La chasse. Le débat a envenimé notre été avec d’un côté les pros chasse et de l’autre les « ayatollahs de l’écologie ». Le roman de Colin Niel ne nous aidera pas, à mon sens, à prendre parti. Par contre il nous permet de comprendre que tout n’est pas blanc ou noir, de n’importe quel côté où on se place.

L’histoire commence avec une photo, celle d’une jeune fille, un arc à la main, avec en arrière-plan,  le cadavre d’un lion. Quel est le contexte de cette photo, que s’est-il passé, dans quelles  conditions a été prise cette photo ? Peu importe, sa diffusion sur les réseaux sociaux génère un torrent de critiques, d’insultes, de violences envers cette jeune fille dont l’identité n’est pas dévoilée.

Il s’agit, en fait d’Apolline, jeune étudiante vivant à Pau, passionnée de montagne et de chasse. 

Martin, lui, est garde forestier dans les Hautes-Pyrénées, profondément anti-chasse, il est hanté par la disparition de Cannelle, la dernière femelle ours réintroduite dans les Pyrénées et tuée en 2004. Il fait partie d’un groupe internet qui traque les photos de tueries d’animaux sur les réseaux sociaux pour dévoiler les identités des chasseurs et les livrer en pâture à la vindicte populaire. Et là, il rêve de trouver cette meurtrière de lion et de déchainer toute sa violence et sa frustration sur elle.

Nous suivons donc Apolline et Martin, sur deux temporalités différentes : avant la chasse, on participe au voyage en Namibie pour traquer cette bête sauvage, on découvre ce pays, la vie de ce peuple Himba qui doit apprendre depuis des millénaires à partager le territoire avec des bêtes féroces. Ils ont toujours partagé leur terre mais le changement climatique pousse de plus en plus au rapprochement. La diminution des points d’eau oblige les prédateurs à se rapprocher des hommes pour trouver de la nourriture. La cohabitation devient de plus en plus difficile.

 Et, sur une autre période, nous sommes dans les Pyrénées, après la chasse et la parution de cette photo, on participe à la traque de Martin pour découvrir l’identité de la chasseuse. Le contexte n’est pas tout à fait le même, l’opinion publique est beaucoup plus sensible à la disparition d’un animal majestueux et le regarde plus comme un meurtre que comme un sport ou un moyen de défense.

Le parallèle entre la Namibie et les Pyrénées n’est pas anodin.  La réintroduction de l’ours provoque beaucoup de débats, entre l’aspect écologique, et la cohabitation entre les bergers et l’animal. Les conditions de vie ne sont pas les mêmes mais la problématique reste la même : comment vivre, élever du bétail, et partager son territoire avec de grands prédateurs. 

Ce livre nous interroge sur notre rapport à la nature bien sûr, mais aussi sur notre rapport à la chasse. Que l’on soit urbain ou rural notre imaginaire nous donne une certaine image, positive ou négative. Elle déclenche une passion, amour ou mépris, et cette passion est profondément enracinée en nous, depuis l’époque où l’on chassait pour notre survie.

Colin Niel, une fois encore donne vie à ses personnages, avec leurs forces et leurs faiblesses. On partage leurs souffrances, leurs peurs, leur courage, et bien plus encore, on les comprend, on se met à leur place quel que soit le côté de la barrière qu’ils ont choisi. Un roman ni pro ni anti chasse mais poignant, profondément humain et qui nous interroge sur notre rapport aux autres, à la nature, et à notre facilité à condamner…

Marie-Laure.