A l’image de Manchette, Fajardie, Jonquet autrefois et d’Oppel, Dessaint, Manotti,DOA, aujourd’hui, Antoine Chaînas est un grand observateur de son temps. Certainement moins militant que ses devanciers il possède l’œil et le verbe particulièrement acérés. En plus de raconter des histoires terribles, il fait avec grand talent.
Lire un roman de Chainas c’est voyager vers l’enfer, le côté obscur cher à M. Cahuzac. Il a la manière pour nous montrer nos faiblesses, nos démissions, nos accommodations avec l’inhumanité et on n’en sort pas indemne. Il y a chez lui une violence sous-jacente terrible, la puissance d’un bulldozer qui avancerait lentement, délicatement, méthodiquement pour tout raser. Avec Antoine Chainas, à chaque fois, comme avec très peu d’écrivains, je sors vidé, KO et là il a encore franchi un palier car PUR est remarquablement écrit et encore plus dur, méchant, puissant, sans issue que d’habitude.
Le cadre c’est le sud-est de la France et plus particulièrement une résidence sécurisée comme il commence à en fleurir beaucoup aux states. Des personnages bien décrits, presque tous aussi mauvais les uns que les autres en route vers le grand carnage : un homme qui vient de perdre sa femme et veut se venger, des flics dans la tourmente de trafics de drogue et de magouilles politiques, les groupes d’extrême droite qui répondent toujours présents pour foutre la merde ou pour en remettre une couche, des coupables idéaux, des jeunes otages de leurs parents et tout cela dans une ambiance d’exclusion, de racisme, de trahison.
Chainas passe d’un personnage à l’autre avec brio pour faire avancer sa terrible histoire inspirée en partie, au moins dans le mode opératoire y compris l’arme, de celle du « sniper de Washington » qui a sévi en 2002.Dès le début, on est scotchés avec la narration horrible d’un accident de la route qui n’en n’est pas un et la mort de la seule personne peut-être innocente dans l’histoire. Comme l’horreur initiale ne semble pas suffisante, il va nous en raconter quatre versions tout au long du roman comme un couteau qu’on remet dans la plaie. On sait que l’on va dans le mur, on espère seulement que toutes les têtes ne vont pas tomber parce que certains sont un peu plus victimes que coupables.
On n’a aucune certitude dans ce roman, découvrant lentement avec horreur, stupéfaction et désenchantement la vraie personnalité de chacun au rythme décidé par Chaînas qui malgré l’urgence du roman prend tout son temps pour nous laisser, finalement, comprendre par nous-mêmes la monstruosité et la barbarie qui se jouent devant nous.
« PUR » est un très grand roman, un ouvrage à déclarer d’intérêt public et Antoine Chaînas en plus d’être un immense écrivain est un grand Républicain (dans le sens noble du terme) qui nous met en garde contre le danger imminent car la bête rôde, se nourrit de nos peurs et de notre lâcheté et grandit…
Wollanup
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