Chroniques noires et partisanes

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L’ ÉTÉ DES CHAROGNES de Simon Johannin / Allia.

C’est un premier roman. C’est donc original sans être totalement événementiel même si l’auteur est jeune et devrait donc, à priori se bonifier avec le temps. J’ai terminé le livre, il y a plus d’une quinzaine mais j’ai eu beaucoup de mal à exprimer mes sentiments et je pense que ce petit écrit ne rendra pas parfaitement compte de mes impressions, ma foi, bien contradictoires.

« Ici c’est La Fourrière, un « village de nulle part » et c’est un enfant qui raconte : massacrer le chien de « la grosse conne de voisine », tuer le cochon avec les hommes du village, s’amuser au « jeu de l’arabe », rendre les coups et éviter ceux des parents.

Ici on vit retiré, un peu hors-la-loi, pas loin de la misère aussi. Dans cette Guerre des boutons chez les rednecks, les bêtes sont partout, les enfants conduisent leurs parents ivres morts dans des voitures déglinguées et l’amitié reste la grande affaire.
C’est un pays d’ogres et d’animaux errants, un monde organique fait de pluie et de graisse, de terre et d’os, où se répandent les fluides des corps vivants et ceux des bestioles mortes. Même le ramassage scolaire ressemble au passage des équarisseurs.
Mais bientôt certains disparaissent, les filles vous quittent et la forêt finit par s’éloigner. »

 Etonnant roman à plusieurs titres qui semble formé de deux parties complètement différentes  au point que j’ai pensé que la fin comprenant une trentaine de pages, qui tranche réellement jusqu’à choquer, ne faisait pas partie du même roman. Celui-ci débute comme la chronique rude mais très vivante, alerte, de deux ados durant un été à la campagne où ils vivent dans le sud- ouest  de la France. S’il y a un petit peu une mode en ce moment pour faire passer les ruraux pour des taiseux philosophes humanistes, ici, c’est loin d’être le cas.

A la Fourrière, sur des terres communales vivent deux familles exploitant les terres et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ressemblent bien à leurs cousins ricains rednecks .Alors, j’ai lu que ce roman se moquait de la ruralité mais ce n’est pas le sentiment que j’en ai eu. Les gamins ont l’air d’être livrés à eux-mêmes, sans repères parentaux efficients, et d’être obligés de grandir comme ils le  peuvent, avec à la clé le lot de conneries qui va avec, c’est certain mais ce genre de familles, de comportements existe aussi et il serait malhonnête de vouloir nier leur existence comme il serait stupide d’en faire une généralité. Sans doute, l’auteur a exagéré un peu le trait mais de nombreuses anecdotes m’ont rappelé beaucoup de souvenirs de mes séjours estivaux durant l’enfance à la campagne chez mes grands-parents dans la cambrousse du Nord-Finistère et racontent une certaine réalité que je vis tous les jours. Il y a beaucoup de vécu visiblement, cela sonne authentique ;

La prose est vive, capable de beaucoup d’éclats comme lors d’un enterrement hilarant et rock n’ roll, ressemblant à celui présent dans l’excellent « Mister Alabama » de Phillip Quinn Morris paru chez Finitude l’an dernier. Bien sûr, certains passages sont sales, repoussants et le meilleur exemple est cette lapidation de chien qui débute le roman mais globalement cette partie est très réjouissante, addictive et souvent particulièrement attachante et drôle tout en montrant bien les manques affectifs et éducatifs et prouvant surtout  qu’il faudra compter à l’avenir avec Simon Johannin.

J’aurais aimé que le roman s’arrête là puisque dans le final d’une trentaine de pages, nous assistons à la descente vers les enfers de la drogue du narrateur dans cet automne raconté de manière certainement trop brève et qui tranche trop avec le propos assez gouailleur du début. Le thème devient très dramatique mais aussi très commun, très souvent traité et de bien plus belle et prenante manière dans la littérature et semble donner à penser que le malheur arrive, finalement, quand on quitte le cocon « barbare » de la campagne. Par ailleurs, j’ai eu du mal à comprendre les raisons d’un tel anéantissement du héros en si peu de temps.

Certainement, Simon Johannin a forcé un peu le trait, n’a pas réussi à complètement maîtriser sa fougue, il n’empêche que ce premier roman surtout les premiers trois quarts prouve que les Editions Allia ont découvert un auteur de talent dont on reparlera certainement très vite.

