We Begin at the End

Traduction: Julie Sibony

Duchess a 13 ans, pas de père, et une mère à la dérive. Dans les rues de Cape Haven, petite ville côtière de Californie, elle ne souffre ni pitié ni compromis. Face à un monde d’adultes défaillants, elle relève la tête et fait front, tout en veillant sur son petit frère, Robin. Mais Vincent King, le responsable du naufrage de sa mère, vient de sortir de prison. Et son retour à Cape Haven ravive les tumultes du passé. Quand cette menace se précise, Duchess n’a plus le choix : il va lui falloir engager la lutte pour sauver ce qui peut l’être, et protéger les siens.

En voyant arriver les 520 pages de Duchess, roman de l’Anglais et ancien trader Chris Whitaker, j’ai tout de suite eu une petite appréhension sur la taille, espérant qu’il ne serait pas inutilement épais. Heureusement, une appréhension ne tient pas longtemps face au talent. Sonatine a une nouvelle fois vu juste.

Un roman noir pour adultes avec pour héroïne une jeune fille de 13 ans, j’ai envie de dire que c’est un pari risqué, même si il y a eu des précédents. Un beau challenge qui nécessite que le personnage soit assez consistant pour nous faire traverser à nous, adultes, toute une histoire. Le pari est tout à fait réussi. Non seulement Duchess nous redonne conscience de la réalité d’être un enfant, mais nous fait également devenir adulte une nouvelle fois en se prenant dans la tronche les aléas, parfois tragiques, de la vie. 

Si l’histoire de Duchess est sombre et triste, cette tristesse semble être le lot, à des degrés divers, de l’essentiel des personnages de la petite ville de Cape Haven que nous donne à découvrir l’auteur. Le bonheur n’y réside pas à tous les coins de rue. Non pas que les faits divers violents y soient monnaie courante, mais nos personnages s’engluent dans une intense mélancolie et une routine pesante. Rien de très exotique ici. Les Cape Haven ne manquent pas dans le monde mais certaines personnes jouent de plus de malchance que d’autres. 

Chris Whitaker ne convie pas le lecteur à un voyage rose et agréable mais il fait cela avec une certaine délicatesse. Si les drames qui parsèment le livre sont brutaux, ce n’est pas sur la noirceur qu’est mis l’accent mais sur la propension de certains, tout particulièrement Duchess, à trouver la force pour lutter, se construire et se reconstruire, et avancer malgré les obstacles. Duchess est à elle seule une leçon de vie pour adultes résignés.

On se laisse, sans difficulté aucune, gagner par l’atmosphère construite par Chris Whitaker dans Duchess. On est absorbé dès les premières pages. Les personnages attachants ne manquent pas et les plus mystérieux non plus. On a envie d’aller au bout et de savoir ce qu’il adviendra de toutes et tous. Si Duchess n’est pas un récit initiatique que je qualifierais forcément d’original, il tient sa force de sa générosité et de son humanité. Il apparaît, au fil de ces pages, qu’il y a quand même de la lumière dans toute cette noirceur et que la vie peut triompher. Un roman riche en émotions, qui en séduira beaucoup, et qui trouvera sa place quelque part entre R. J. Ellory et Dickens.

Brother Jo.