Chroniques noires et partisanes

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LES DEUX VISAGES DU MONDE de David Joy / Sonatine.

Those We Thought We Knew

Traduction : Jean-Yves Cotté

« Après quelques années passées à Atlanta, Toya Gardner, une jeune artiste afro-américaine, revient dans la petite ville des montagnes de Caroline du Nord d’où sa famille est originaire. Bien décidée à dénoncer l’histoire esclavagiste de la région, elle ne tarde pas à s’y livrer à quelques actions d’éclat, qui provoquent de violentes tensions dans la communauté. Au même moment, Ernie, un policier du comté, arrête un mystérieux voyageur qui se révèle être un suprémaciste blanc. Celui-ci a en sa possession un carnet, sur lequel figure une liste de noms de notables de la région. Bien décidé à creuser l’affaire, Ernie se heurte à sa hiérarchie. Quelques semaines plus tard, deux meurtres viennent endeuiller la région. Chacun va alors devoir faire face à des secrets enfouis depuis trop longtemps, à des mensonges qui durent parfois depuis plusieurs générations.« 

La sortie d’un nouveau David Joy a toujours de quoi réjouir. Il y a déjà ses romans, qui sont généralement plutôt bons et toujours honnêtes, et puis il y a le bonhomme qu’il est difficile de ne pas apprécier. J’écrivais dans ma chronique de Nos vies en flammes, son précédent roman, que pour moi il n’y avait pas encore eu de grand roman de David Joy. Tous bons mais encore point de chef-d’œuvre franchement mémorable. Qu’en est-il de Les deux visages du monde, son cinquième roman qui paraît chez Sonatine ? 

Les habitués de David Joy ne seront pas dépaysés, l’intrigue de son nouveau roman ne se déroule pas à Cancale, mais bien dans l’Etat de Caroline du Nord, où vit notre auteur, et plus précisément dans la ville de Sylva. Et s’il y a une chose que David Joy sait faire, c’est écrire sur les paysages qu’il connaît. C’est dans ce décor qu’il décide de s’attaquer à la problématique du racisme et ses différents visages.

Je vais peut-être commencer par les points faibles du livre, car oui, il y a quelques points faibles et notamment l’intrigue. Il était difficile de faire plus prévisible. On comprend très rapidement où on va et Joy ne nous réserve aucune surprise. Enfin presque aucune surprise. Il y a bien, vers la fin, un twist que je ne vais bien évidemment pas révéler, mais un twist si peu crédible que la fin semble presque un peu bâclée. Dommage ! Ses personnages aussi sont très prévisibles, pour ne pas dire stéréotypés. Mais la prévisibilité de l’ensemble fait-elle de Les deux visages du monde un mauvais roman ? Non ! 

Je l’ai évoqué précédemment, David Joy est particulièrement doué pour nous décrire sa région. Dans ce livre, il prend vraiment le temps de poser le décor, de construire une atmosphère. Cette lenteur instaure une dynamique très réaliste. Si vous cherchez un roman où l’action prédomine, vous pouvez passer votre tour. David Joy veut prendre le temps de correctement immerger ses lecteurs dans son environnement et il fait bien.

On retrouve également sa plume, très simple, aussi facile qu’agréable à lire. Et aborder, avec cette plume, des sujets aussi cruciaux que le racisme à travers les générations, le racisme systémique, l’héritage de l’histoire et sa transmission, et enfin la fracture entre ceux qui ont véritablement subis cette histoire, et ceux qui l’interprètent comme ils veulent, c’est l’assurance d’avoir un propos compréhensible par le plus grand nombre. Il donne matière à débattre, il questionne et, de ce fait, peut éventuellement éveiller les consciences. Ainsi écrit, son roman a une portée universelle. 

Avec Les deux visages du monde, David Joy signe un roman noir à très forte dimension sociale, moins brut que ses précédents et plus atmosphérique, mais clairement dans l’air du temps. Le racisme a des racines profondes et est encore bel et bien d’actualité. Toujours pas le grand chef-d’œuvre de David Joy (je sais, je persiste…), ni même son meilleur livre, mais il a définitivement le potentiel pour trouver son public. 

Brother Jo.

LÀ OÙ LES LUMIÈRES SE PERDENT, Entretien avec DAVID JOY , LE POIDS DU MONDE, CE LIEN ENTRE NOUS , NOS VIES EN FLAMMES.

