Traduction: Sébastien Raizer.
« Earl Haack Junior a été élevé pour devenir un Machiavel armé d’un flingue et portant une étoile… Son père, shérif dans une petite ville du Nebraska située sur l’autoroute de la drogue arrivant du Mexique – la fameuse Interstate 80 –, lui a très tôt enseigné sa façon particulièrement radicale et expéditive de maintenir l’ordre des choses.
Lorsqu’après un passage par les Stups de Denver (où il perd définitivement ses illusions) il revient prendre la succession de son père, il sait déjà qu’on ne vainc pas le chaos. Tout au plus, on peut tenter de faire jeu égal – un jeu sans règles ni limites. Puisque la drogue et son commerce sont une donnée indépassable (surtout dans une société capitaliste marquée par la loi de l’offre et de la demande), la priorité principale de Haack sera donc de mettre sur pied un réseau de distribution composé de personnes qui lui sont redevables… Son père avait raison : l’ordre passe avant tout, et il exige son tribut de sang. »
Ah, le tribut du sang, pour sûr que vous en aurez pour votre argent. Pas de problème pour la quantité avec aussi une très belle diversité d’œuvres : pendaisons, tabassages à mort, meurtres divers poignard, flingue, feu, destop, noyades, étouffements… avec moult interrogatoires propices à des déclenchements assez sévères de violence physique et bien sûr aussi psychique.
Earl apprend très vite et montre très rapidement de grandes qualités dans l’exécution des basses œuvres au service de la municipalité qui lui a accordé sa confiance pour succéder à son père. Beaucoup de talent dans son rôle de baron naissant de la drogue. Ben oui, il n’est sheriff que sur le papier, en fait. L’ ordre tel qu’on l’imagine en ouvrant le bouquin, il s’en fout grave. Moralité zéro, un putain de sociopathe avec une étoile et c’est peut-être pour cela que le dossier presse parle de Jim Thomson mais oubliez, Thompson, on en est très loin de l’auteur de « the killer inside me »
Le roman se lit très bien avec son rythme trépidant et ses multiples scènes violentes et vraiment, il faut reconnaître un talent dans l’écriture. Plusieurs chapitres contiennent des histoires entremêlées et c’est judicieusement mis en place et mené, indéniablement une belle plume et si vous aimez le genre grosses tueries avec flingues et une bonne dose de sadisme, un honnête suspens, vous ne regretterez pas le plaisir brut offert par ce roman.
Après, quand on y réfléchit, quand on revoit les propos tenus par les personnages principaux, leurs agissements, on se dit que ce n’est vraiment pas joli, joli, ce coin d’Amérique et si la réalité est telle, ah ouais, c’est moche. Mais ce n’est pas le premier à nous proposer son petit coin bouseux pour nous le transformer en empire de la drogue et d’habitude j’adhère parce qu’il y a toujours un personnage qui nous sauve de la nausée mais ici rien ni personne. Franchement un shériff narco qui passe son temps à creuser des trous pour enterrer ses victimes en nous vantant le vigilantisme,se comportant comme un VRP de la NRA, il m’en faut un peu plus pour commencer à créer un semblant de lien.
Néanmoins louons Aurélien Masson le directeur de la collection pour ses qualités de visionnaire en nous sortant le premier polar ricain de l’ère Trump avec « l’ordre des choses » et quand vous aurez lu l’intégralité de cet ordre narré dans le roman, vous rigolerez un peu moins de l’horizon international qui nous est promis dans un proche avenir. Gaussons-nous un peu des Ricains qui ont élu un tel président, n’oubliant pas qu’on ne flambe pas tellement non plus et qu’on pourrait avoir le droit à la même killing joke en mai prochain. Bref et c’est peut-être dû au « traumatisme » 8 novembre mais ce genre de roman fait un peu froid dans le dos par les idées colportées très en vogue aux USA mais aussi dans nos contrées.
S’il voulait montrer des pourris xénophobes, des sheriffs criminels, des élus corrompus, des lois bafouées, du vigilantisme institutionnalisé, des hommes de loi hors la loi, du trafic de dope, des femmes traîtresses, des valeurs grandiloquentes de la famille, un Noël clicheton, des meurtres, des disparitions, des incendies, des démembrements, des tueries, il est certain que Frank Wheeler Jr a réussi son pari haut la main. Il est juste dommage que rien dans le roman ne vienne contrecarrer cette vision déplorable de ce petit coin d’Amérique. Alors je sais bien que de telles contrées existent et que leurs habitants ont beaucoup contribué à l’élection de Trump mais quel étalage de pub pour les armes, l’auto-justice, l’extermination des nuisibles, les morts nécessaires, les valeurs familiales puantes tout au long de l’histoire et aucun discours, aucun acte qui s’oppose. Moralité plus que douteuse.
Trépidant et atterrant.
Wollanup.
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