Alors Pyrate  c’est quoi ? Ce troisième livre de Fabrice Chillet est sous-titré « Mémoires d’un oiseau carré à queue de requin ».

 Pyrate me permet aujourd’hui d’écrire un texte que je n’aurais jamais pu concevoir sans lui. Car je n’ai aucune imagination. Je sais mentir, mais je ne sais pas inventer. Et si la vie de Pyrate sonne comme un roman, tout est vrai pourtant. Je sais aussi que je n’aurais plus jamais l’occasion d’écrire une telle histoire. Pendant quelques mois, je me retrouve en somme dans la peau d’un auteur qui rencontre son personnage de fiction idéal et qui n’a plus qu’à décrire ce qu’il voit et transcrire ce qu’il entend. L’histoire est là, face à moi. De chair et d’os. Elle se déroule, toute seule.

J’aurais préféré être Conrad ou London pour que ma vie soit le berceau de plusieurs vies imaginaires.  

 Pyrate  raconte l’histoire d’un marin du même nom, un mythe vivant. Véritable héritier d’Ulysse et des autres marins qui traversent la littérature, connus ou inconnus, héros ou hommes d’équipage.
L’auteur nous envoie des paquets de mer en pleine face, nous rudoie puis nous envoie combattre un cyclone au large de Madagascar ou vivre sur des barges pétrolières. Ce qui file sous nos yeux de lecteur se confond tantôt avec la peur éprouvée à la lecture des contes de Jean Ray, tantôt avec le sourire rencontré dans les voyages plus ou moins fictifs de Jean Rolin.
Pyrate, le personnage, est un prétexte pour Fabrice Chillet pour nous parler de son amour de l’eau salée, des bateaux et des gens de mer. À aucun moment il ne tombe dans le piège du cliché, l’écriture est sobre alors qu’elle ne décrit que de l’extraordinaire. Il n’a pas besoin d’artifice de bas étages pour nous balancer dans les vagues. Même si parfois je dois bien avouer ne pas avoir tout compris, je me suis contenté de la beauté des mots ; car lire « Pyrate » c’est se confronter au vocabulaire de la mer, c’est s’enrichir.

La mer passe en premier. « Très tôt, j’ai pris conscience que les mers et les océans recouvraient 70% de la planète. Je vous laisse les 30%. Je prends le reste. » Mais la liberté ne se cueille pas aussi facilement qu’une fleur de printemps.

« Pyrate » est fait d’un matériau brut, dense, de celui qu’on sculpte et sur qui le temps n’a pas de prise. Que Pyrate existe ou pas, on s’en fiche un peu finalement, car c’est un sacré bonhomme qui aurait pu naître de la plume de Cendrars, cet autre embrouilleur de fictions et  de réalités, ou sur les planches de Hugo Pratt. D’ailleurs, qu’on ne s’y trompe pas, le livre est élégamment édité par les éditions Bouclard dans une collection dont le nom est déjà un programme : Tout est vrai ou presque.

Si la littérature est parfois une expérience, ce livre en est la preuve. Ouvrir « Pyrate » c’est parcourir le globe en cent cinquante pages, de Bénarès à la rade de Brest, de Mamoudzou au golfe de Guinée.
Vous ne connaissez rien à la mer ni aux navires ce n’est pas grave, lisez ce livre, vous n’en connaîtrez peut-être pas beaucoup plus une fois refermé, mais vous aurez la sensation fiévreuse d’avoir vécu.

NicoTag

Contrairement à Pyrate, Steve a le mal de mer, c’est pour mieux nous faire tanguer avec son blues électrique bien déglingué !