How Much Of These Hills Is Gold

Traduction: Clément Baude

 Au crépuscule de la ruée vers l’or, deux sœurs traversent les États-Unis avec les restes de leur père et un fusil pour tout bagage…Il suffit de peu de mots à ce livre pour m’enrôler : cette courte phrase sur la quatrième de couverture.

 Alors quid du reste ? 

 Le soleil les vide. Milieu de la saison sèche, la pluie désormais lointain souvenir. Leur vallée n’est que terre nue, coupée en deux par un tortillon de ruisseau. De ce côté sont les pauvres cahutes des mineurs, de l’autre les bâtiments des riches avec de vrais murs, des fenêtres en verre. Tout autour, qui encerclent, les collines infinies dorées par la chaleur ; et cachés parmi leurs hautes herbes desséchées, les campements disparates des prospecteurs et les Indiens, les groupes de vaqueros, de voyageurs, de hors-la-loi, et la mine, et d’autres mines, et plus loin, et plus loin. Sam redresse ses petites épaules et traverse le ruisseau. Sa chemise rouge est un cri dans le paysage désolé.

Je n’ai pas choisi cet extrait au hasard. Lisez, relisez, encaissez. L’écriture toute cabossée, heurtée, est à l’image des vies de Sam et Lucy. Deux filles de 11 et 12 ans d’origine chinoise, grandies trop vite dans l’ouest américain. Leur mère, Ma, est morte depuis quelques années, le père, Ba, meurt aux premiers mots du roman.
Elles sont seules dans un pays et une époque qui ne les aiment pas. 

 A eux seuls, ces quatre personnages sont la clef de voûte de ce roman, ils sont puissants et surtout intimidants. Au point qu’il est difficile d’avoir de l’empathie tant ils s’imposent avec rudesse. 

 La lecture entre en collision permanente avec le livre, les mots y sont concassés, les phrases abruptes, sèches, difficiles à relier par moments. L’écriture est assez décousue, malaisante, heurtée. Il faut s’accrocher à ce défi lancé, persévérer et accepter de ne pas tout comprendre.

 Régulièrement on bute sur des mots ou des expressions d’une langue chinoise transcrits en alphabet latin, mais non traduits, on déduit par rapport au contexte, mais est-ce qu’on déduit correctement ? Une traduction en bas de page n’aurait pas été de trop. De même pour toute la symbolique asiatique, à laquelle, parfois, je suis resté étranger. Mais c’est bien le seul défaut de ce roman. 

Le récit va et vient entre un présent extrêmement rude pour les deux filles, je rappelle qu’elles trimballent le cadavre de leur père, et les souvenirs de dialogues avec la mère ou le père. La compréhension n’est pas toujours aisée tant l’histoire est démembrée.

« De l’or dans les collines » se situe à la croisée de la quête de l’endroit idéal où donner une sépulture au père, et du roman initiatique hard-core, de la perte de l’innocence. C’est également, en filigrane, un portrait peu flatteur de l’accueil américain réservé aux asiatiques. Sur les chantiers du chemin de fer, dans les mines de charbon, d’accord, pour le reste faut pas trop en demander. C Pam Zhang offre un pas de côté inhabituel sur cette époque de l’histoire américaine.

La photo de couverture de l’édition française est particulièrement bien choisie, elle est un subtil reflet des deux sœurs, de leurs vies erratiques et solitaires, de leur sort : à la marge de tout. Dans ces mêmes paysages aussi désolés à vivre que grandioses à contempler.

NicoTag

On retrouve dans « Don’t go dark on me » de Distance Light & Sky une âpreté très proche du roman.