Prometteur.

Wollanup.

KO A LA 8e REPRISE de Bill Cardoso/ Editions Allia

« KO à la huitième reprise » n’est pas un roman mais une grosse nouvelle du genre journalistique gonzo où le reporter est un des protagonistes, un des acteurs de l’évènement sur lequel il est en train d’écrire. Alors le terme aurait été créé pour parler d’ un article de 1970 du plus grand des auteurs gonzo,le célèbre et très surprenant Hunter S. Thompson, à qui on doit notamment le phénoménal « Las Vegas Parano » qui deviendra un film ensuite sous la direction de Terry Gilliam. Travail courageux car réellement fait en immersion comme Thompson vivant le quotidien des Hell’s Angels, il offre néanmoins une réjouissante subjectivité parce qu’il est souvent vécu à travers l’alcool ou/ et les drogues qu’ingurgite le journaliste et ensuite écrit dans un état très similaire. C’est souvent très instructif sur les mœurs de nos contemporains et passionnant quand cela relate un événement d’envergure mondiale pour nous en faire ressentir l’ambiance réelle et intime comme dans cette formidable nouvelle proposée par des éditions Allia qui prouvent ainsi que la beauté de leurs petits formats n’est pas leur seul atout. »

« J’avais prévu de vous chauffer avec les histoires hilarantes de mes maladies équatoriales… ma malaria, ma blennorragie, ma dysenterie, mon hépatite, mon intoxication alimentaire ; de vous entretenir de la marijuana la plus forte au monde, appelée bangi en lingala, la langue franque de Kinshasa et la langue officielle de l’armée du Zaïre francophone, dont le nom lui-même est dérivé de l’arabe maghrébin bhang… »

Je ne connaissais pas Bill Cardoso mais il fait vraiment partie de cette caste d’allumés du gonzo. Envoyé au Zaïre par le journal américain « New Times » pour couvrir le match du siècle en boxe Mohamed Ali George Foreman en 1974, la star symbole des Afro-Américains contre un boxeur qui a « renié » son âme de sportif noir, le chouchou des Zaïrois contre le favori des ennemis congolais voisins, Bill Cardoso sera contraint d’y passer cinquante jours et cinquante nuits et attendez-vous au pire vu ce qu’il picole et son goût immodéré pour la meilleure ganja du monde qu’il vient de découvrir au cœur de l’Afrique.

Si vous n’aimez pas la boxe, ce n’est pas grave parce que peu de pages parlent du match en lui-même. Toutes, par contre, parfois de façon indirecte, racontent cet étonnant fait de société pour lequel toute l’Amérique et une grande partie du monde avaient les yeux rivés sur le Zaïre, récent nom, à l’époque, du pays maintenant connu comme la république démocratique du Congo pour voir le triomphe de Ali, idole des Afro-américains contre Foreman considéré comme le valet des Blancs.

Pendant un peu plus de cent pages, nous assistons au vrai combat , ô combien déséquilibré celui-là, entre un Bill Cardoso complètement torché et une administration, une diplomatie et une sécurité zaïroises particulièrement obtuses. Nous rencontrons Norman Mailer et d’autres grands noms de la presse, sur place eux aussi, mais le personnage principal est néanmoins le président zaïrois Mobutu qui se voit en révolutionnaire alors qu’il n’est qu’un triste dictateur comme l’Afrique en produit tant.

Il serait vain de tenter de raconter le périple de l’auteur qui passe d’un sujet à un autre sans prévenir mais toujours avec un franc parler réjouissant et en même temps énormément subjectif, laissant deviner que son état instable africain dû à ses multiples addictions a persisté pendant le temps postérieur de l’écriture. Au milieu d’anecdotes, se perçoit aussi parfois une vision un peu infantilisée du pays à l’époque qui peut, peut-être, un peu gêner mais qui doit être remise dans le contexte d’ivrognerie récurrent de l’auteur pendant ces cinquante jours et ces cinquante nuits.

Au final, et ce n’est pas vraiment une surprise, vous verrez,  le journal New Times n’a jamais diffusé le travail qu’il avait commandé à Bill Cardoso…

Réjouissant.

Wollanup.

 

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