Chroniques noires et partisanes

Étiquette : fayard

EN LIEU SUR de Ryan Gattis / Fayard.

Traduction: Nadège T. Dulot

En 2015, dans “6 jours” Ryan Gattis racontait à partir de ses souvenirs les émeutes qui avaient enflammé les quartiers sud de Los Angeles du 29 avril au 4 mai 1992. Ces émeutes étaient néanmoins à la périphérie d’une histoire qui donnait la voix à 17 personnages qui subissaient ou profitaient de l’insurrection, de cet état de non droit d’une semaine, de cette guerre urbaine. Le roman, primé par la magazine Lire cette année-là, offrait une très belle part à une dimension sociale et humaine. Assurément un livre choc d’un auteur qui déclarait à l’époque “J’écrirai probablement toujours sur la violence”.

Dans “En lieu sûr”, se déroulant en 2008, il retourne dans ce même quartier de South Central de L.A. pour une histoire autour du business de la drogue, dans l’univers des gangs latinos, n’utilisant cette fois-ci que deux voix mais deux énormes personnalités au moment où l’Amérique coule avec cette crise bancaire des placement pourris. Les banques s’en remettront, pas de souci, mais beaucoup de simples citoyens ricains y laisseront des plumes, se retrouveront d’un jour à l’autre à la rue mais le pays se relèvera “God bless America”…

Gattis s’intéresse donc une fois de plus à une période très violente initiée par l’Etat et par ses manquements. Les conséquences sont très visibles tout au long d’un solide roman au message social et humain une fois de plus de haut niveau. Gattis n’écrit pas des thrillers à deux balles mais des bombes politiques qui font mal dans un style vif, superbement documenté et très addictif.

“Ex-addict et délinquant, Ricky « Ghost » Mendoza est déterminé à rester clean jusqu’à la fin de ses jours. Rentré dans le rang, il force désormais des coffres-forts pour le compte de toute agence gouvernementale prête à payer ses services, des Stups aux Fédéraux. Mais quand il découvre que la personne qui compte le plus pour lui croule sous les dettes, il décide de faire une embardée risquée : forcer un coffre et en prélever l’argent sous le nez du FBI et des gangsters à qui il appartient, sans se faire prendre – ni tuer.”

Il est de loin préférable de ne pas trop donner les raisons qui poussent Ghost à jouer les robins des bois. Personnage de polar particulièrement bon que ce “Ghost”, homme aux multiples blessures, écorché vif, d’une tristesse incommensurable, vivant au rythme d’une K7 de musique punk que lui a concoctée Rose, l’amour de sa vie avant de mourir. En quête d’une rédemption si typiquement coutumière de la littérature ricaine mais qui atteint ici des dimensions de tragédie grecque, Ghost émeut tout comme Glasses, l’autre personnage, l’autre troublante voix d’un roman qui laisse des traces.

“Pour les gens qui seront dans la rue à Noël, ceux qui méritent pas ça.

Pour eux.

Pour leur maison.

Pour leur famille.

Et pour la maison que je n’ai jamais eue quand j’étais petit.

Et pour le HLM dont on m’a viré.

Pour le foyer où on m’a envoyé et d’où je fuguais tout le temps.

Pour tout ce que j’ai traversé.

Pour tous les sales coups que j’ai faits.

Pour Harlem Harold.

Pour tous ceux que j’ai fait souffrir.

Surtout ceux à qui je pourrai jamais demander pardon.

Plus.”

L’impact dramatique, la puissance du propos, les multiples fulgurances d’une histoire urgente vous défoncent plus d’une fois et font de “En lieu sûr” un roman solide, violent, vif, puissamment humain et intelligent, très intelligent.

“J’ai peur, c’est vrai. J’ai peur, genre je suis remonté, électrifié de partout, mais ce qui m’a le plus souvent fait peur dans la vie, c’est l’inconnu. Or là, je sais ce que j’ai en face de moi et je me fous de ce qu’ils vont me faire. Mon corps, ils peuvent le tuer. Le pouvoir sur mon esprit et sur mon mental, ils l’auront que si je leur laisse. Et je le leur laisserai pas. Pas même des miettes.”

Nyctalopes a créé sur Spotify la playlist de Rose « Fuck dying », rythmant le roman et souvent commentée par l’auteur;.

Wollanup.


L’ HOTEL AUX BARREAUX GRIS de Curtis Dawkins / Fayard.