NOS VIES EN FLAMMES de David Joy / Sonatine

When The Mountains Burn

Traduction: FabricePointeau

« Veuf et retraité, Ray Mathis mène une vie solitaire dans sa ferme des Appalaches. Dans cette région frappée par la drogue, la misère sociale et les incendies ravageurs, il contemple les ruines d’une Amérique en train de sombrer. Le jour où un dealer menace la vie de son fils, Ray se dit qu’il est temps de se lever. C’est le début d’un combat contre tout ce qui le révolte. Avec peut-être, au bout du chemin, un nouvel espoir. »

Chaque sortie de livre de David Joy devient en soit un petit événement. En quatre romans il est devenu un nom qu’il est difficile d’ignorer, pour les amateurs de noir au minimum. Les critiques sont toujours étonnamment dithyrambiques. Il fait globalement l’unanimité. Ajoutez à cela, pour « Nos vies en flammes », son nouveau roman, une très belle couverture qui ferait regretter une carrière de pyromane, et vous ne pouvez qu’avoir envie de vous y plonger. Ce que j’ai bien évidemment fait.

De ses trois premiers romans, j’en ai lu deux, mais je n’ai pas vécu l’illumination littéraire espérée et suggérée par les critiques. Est-ce enfin le cas avec son quatrième livre ? Non, mais attendez avant de me conspuer ! Ça n’est pas tout à fait ce que vous imaginez. Mon cas n’est pas complètement désespéré, celui de David Joy non plus. Je n’ai pas encore lu de mauvais livres de David Joy, si cela peut vous rassurer. Respirez un bon coup ! Je vous sens déjà tendu. Tout va bien se passer.

Il y a trois défauts que je pourrais être tenté de reprocher à David Joy mais qui ne sont pas nécessairement des défauts. Cela dépend des attentes de chacun. Premièrement, il a tendance à avoir la main un peu trop lourde sur le noir. Deuxièmement, il suit de façon assez scolaires les codes du genre sans jamais vraiment chercher à s’en écarter. Enfin, troisièmement, ses intrigues sont très prévisibles et il suffit de quelques pages pour comprendre la direction choisie. Ces « défauts » sont en fait la recette parfaite pour en faire un romancier à succès et combler les amateurs du genre mais restent ce qui, à mon sens, l’empêche de sortir vraiment du lot. C’est aussi ce qui rend ses livres accessibles et très simples d’approche. Si je suis tenté de lui reprocher un peu cette apparente simplicité, un petit quelque chose dans son nouveau roman me ferait plutôt dire que c’est sans doute là sa force.

Avec Nos vies en flammes, « David Joy » nous embarque à nouveau chez lui, en Caroline du Nord, où il ne fait toujours pas très bon vivre, à moins d’être proprement équipé pour pelleter la merde qui s’amoncèle facilement sur le pas de votre porte. Comme dirait si bien Ray, au coeur du roman : « Tout dans ce monde a des conséquences. » C’est ce qu’affrontent, tant bien que mal, les personnages créés par David Joy. Les conséquences d’une vie qui peut prendre des allures de piège. Alors qu’en toile de fond, des incendies aussi destructeurs que purificateurs, consument le monde alentour, on assiste à la descente en enfer de pauvres hères. La drogue, poison ravageur, plus encore dans les communautés pauvres et isolées, se répand plus insidieusement même que les flammes. Elle ronge l’âme et le corps de celles et ceux qui y cèdent. Des familles se défont, souffrent, des fils deviennent des junkies ou des dealers, d’autres des victimes, puis des parents finissent fatalement par affronter le deuil. Blancs ou Amérindiens, c’est un mal partagé qui dépasse les frontières, tout comme ces grand feux étouffant qui embrasent les forêt et sèment la mort. Les flics peinent à endiguer le fléau de la drogue, à prévenir la violence et la misère qui en résulte. Que peut faire un homme, en prise à la douleur immédiate d’une perte brutale, face au temps beaucoup trop long de la justice ? Il peut décider d’attendre ou d’agir en son nom. Ray Mathis fait le choix d’agir. Un choix discutable qui s’impose comme une conséquence obligée, entraînant de nouvelles conséquences. Un cercle vicieux qui peut paraître sans fin. Le cercle de la vie.

La simplicité est une nouvelle fois ce qui caractérise le roman de David Joy. C’est simple à lire, simple à comprendre et simplement écrit. D’emblée, j’ai trouvé ça trop simple, trop évident. Puis je me suis laissé porter une fois le décor bien planté et les images ont fait leur chemin dans mon cerveau. Les bouquins de David Joy c’est du pain béni pour le cinéma. C’est du drame à l’américaine. C’est un instantané d’un ailleurs qui dit beaucoup de l’état du monde. Dans toute cette noirceur David Joy essaye de faire percer une pâle lueur de vie, il tente de nous dire qu’on peut voir un junkie comme un suicidaire mais qu’il peut aussi être un homme qui essaye de vivre, plutôt que mourir.

