« Un frère et une sœur vivent reclus depuis des années dans leur maison familiale, qu’ils ont baptisée « Notre château ». Seule la visite hebdomadaire du frère à la librairie du centre ville fait exception à leur isolement volontaire. Et c’est au cours de l’une ces sorties rituelles qu’il aperçoit un jour, stupéfait, sa soeur dans un bus de la ligne 39. C’est inexplicable, il ne peut se l’expliquer. Le cocon protecteur dans lequel ils se sont enfermés depuis vingt ans commence à se fissurer. »
Attiré par les nombreuses critiques dithyrambiques, je me suis lancé dans la lecture du roman d’Emmanuel Régniez qui avait écrit un « ABC du gothique » en 2012 chez Le Quartenier. « Notre Château » a représenté un voyage dangereux, très éloigné de mon petit monde littéraire et il faut savoir que l’expédition est aussi enrichissante que périlleuse.
Malgré la brièveté de l’histoire, la lecture peut s’avérer longue et difficile tant le propos est fin, ambigu jusqu’à la dernière ligne qui vous dévoilera une fin qui sera uniquement vôtre tant l’histoire est sujette à de multiples interprétations. Alors, il est certain que l’histoire charmera autant qu’elle pourra gonfler.
L’auteur crée un huis clos dans un château ou plutôt une transplantation moderne d’un des thèmes récurrents du roman gothique, genre littéraire tombé en désuétude et bien que le décor ne soit qu’une maison pas forcément de construction ou d’apparence victorienne, le frère et la soeur en ont fait un domaine privé, inviolable pour l’étranger et les rares fois où l’un s’absente pour affronter la vie réelle extérieure, l’autre reste protéger le château et est protégée par lui.
Peu à peu, on connaît leur vie particulièrement bien réglée depuis vingt ans et aussi leur terrible part d’ombre mais avant tout on découvre la terreur d’Hector quand il pense avoir vu sa sœur dans un bus alors qu’elle devrait être au château, un minuscule grain de sable qui prend des allures de cataclysme pour lui qui va commencer à voir des indices,des signes d’effondrement de leur petit univers.
La réussite évidente du roman tient dans l’écriture très travaillée d’Emmanuel Régniez qui a dû beaucoup lire les nouvelles de Maupassant comme les romans de Barbey d’Aurevilly dont il a retenu cette manière de créer des situations fantastiques issues de la vie très ordinaire des deux personnages, créant l’illusion d’un décorum ancien fastueux dans un décor moderne, une ambiance particulièrement angoissante sans réelle raison objective. Une œuvre moderne et hors du temps, dérisoire et essentielle, obsolète et précieuse… après on peut aussi aisément passer complètement à côté du charme de « Notre Château ».
Envoûtant.
Wollanup.
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