Traduction: Jean-Luc Piningre

L’hôtel aux barreaux gris est une prison où l’auteur dort depuis près de 15 ans, où il dormira sans doute pour le restant de ses jours. En 2004, Curtis Dawkins a fait une connerie, une grosse connerie, une connerie aux conséquences irréparables : il a tué un homme au cours d’un braquage foireux, sous emprise du crack et de l’alcool. Pour cela, il a pris une peine de perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. La vie de cet homme originaire de l’Illinois, diplômé d’un Master for Fine Arts en écriture, compagnon d’une professeur et père de trois enfants, après avoir taquiné trop souvent les abus de toxiques, a pris un virage dramatique. Incarcéré, il s’est mis à écrire et a proposé plusieurs nouvelles à des revues. Repéré par Scribner, l’éditeur historique de Don DeLillo, Stephen King, Kurt Vonnegut ou Ernest Hemingway, Curtis Dawkins a reçu une avance de 150 000 dollars pour des récits à paraître. La famille de sa victime s’est indignée. L’administration du Trésor du Michigan a rué dans les brancards et entamé une action en justice pour réclamer 90% de cette somme, comme la loi l’autorise, et couvrir une partie de ses frais de détention. Cet hiver, un compromis a été trouvé et l’auteur devra verser la moitié des sommes gagnées grâce à ses publications. Les droits de traduction du livre ont déjà été vendus dans dix pays, et Curtis Dawkins travaille aujourd’hui sur un roman.

Ce résumé  des rebondissements qu’a connu l’existence de Curtis Dawkins pourrait suffire à introduire une épique autobiographie. Or, il ne s’agit nullement de cela : Curtis Dawkins révèle un authentique talent pour les short stories. C’est peut-être parce qu’elles affichent une modestie et une justesse mélancolique que les histoires proposées dans L’hôtel aux barreaux gris nous surprennent de prime abord.  Elles sont au nombre de quatorze, ces histoires, où l’auteur n’apparaît pas en tant quel mais, comme dans une mosaïque, laisse traîner des tesselles ici et là. On peut se douter qu’il a beaucoup observé et croisé nombre de personnages de son espèce, à savoir des hommes aux vies compactées dans l’espace carcéral, qui, de façon banale ou sidérante, tentent de rester quelqu’un au milieu de la routine de l’institution pénitentiaire. « Le mensonge est ici une drogue ; les prisonniers y sont accros et, à mesure qu’un toxico s’enfonce dans sa dépendance, il recherche des personnes plus mal en point que lui, pour se rehausser dans sa propre estime ». Beaucoup de prisonniers souffrent de problèmes d’addiction et/ou de troubles mentaux, ce qui a pesé lourd à un moment dans leur histoire personnelle. C’est avec humour ou empathie que Curtis Dawkins trace le portrait de quelques-uns de ces abîmés qu’il est impossible d’éviter derrière les barreaux.

La littérature d’inspiration carcérale a livré des romans et récits qui dépeignent la brutalité de la vie derrière les barreaux. S’il se rattache au genre, L’hôtel aux barreaux gris nous fait d’abord comprendre que l’ennemi mortel des prisonniers est l’ennui et le manque de perspectives. Le passé est lui aussi verrouillé. Il ne peut être rattrapé autrement que par le songe, les souvenirs. Et ils font le cœur se serrer car, même s’ils sont habités par des peccadilles, des erreurs, des arnaques, ils ramènent immanquablement à un temps et un espace où tout semblait possible. L’extérieur est un lointain vers lequel il existe des lucarnes : le courrier, une visite, la ligne téléphonique qu’un détenu utilise pour appeler des inconnus, la télévision et la retransmission des matches de base-ball (« Il m’est impossible de décrire le sentiment d’évasion que j’éprouve en regardant les Tigers de Detroit, quelques heures dans la journée, cent soixante-deux jours (et parfois plus) par an. » Dawkins n’hésite pas à faire de nombreux allers-retours entre la vie antérieure et la vie carcérale de ses personnages, soulignant ainsi la prégnante claustrophobie. Et sinon, le présent broie, lamine. Il faut suivre les règlements officiels et les codes des détenus. Entrer dans tractations parallèles pour se procurer des extras. Des mécanismes de pouvoir invisibles sont en action, ils peuvent tuer. Autrement le stoïcisme se décline sous de multiples et étonnants aspects. Il n’y a pas de vie autre part que dedans.

A la fois tristes et drôles, implacables et touchantes, des histoires qui nous rappellent que la prison est aussi viscéralement américaine que le motel et le parc d’attraction.

Paotrsaout

NITRO MOUNTAIN de Lee Clay Johnson / Fayard.

Traduction: Nicolas Richard.