J’évoquais précédemment qu’un petit quelque chose dans « Nos vies en flammes » me fait dire que la simplicité de David Joy est certainement sa force. Ce petit quelque chose n’est pas précisément dans le roman, c’est la postface de celui-ci, un article intitulé Génération opioïdes et écrit par David pour la revue America. Il écrit sur les ravages de la drogue autour de lui, sur les scènes de misère du quotidien, sur les contrastes d’où il vit, et on réalise que ce qui peut sembler trop évident, que les ficelles qui peuvent paraître trop grosses à mon gout, sont au final une réalité et qu’il suffit, pour faire sens, de relater simplement cette réalité qui peut vous frapper assez fort pour vous laisser chaos. C’est bien là ce que tente de faire David Joy.

Je reste donc sur mes dires. Pour ma part, point de chef d’oeuvre encore chez Joy mais un nouveau bon roman noir, dans le style simple qui est le sien, dur et fatalement humain. On a là un auteur qui fait son chemin de façon cohérente et sincère. Je n’attends qu’une chose, qu’il me surprenne. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, il n’est définitivement pas là pour nous apporter de la joie. Joy nous confronte à ce que la vie peut avoir de cruel et inexorable, de quoi satisfaire les lectrices et lecteurs un peu masochistes que nous sommes parfois.

Brother Jo.

CE LIEN ENTRE NOUS de David Joy / Sonatine.

The Line That Held Us

Traduction: Fabrice pointeau.

“Caroline du Nord. Darl Moody vit dans un mobile home sur l’ancienne propriété de sa famille. Un soir, alors qu’il braconne, il tue un homme par accident. Le frère du défunt, connu pour sa violence et sa cruauté, a vite fait de remonter la piste jusqu’à lui.”

Là où les lumières se perdent fut une putain de découverte en 2016, Le poids du monde en 2018 fut la confirmation de haut vol que l’on attendait et espérait et c’est sans souci mais avec une certaine frénésie qu’on pouvait attendre ce troisième roman de David Joy dont la parution initiale en avril avait été reportée pour éclairer des couleurs du Deep South la rentrée littéraire cet automne. Evidemment, ceux qui ont aimé les deux premiers n’ont pas attendu ma bafouille pour retourner dans les montagnes appalachiennes de Caroline du Nord. Ces dernières étaient déjà le théâtre des œuvres de Ron Rash et il faudra maintenant y associer et de façon certainement durable les romans de David Joy qui aborde la marginalité de ces régions perdues ricaines, certainement de façon moins bercée par la poésie que Rash mais avec une dureté, une authenticité, un réalisme qui rendent la lecture addictive dès les premiers paragraphes.

Tel un Donald Ray Pollock qui ne peut écrire que sur son coin de l’ Ohio, Joy raconte son coin paumé, maudit de Caroline du Nord. C’est forcément très américain, très roots, on retrouve tout ce qu’on aime mais aussi tous les excès de ce genre de littérature mais avec une écriture impeccable qui vous porte tout de suite. Les mobil-homes, le chômage, les magouilles dont le braconnage, des populations épuisées, des dégénérés, des picks-up rouillés mais aussi le poids de la religion et plus grave, ses déviances et puis, comme toujours chez ce peuple de cowboys, l’auto-justice avec une police dépassée ou ignorée. Et toujours dans un décor de montagnes que Joy dépeint avec talent mais sans excès verbeux.

David Joy connaît les histoires qu’il raconte, fréquente les gens dont il raconte les galères, passe sa vie dans ces montagnes et ces collines et se fout des étiquettes “rural noir”ou « Southern Gothic ». Il raconte ce qu’il connaît et une fois de plus, je me répète, il l’écrit divinement avec l’empathie et l’humanité qui lui collent à la peau et tous ceux qui ont eu la chance de le rencontrer ne me contrediront pas.

Ce troisième roman est pourtant plus ambitieux, encore plus réussi, beaucoup plus troublant que les deux précédents. Commencé comme une banale chasse à l’homme, il devient un tout autre roman à partir du deuxième tiers. Pour la première fois Joy fait ouvertement entrer Dieu, les croyances, les perversions liées à des interprétations biaisées volontairement ou pas… Sont avancées la Bible, l’histoire de Job, la loi du talion dans le cerveau d’un personnage rendu fou par la douleur de la perte de son seul bien, de sa seule raison de vivre après toute une vie de banni, d’exclu, de paria dont la stigmatisation n’était supportable qu’en compagnie de l’autre âme damnée qu’il protégeait et dont la mort va provoquer une ire “divine”.

