Vine Street

Traduction: Bernard Turle

“Londres, 1935. Leon Geats travaille à la brigade des Mœurs & Night-clubs de la police de Westminster. Misanthrope et hargneux, il dirige la racaille de Soho – un quartier peuplé de prostituées, de jazzmen et de mafieux – selon un code moral élastique. Lorsque le corps d’une femme est retrouvé au-dessus d’un club, les inspecteurs de la Criminelle ont vite fait de classer l’affaire, ignorant qu’il s’agit de la première victime d’une longue série. En collaboration avec un collègue de la Brigade Volante et une officière de police, Geats se consacre à la recherche d’un tueur pervers et insaisissable.”

Comme Ian Rankin sur la quatrième de couverture et de nombreuses critiques, on ne peut qu’ admettre que l’on a ici un roman à placer aux côtés du Quatuor de Los Angeles de James Ellroy. On quitte néanmoins Los Angeles pour se retrouver sur les bords de la Tamise à Londres et plus exactement dans le quartier de Soho. Si le début et l’épilogue se déroulent en 2002, l’histoire se situe bien en amont, dans les années trente puis pendant la période du Blitz de la seconde guerre mondiale. S’y rajouteront  quelques chapitres dans les années 60.

Comme chez Ellroy, des femmes massacrées, des ambiances et comportements troubles et troublants, des flics pourris jusqu’à la moelle dont on espère la mort dans les plus grands tourments, des mafias, des services secrets sans états d’âme, le côté obscur des êtres, une description pointue de la ville et d’une certaine marge évoluant dans les quartiers chauds. L’histoire s’anime sur la poursuite du tueur particulièrement dégueulasse “le brigadier”agissant comme un fantôme sans laisser d’autres traces que l’effroi et le malaise que sa barbarie déclenche.

Sur sa piste, habités par leur enquête jusqu’à l’aliénation, trois flics qui vont aussi former un très troublant triangle passionnel, ajoutant d’étranges perversions dans une atmosphère qui en est déjà saturée. Le trio est à la poursuite du tueur mais le vrai héros du roman, c’est Leon Geats. Longtemps, très longtemps qu’on ne nous avait pas offert un si beau personnage de flic. Très grand Leon Geats! un vrai chien qui ne lâche pas, utilisant la méthode dure, assénant la violence autant qu’il l’encaisse, se montrant trouble, retors, secret et dans le même temps, si bellement humain. Un seigneur. 

Le roman est dense, les personnages nombreux, les bonds dans le temps déstabilisants, les rebondissements parfois divins, la psyché des trois flics, magnifiquement développée ou astucieusement voilée dépasse souvent en intensité dramatique la chasse à l’homme, un bonheur de noir.

Comme tout bon élixir, Vine Street se savoure, se laisse apprivoiser lentement pour enfin développer les effluves puissantes d’une intrigue complexe et passionnante.

L’étoffe des grands polars.

Clete