Traduction: Anne -Sylvie Homassel.

« Un jour de mars 1911, le cadavre d’un garçon est retrouvé dans une grotte d’un quartier déshérité de Kiev. L’enfant est à demi nu, son corps est lardé de 47 coups de couteau.

L’Ukraine étant alors intégrée à la Russie tsariste, sa population juive est soumise aux mêmes règles de ségrégation et les pogroms sont légion. Le meurtre du garçon va réveiller une vieille superstition antisémite, celle des sacrifices rituels d’enfants chrétiens.
Reste à désigner un coupable, ce sera Mendel Beilis. Ce père de cinq enfants, ouvrier à la briqueterie voisine, mène une vie paisible et discrète. Mais il est juif. »

Ce document du journaliste américain raconte l’affaire Beilis du nom du présumé coupable qui eut simplement la malchance de travailler dans les parages du lieu du crime. Suivant le témoignage d’un allumeur de réverbères qui accuse un juif, Menahen Mendel Beilis est arrêté rapidement car il est  le coupable idéal pour les autorités tsaristes foncièrement antisémites. C’est une histoire qui évidemment fait écho à l’affaire Dreyfus chez nous et qui sera comparée à l’affaire Leo Frank, juif américain directeur d’une usine de crayons à Atlanta  accusé du viol et du meurtre d’une fillette et qui mourra lynché par une foule indignée par les résultats de son second procès en 1915.

Fin du 19ème , début du 20ème , l’antisémitisme se porte donc très bien aux quatre coins de la planète, prémisces au chaos de la seconde guerre mondiale … qui aurait pu être suivi par une nouvelle curée en URSS si Staline n’avait pas eu la très bonne idée de calancher au moment de mettre à exécution ses vils et bas desseins, le brave « petit père des peuples ».

Si vous connaissez déjà l’histoire de Beilis, vous lirez ici une très complète reconstitution historique très documentée quand on sait qu’Edmund Levin a compulsé plus de cinq mille pages d’archives russes pour bien étayer son propos qui s’avère intelligent, fluide tout au long de 440 pages où la subjectivité n’est pas vraiment visible.

Et mieux, si vous ne connaissez pas ces événements qui ont eu un énorme retentissement en Russie et un peu partout dans le monde occidental puisque des sommités comme Thomas Mann, H.G. Wells, Arthur Conan Doyle et Anatole France se sont mobilisées, vous lirez alors un document haletant à bien des moments, un excellent bouquin à l’égal d’un bon polar écrit d’une belle plume.

Pendant de nombreuses années les juifs russes seront ensuite nommés de manière insultante « Beilis ». Des décennies plus tard, un grand auteur russe comme Soljenitsyne dézinguera son auréole de prix Nobel par des propos déplacés sur le procès et l’ensemble de l’affaire. Témoignage de l’aveuglement et de l’ignorance « Un enfant de sang chrétien » se lit d’une traite et ouvre à une réflexion sur la bêtise haineuse universelle des médiocres quand on leur donne un peu de pouvoir.

Star tsariste.

Wollanup.