“Je ne suis rien. Je n’ai pas été violée, je n’ai pas été abusée, je n’ai pas eu faim. Vous pensez qu’il faut avoir été violée pour porter le viol, abusée pour ressentir l’abus, avoir eu faim pour être assourdie par le cri des ventres creux ?”
C’est la fin d’une traque. Dolorès Leal Mayor vient d’être appréhendée. Elle est accusée d’avoir assassiné une dizaine d’hommes après les avoir séduits. D’avoir ouvert partout dans le pays une brèche, déclenché une vague de fureur chez les femmes, victimes du capitalisme et de son patriarcat.
Pour tenter de juguler l’épidémie de meurtres, Antoine Petit, jeune psychiatre rongé par une désespérance sourde et aux prises avec l’addiction, est sommé de déclarer Dolorès irresponsable de ses actes. On veut éviter le procès qui entérinerait son statut d’icône.”
On avait beaucoup aimé Atmore Alabama, le précédent roman d’Alexandre Civico chez Actes Sud. Sa signature et une couverture superbe ne pouvaient que nous inciter à retourner dans ses univers sombres. On parle parfois abusivement de noirceur pour une certaine littérature. Ici, sur une échelle de 0 à 10, on atteint allégrement un 11. Pas tant par les horreurs de la geste de Dolores, mais plus par un univers plombant constant, joliment construit par l’auteur.
Si le début et plus particulièrement la fin du roman sont le théâtre de scènes terribles, c’est l’ensemble de l’œuvre qui hantera le lecteur d’une aura sale. Avec douleur et angoisse, avant les terribles révélations qui nous porteront vers l’abjection, on suit Dolorès dans son chemin de croix carcéral et existentiel. Le mal de vivre d’Antoine le psy paraît alors bien déplacé. A ce dernier on a juste envie de dire d’arrêter un peu la coke pour y voir un peu clair. Il se révélera pourtant vers la fin et montrera que son côté bobo pleurnichard n’était peut-être que façade. Les deux perdront beaucoup dans leur confrontation.
Fable noire contemporaine de lutte contre le patriarcat et le machisme, Dolores et le ventre des chiens atteint parfaitement son objectif. C’est glaçant, éprouvant et une fois de plus la puissance de l’écriture de Civico emporte tout. Un roman fort !
Clete.
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