Nitro Mountain, premier roman de Lee Clay Johnson, Américain originaire de Nashville, est un bouquin qui devrait beaucoup plaire à un certain public qui se pâme à chaque sortie d’un Néo-noir de chez Gallmeister, même pour les plus quelconques, les plus clichés. Avec l’étiquette à la mode, certainement que ce roman connaîtrait un vrai succès mais là, il sort chez Fayard qui semble, comme d’autres, se lancer dans ce type de polars et romans noirs ricains mettant en scène les inévitables parias blancs dans leurs magouilles plus ou moins crapuleuses et on peut se demander s’il n’arrivera pas un peu après la bataille. Bref, « Nitro Mountain » est bien dans la mouvance et il est très agréable à lire dans le genre malgré des maladresses et des imperfections bien rattrapées par une ambiance très agréable où l’extrême noirceur et la perversion qui y sont parfois racontées sont un peu adoucies par l’évocation du quotidien de musiciens malheureux.

« Dans une ancienne région minière des Appalaches ravagée par la pauvreté, l’ombre de Nitro Mountain s’étend sur la cohorte de laissés pour compte, junkies, piliers de comptoir, vauriens et marginaux sublimes qui y vivent. Jones, un musicien bluegrass qui se donne avec son groupe dans des bars glauques, prend sous son aile Leon, un jeune homme paumé qui ne se remet pas de sa rupture avec la séduisante, torturée et bouleversante Jennifer. Celle-ci a eu la mauvaise idée de tomber sous la coupe d’Arnett, un truand psychopathe aussi terrifiant que fascinant, reconnaissable au tatouage Daffy Duck qu’il porte au cou. Quand Turner, ex-flic cinglé à la gâchette facile qui a troqué son arme de service pour une arbalète, se met en tête d’arrêter Arnett, suspecté de meurtre, afin de regagner son insigne, les choses ont déjà commencé à tourner à l’aigre. »

La quatrième de couverture vous donne l’impression d’avoir déjà lu ce bouquin ? Vous l’avez déjà lu sans conteste mais pas dans la version de Lee Clay Johnson qui le place dans l’univers des bars où on joue du bluegrass et où on se bourre la gueule en écoutant de la country. Elmore Leonard avait dit à peu près et beaucoup mieux que moi que si vous écoutiez une chanson country à l’envers, votre chien n’était plus mort, votre voiture n’était plus en panne, vous n’aviez plus perdu votre boulot et votre femme n’était plus partie… Lee Clay Johnson a grandi dans une famille de musiciens de bluegrass et dès la naissance, il a dû baigner dans l’ambiance et il connait la chanson, peut-être un peu trop dans un début de roman qui peut faire craindre le pire parce que si on change juste un chien mort par un bras cassé, tout le reste arrive en un temps record à notre infortuné Leon en début de roman. Leon est une vraie chanson country à lui tout seul mais aventurez-vous un peu dans son univers de musico country dans les bars, les salles de concert médiocres au milieu de péquenots, de doux dingues et de dangereux tarés et vous verrez, le voyage vaut le coup. Une bouteille d’old crow, une Schlitz, Drive by Truckers à dégueuler des enceintes et vous serez bien dans l’ambiance. L’auteur connait visiblement bien ce milieu et sa manière de raconter le destin de ces musiciens maudits en fait vraiment un atout par rapport à certains autres romans du même genre et du même niveau. La musique adoucit les mœurs et les paragraphes consacrés au bluegrass, aux concerts craignos contrebalancent intelligemment certaines scènes violentes ou obscènes ou tout simplement hilarantes. Cela reste néanmoins du Noir et du bien relevé par la présence d’une figure du mal bien dérangée et surtout dérangeante.

Le propos très enlevé, les péripéties bien contées, la tension constante (saloperie de Daffy Duck) et les personnages bien frappés comme les héros malheureux Leon et Jones dont la geste sera contée dans la deuxième partie font de « Nitro Mountain » un roman particulièrement plaisant à lire même si on pourrait reprocher au livre d’être plus vraisemblablement un recueil de deux novellas auxquelles on aura ajouté une petite troisième partie plus dispensable où l’auteur explique les zones d’ombre restantes tout en laissant la porte ouverte à une suite qu’il n’a peut-être jamais envisagée au départ, un final assez superficiel.

« le meuble télé est encombré de bouteilles vides renversées qui font des flaques sur la moquette jonchée de morceaux de verre. Un magnum d’alcool pas cher gît, sans bouchon, sur le canapé. Des cendriers débordent. L’odeur qui règne est celle de toutes les chansons qu’il a chantées jusqu’à maintenant. »

Alors, certains comportements pourront choquer, certains passages pourront révolter voire outrer mais ce genre de came n’est pas faite pour les âmes sensibles, vous ne l’ignorez pas. Et si le roman n’est pas non plus inoubliable, il n’a pas à rougir de la comparaison avec la moyenne de la production du genre et procure un « one shot » particulièrement jouissif.

