien. Elles embrassent la cause irlandaise ou la loi du Kanun avec emphase, mettant l’honneur au-dessus de tout. Les hommes ne sont pas en reste évidemment, mais avec un penchant plus violent et où la parole donnée semble moins catégorique que chez ces femmes. Ce sont elles qui sont le fil conducteur de cette histoire et la porte de page en page.

Le rythme est très rapide, haletant, les personnages très marqués, et l’humour est omniprésent.  Ces Irlandais au sang vif, vous en feront voir de toutes les couleurs.

« Quand une idée improbable envahissait le crâne d’un rouquin, le seul moyen de l’arrêter était de lui couper la tête. C’était pour ça que les Irlandais  battaient si souvent lesFrançais au rugby : en majorité, ils étaient roux et hirsutes. » 

Un pur polar et c’est très bon !

Marie-Laure.

CONNEMARA BLACK de Gérard Coquet/ Jigal Polar.

Les effluves et les vapeurs distillées des Jameson, Paddy ou autre Bushmills exhalent les rancoeurs, les inimitiés, le conflit Ìrlando-anglais encore dans les esprits des vieux mais aussi, tel un génotype culturel, d’éducation, chez les plus jeunes. Dans cette terre des lacs du Conmaicne Mara, « descendants de Con Mhac de la mer », sur la côte occidentale du pays, les ressources se résument à l’élevage de moutons, l’exploitation de la tourbe et le tourisme. On entre dans ce milieu féru de pêche à la mouche mais nulle nécessité de maîtriser des notions halieutiques. Les bottes et cirés restent de mises en raison de précipitations brutales et massives de macchabés.

« La Connemara Black est une mouche artificielle permettant au pêcheur de ne jamais rentrer bredouille… C’est également le nom d’un ancien groupe armé de l’IRA, l’Armée Républicaine Irlandaise. Mais c’est aussi le surnom donné aux filles vivant dans cette baie, à l’ouest de l’Irlande. Elles sont souvent très belles mais plus revêches à apprivoiser qu’un poney des tourbières. Ciara McMurphy en est une. Après un mariage raté, elle a fui la région et s’est engagée dans la Garda, la police locale. Mais lorsqu’une série de meurtres balaie la ville de Galway, c’est elle que le commissaire Grady choisit d’envoyer sur ses terres natales afin de surveiller ce qui reste des indépendantistes. Et entre autres le vieux Zack, un chef de clan, un patriarche qui – entre terres désolées, légendes d’un autre temps, cimetières abandonnés et ex-combattants de tous bords – veille dans l’ombre… Mais sur quoi veille-t-il ? »

Ciara mène l’enquête et se voit contrainte de retourner sur ses terres d’origine, sur sa vie antérieure. Elle y découvre, ou y redécouvre, des rites et des habitudes tenaces liés aux pratiques druidiques tournant autour d’une sorte de grimoire, et en particulier l’un de ses exemplaires, ponctuant l’enquête et l’hécatombe de personnalités afférentes à l’ouvrage tel un jeu de quilles. Les hommes sont rudes, sont épais, sont taiseux, l’histoire de cette nation et de son peuple déteignent sur les âmes et leurs psychologies. C’est dans cette âpreté qu’elle tente d’avancer ses pions mais rien ne progresse sans ce maudit passé, en occultant la politique conflictuelle des affrontements catholiques/protestants.

Gérard Coquet possède un don du dialogue et impose, sans forceps, son atmosphère conjuguant le verbe et maîtrisant le second degré dans un style propre. Sa plume est fine, tantôt empreinte d’un raffinement marquant, tantôt, donc, sous l’égide d’un ton virevoltant et désarmant d’un burlesque évoquant des situations cocasses dans une effusion d’hémoglobine. En affichant son identité littéraire sous ce jour, il affirme une propension solide dans le genre et capte notre intérêt par cette double entrée stylistique et une capacité de dérision. De cet opus, où les clins d’œil à Sam Millar sont multiples, on tire de notre lecture comme une offrande sincère à notre satiété noire.

La dent est carnassière, la pensée noire, mais le cœur est ouvert attiré par la lumière chaleureuse de l’âtre où la tourbe se consume.

Une réussite dans ce jeu de cartes où ne domine que le trèfle !

Chouchou.

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