“Ses yeux semblaient renfermer la fin du monde”.

On comprend très vite que le personnage principal est Dwayne, le frère de Sissy un pauvre petit gars, mal dans sa vie, mal dans sa peau mais seule lumière dans la vie de Dwayne. David Joy voulait créer un personnage ressemblant à Lester Ballard d’ “Un enfant de Dieu” de Cormac McCarthy et il l’a réussi certainement bien au delà de ses espérances tant la vengeance de Dwayne distille horreur mais aussi d’autres sentiments d’empathie bien plus troublants, créant un climat bien étouffant, imprévisible jusqu’à la dernière ligne. On est souvent secoué par les faits mais aussi par la réflexion que la prose de David impose. Il n’y pas de blanc et de noir, tout est gris, les victimes agissent comme des bourreaux tandis que les prédateurs font preuve d’une intelligence et d’une mansuétude inattendues. On regrettera juste la pauvreté des personnages féminins dans les romans de Joy alors qu’il sait rendre si attachants, troublants ces personnages masculins dépassés par leurs choix foireux à l’instar de grands devanciers comme Larry Brown ou Daniel Woodrell.

“Chaque choix avait des conséquences. Chaque pas qu’il avait fait au cours de sa vie avait mené à ceci. Le destin est un truc marrant, songea-t-il, le fait que les choses pouvaient sembler insignifiantes sur le moment, mais finir par être ce qui anéantirait la vie d’un homme. Il y avait tant de haine dans son coeur, tellement de dégoût, car il n’avait jamais eu les cartes pour remporter une seule main. Il y avait toujours eu deux choix: on pouvait s’allonger et encaisser, ou on pouvait attraper quiconque se trouvait à sa portée et l’étrangler afin de ne pas être le seul à souffrir. Ce choix avait toujours été facile, et sa décision ne fut pas différente à cet instant.”

Magnifique, bien joué David !

Clete.

PS: entretien avec David Joy.

LE POIDS DU MONDE de David Joy / Editions Sonatine.

Traduction: Fabrice Pointeau.

“Là où les lumières se perdent”, premier roman de david Joy avait été une très bonne surprise en 2016 et l’homme lors de ses interventions lors du festival America à Vincennes avait gagné rapidement la sympathie de tous, passionné et un peu habité, rien de tiède dans tous les cas. Parfait original, David Joy nous avait offert à cette époque un entretien de grande qualité.

“Là où les lumières se perdent” participait au grand rush de ces dernières années de romans noirs ou polars chez les bouseux ricains, surtout chez les plus tarés, qu’on nomme “rural noir” ou appalachien (qui fait plus classe) aux fins de lui donner des lettres de noblesse ou pour bien vous faire comprendre que vous aurez le cocktail habituel de flingues, de gros cons, de femmes battues, d’histoires misérables, de bastons, fusillades et outrances et une partie d’humanité, de compassion selon les livraisons, avec toujours comme reine de la fête l’inévitable meth, grande corruptrice qui rend furieux et parfaitement imprévisibles les tarés oligophrènes que l’on rencontre dans tous ces romans. Alors, au bout d’un moment le “rural noir”, ça va bien, ça tourne un peu en rond au niveau des intrigues qui sont dynamisées trop facilement par les actes des dégénérés quand ils sont sous acide.

Et puis, il y en a certains qui se distinguent, qui ont le petit truc qui émeut ainsi qu’une plume qui est capable de faire ressentir un peu de grandeur, de chaleur, d’humanité au milieu du cloaque, du carnage, de la misère. Et tout comme Benjamin Whitmer qui me vient de suite à l’esprit en illustration, David Joy sait lui écrire des très bons “country noir”  et pourtant…

Et pourtant “Le poids du monde”, je l’ai déjà lu précédemment et à de nombreuses reprises, je l’ai même déjà lu écrit il y a deux ans par David Joy. Choisissant donc de rester en terrain connu et sur une thématique déjà parfaitement évoquée , Joy écrit une nouvelle histoire de jeunes adultes en difficulté dans le comté de Jackson en Caroline du Nord avec trafic de meth et avec encore un côté œdipien bien ancré même si c’est par transfert…Du déjà vu donc mais c’est sans compter sans la puissance de la plume de l’auteur, sa propension à créer de l’empathie pour des personnages forts dans leur vie, dans leur complexité, dans leurs désirs d’une vie un peu moins moche. Le regard fraternel envers les paumés et ceux-là, au nombre de trois sont vraiment des damnés de la terre, est constamment apparent dans la narration exemplaire de David Joy.