Country foutraque.

Wollanup.

220 Volts de Joseph Incardona / Fayard (2011)

 

« Ramon Hill est un écrivain à succès. Mais depuis plusieurs mois, rien. Panne sèche. Son roman est en retard, la page reste blanche et avec sa femme, le courant ne passe plus.
Margot prétend qu’un séjour en montagne, dans le chalet familial, leur ferait le plus grand bien. Le bon air, dit-on, régénère les corps fatigués et apaise les esprits anxieux. »

Cinquième bouquin du divin Suisse Joseph Incardona et à nouveau un très bon roman. Je suis un inconditionnel de l’auteur de cette rage, de cette violence qui transpire de chaque page de ses romans qui bousculent, dérangent, cognent, montrent le mal ordinaire et les horreurs privées.

Comme souvent chez lui, Incardona raconte un couple et cette fois il s’agit  d’un huis-clos à la montagne, une sorte de trêve pour retrouver l’inspiration pour Ramon et pour s’arrêter un peu sur leur vie de couple pour Margot principalement. Le livre, hélas, très court, le Suisse  n’ayant pas besoin de 400 pages pour vous mettre une bonne volée, commence comme un roman psy, une thérapie de couple écrite par Incardona himself quand même mais on n’a même pas le temps de s’inquiéter car rapidement de cette situation banale mille fois lue sort le détail qui tue. La découverte d’un préservatif usagé… puis d’autres détails vont créer un climat de suspicion qui va grandir jusqu’à l’apocalypse mentale générée par une électrocution accidentelle qui va faire des ravages.

120 pages seulement, aussi ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus. Bien sûr, quelqu’un mourra dans une seconde partie très électrique qui crée une grande mais aussi brève addiction. Incardona ne fait jamais dans la dentelle et l’image de nos errances qu’il nous assène ainsi que sa puissance narrative alliées à un twist final probant font de ce 220 volts un compagnon estival tout à fait recommandable, tout comme Derrière les panneaux il y a des hommes.   roman noir exceptionnel, Grand Prix de littérature policière 2015 et le plus récent Chaleur .

Haute tension.

Wollanup.

LA REVOLUTION DE LA LUNE d’Andrea Camilleri chez Fayard

Traduction : Dominique Vittoz

Andrea Camilleri, Le Grand Camilleri, connu pour ses romans noirs parus chez Métailié et toutes les aventures de Montalbano parues chez Fleuve nous dévoile ici un autre pan de son œuvre : des romans basés sur des faits réels exclus de l’histoire officielle de Sicile, édités eux chez Fayard. L’homme est décidément prolifique ! Mais toujours passionnant ! C’est une bonne nouvelle pour moi qui ne connaissais pas toute cette partie de son œuvre. L’épisode révélé dans ce livre est celui du règne d’une femme en 1677 en Sicile, épisode qui, ainsi que l’explique Camilleri à la fin du livre, n’est que très peu mentionné dans les livres d’histoire de la Sicile.

« Palerme, en 1677, est la capitale d’une Sicile sous domination espagnole. Quand son vice-roi, don Angel de Guzmàn, meurt en pleine séance du Conseil, les notables siciliens cupides et dépravés exultent : cette brève vacance du pouvoir est une aubaine inespérée. Mais don Angel a laissé un testament, et le successeur qu’il désigne pour l’intérim n’est autre que…sa propre épouse, donna Eleonora di Mora. Si la stupeur est grande dans la ville, elle tourne vite à la fascination, car cette femme tirée de l’ombre se révèle d’une beauté envoûtante, d’une intelligence redoutable et d’une équanimité révolutionnaire.

Vite appréciée des fonctionnaires intègres, aimée par le peuple et adorée par le médecin de la cour, Don Serafino, donna Eleonora retrousse ses manches en faveur des plus démunis. Mais ses ennemis n’auront de cesse de trouver la faille pour que cesse le scandale d’un vice-roi femme. Et surtout, équitable. »

Dès le début, on replonge dans le langage si particulier de Camilleri mâtiné de tournures et de patois sicilien auxquels s’ajoute ici un peu d’espagnol, car la Sicile à l’époque est espagnole et le vice-roi ne maîtrise pas totalement la langue de ses sujets. Ce mélange n’est aucunement un obstacle au plaisir de la lecture mais au contraire un grand plus : cette langue est imagée et chaleureuse, sans doute un travail énorme de la traductrice !

