« La notion de « Zone tendue » qualifie les agglomérations où le marché immobilier souffre d’un grave déséquilibre entre l’offre et la demande de logement. La Loi ALUR (Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’Accès au Logement et à un Urbanisme Rénové) censée s’opposer à ce déséquilibre ne s’applique pas aux territoires fortement impactés par le tourisme saisonnier. »
Être autochtone et trouver un logement à l’année sur un littoral squatté en pointillé par les estivants : l’équation n’est pas simple à résoudre. Avec une pensée, là, pour les amis finistériens confrontés à l’épineux problème. Lui-même Breton de cœur et d’adoption, c’est à Douarnenez que Gérard Alle pose cette fois le doigt là où ça fait mal. Dans la cité sardinière d’Iroise comme ailleurs, le moindre immeuble avec vue sur mer et dividendes à venir attire les convoitises et sourires faux-derches des Stéphane Plaza locaux. Ici, le vautour a la tronche de Kersauzon et se prénomme André. Pour le (sale) coup, c’est au nid délabré de Lola, pipelette au look de zadiste en cale sèche, et Alex, jeune type un tantinet simplet et entravé par une mère haut perchée, que le rapace s’attaque. L’une est intérimaire à la conserverie de poisson, l’autre s’ignore en Monsieur Jourdain du slam inné.
Quand arrivent les courriers synonymes d’expulsion, les trois locataires, moineaux aussi déplumés que démunis, serrent les ailes. La mère (surnommée Tit’Annick, c’est dire l’étendue du naufrage) tangue un peu mais se rallie à l’active résistance soudaine de son fils et de Lola. La fronde est en marche. Les voisins s’en mêlent, le quartier s’en mêle. Même la presse vient en soutien aux insurgés. Même André se prend un méchant coup de blues et voit ses convictions professionnelles s’effriter comme les murs du vieux bâtiment convoité. Mais un contrat reste un contrat et le dépeçage des bords de mer continuera, avec ou sans Lola, avec ou sans Alex.
Les mots lestes (qui molestent finement aussi) de Gérard Alle, conjugués à ceux qui dansent et pétillent dans la tête d’Alex, rythment les 90 pages de ce court roman allègre autant qu’ébouriffé. À la bonne franquette, pour ainsi dire, l’auteur des mémorables Il faut buter les patates et Babel Ouest (aux éditions Baleine au début du siècle), réussit avec cette intrusion en Zone tendue un autre de ces sprints sympathiques et humanistes à porter au crédit de la collection Polaroid, cette série de novellas initiée par Marc Villard pour les éditions In8. Trugarez ! Certes. Mais, de toute façon, on ne peut que faire confiance à un mec qui cite sans ciller Billy Bullock And The Broken Teeth, l’héroïque combo du punk’n’roll penn-sardin…
JLM
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