Et puis il y a le rythme ! Camilleri, homme de théâtre et de radio, sait raconter une histoire : pas de temps mort, toujours dans le fil de l’intrigue, des personnages vivants et intéressants, croqués rapidement sans être caricaturaux.

Les éléments historiques sont amenés au fil de l’histoire, naturellement, pas d’exposés de situation parfois pesants dans les romans historiques.

Voilà pour la forme.

Pour le fond, Camilleri nous a gâtés. L’histoire est passionnante tout autant que poétique : cette femme a régné le temps d’une lune, astre ô combien féminin ! Elle a affronté les élites corrompues y compris l’Eglise et la Sainte Inquisition et défendu les opprimés dont, bien entendu, les femmes et les enfants abusés. Elle a su un temps s’imposer dans un monde d’hommes au XXVIIème siècle pour… je ne vous dirai évidemment pas quel résultat !

En plus cette histoire est vraie et là, ça fait encore plus rêver ! Bon bien sûr, c’est un roman et Camilleri avoue en fin d’ouvrage quelques libertés prises avec l’Histoire, mais elles sont mineures, enfin celles qu’il avoue et de toute façon, l’histoire qu’il a écrite est si belle qu’on lui pardonne tout !

Un livre tellement savoureux et passionnant qu’on le dévore en une seule fois !

Raccoon

SIX JOURS de Ryan Gattis / Fayard.

Traduit par Nicolas Richard

 

Plongée en apnée dans le quartier de Lynwood aux confluences des émeutes de Los Angeles de 1992  suite au tabassage en règle de Rodney King.

Ryan Gattis est un romancier américain qui vit à Los Angeles. Cofondateur de la société d’édition Black Hill Press, il est également intervenant à la Chapman University de Californie du Sud et membre du collectif d’arts urbains UGLAR.

 « 29 avril – 4 mai 1992.

Pendant six jours, l’acquittement des policiers coupables d’avoir passé à tabac Rodney King met Los Angeles à feu et à sang.

Pendant six jours, dix-sept personnes sont prises dans le chaos.

Pendant six jours, Los Angeles a montré au monde ce qui se passe quand les lois n’ont plus cours.

Le premier jour des émeutes, en plein territoire revendiqué par un gang, le massacre d’un innocent, Ernesto Vera, déclenche une succession d’événements qui vont traverser la ville.

Dans les rues de Lynwood, un quartier éloigné du foyer central des émeutes, qui attirent toutes les forces de police et les caméras de télévision, les tensions s’exacerbent.

Les membres de gangs chicanos profitent de la désertion des représentants de l’ordre pour piller, vandaliser et régler leurs comptes.

Au cœur de ce théâtre de guerre urbaine se croisent sapeurs pompiers, infirmières, ambulanciers et graffeurs, autant de personnages dont la vie est bouleversée par ces journées de confusion et de chaos. »

 Réponse comme un écho des émeutes de Watts du 11 au 17 Aout 1965, la ville des anges s’embrase durant six jours d’un déferlement de violences, d’une implosion de haine. On suit les pérégrinations dans ce cataclysme de différents protagonistes issus de ce quartier où la règle, la loi restent dictées par les gangs.

Projeté de manière abrupte dans ce chaos le lecteur est happé, calotté, déstabilisé dans ce monde désincarné. L’auteur allie qualité d’écriture et analyse sociologique dans ce véritable roman noir avec une puissance inouïe. On perçoit, au fil des pages, des bribes d’explications, d’analyse, de cet embrasement incontrôlé et les acteurs face à ce déchaînement de violences restent aux yeux de l’écrivain et à mes yeux des êtres humains dans leur côté sombre en conservant concrètement les faiblesses, les failles, les fêlures de tout à chacun.

Ryan Gattis a magistralement accouché d’une œuvre écrite parfaitement scénarisée et l’on est ébloui par sa capacité à traduire, de cet environnement, les aspects d’une société en déperdition où les mots construction, émancipation, culture et cadre politique ne conservent plus de sens.

Coup de poing au plexus solaire où, étouffé par le récit, sa lecture est une vraie bénédiction pour le lecteur de noir.

Comme un symbole et pour clore cette chronique, mon illustration musicale vous présente un  enfant de South Central, admirable saxophoniste, chantre de la création, s’étant nourri d’une myriade d’influences Jazz, Soul, Hip-hop, Rock. Son triple album « Epic » est une tuerie de conception musicale. Et KAmasi porte le mot Espoir en bandoulière et prouve qu’il est présent dans toutes les têtes et qu’il peut éclore à tout moment , dans n’importe quel contexte !

Chouchou.

 

 

 

 

 

 

 

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