Extrait de l’entretien de septembre 2016:

« Ce nouveau roman, The Weight of This World, m’est venu de la même manière, oui. J’avais un minuscule fragment de scène : je voyais deux amis allant acheter de la méthamphétamine, et je les voyais l’acheter à quelqu’un qu’ils avaient toujours connu. Je voyais que ce dealer avait amassé un tas d’objets volés en guise de paiement pour la drogue – quelque chose de très représentatif de là où je vis – et que dans le tas, il y avait des armes. Je le voyais se vanter d’avoir toutes ces armes volées, et pointer un flingue vers l’un des deux amis. Ils se lèvent subitement, et lui crient de ne pas faire ça. Le mec commence à rire, et leur dit de se détendre. Que le flingue n’est même pas chargé. Et il ajoute : « Regardez, vous allez voir… », tout en portant l’arme à sa tempe. Il appuie sur la gâchette, pour prouver que la chambre est vide, mais elle ne l’était pas. En une seconde, le type s’est fait exploser la cervelle. Alors tout d’un coup, les deux camés se retrouvent assis sur un canapé, avec une pile d’armes, de drogue et d’argent devant eux, et un dealer mort à leurs pieds. C’est la première image que j’ai eue, et c’est comme ça que commence l’histoire. On ne passe pas les vitesses une à une, on démarre sur les chapeaux de roue dès que le top départ est lancé. »

Aiden, à douze ans, a vu son père abattre sa mère avant de retourner son arme contre lui. Thad Boom a caché et hébergé son pote dans la caravane isolée dans laquelle il vit au fond de la propriété de son beau-père, triste sire passant sa vie à picoler et à battre sa femme. April, la quarantaine, est la mère de Thad, fruit d’une grossesse non désirée. Elle n’a jamais aimé son fils, s’en veut mais chaque jour, il lui rappelle sa jeunesse volée,  l’abandon par sa famille, l’humiliation, ses années de souffrance. Pendant l’absence de Thad, au combat en Afghanistan dont il reviendra bien déglingué, son alcoolo de mari enfin mort, April est devenue l’amante d’ Aiden. Du pur « white trash » et ce n’est que le début.

En l’absence de boulot pour eux, Aiden et Thad vivotent de petits vols minables et se défoncent.Et puis, cadeau des dieux, à la mort accidentelle et particulièrement nulle de leur dealer sous leurs yeux, les deux compères se retrouvent avec une quantité de came à revendre, une quantité modeste mais difficile à fourguer dans leur coin de miséreux. Commence alors une lente et longue descente aux enfers pour les trois, hélas bien désunis et démunis au moment d’affronter un cauchemar qu’ils ont eux-même convoqué.

Et dès les premières lignes, on cogne, on flingue, on gueule , on baise, ça pue le mauvais alcool, la came pourrie, les nanas barges, la sueur, le tableau accablant de la misère ordinaire … Roman violent, “ Le poids du monde” est mû par un tempo impeccable, pas de temps mots. Violence des actes dictés par la came, plongée sidérante dans la Cour des Miracles des tweakers  mais aussi dureté du propos, de l’histoire…des montagnes de Caroline de tristesse, d’injustice dégueulasse et la certitude que Dieu invoqué à un moment ne fera rien pour vous. Le seul cadeau céleste ici , c’est cette nature omniprésente que décrit souvent de bien belle manière David Joy, amoureux de sa région.

Roman particulièrement dur, désespéré, triste,  “Le poids du monde” est une belle tragédie américaine, une illustration de l’âpreté de l’existence, un peu à la “ Sinaloa cowboys” de Bruce Springsteen”.

Malheureux comme les pierres.

Wollanup.

PS: Côté zik, c’est également du bonheur avec du Jason Isbell et du Drive-by-Truckers, références musicales très logiques.

 

Entretien avec DAVID JOY « là où les lumières se perdent » chez Sonatine.

 

David Joy est l’auteur d’un premier roman sublime « Là où les lumières se perdent » paru chez Sonatine fin août 2016. En lisant l’entretien, vous comprendrez que David Joy est un mec bien , aussi précieux que son  roman.

Enjoy!

 

 

  • David Joy, Là où les lumières se perdent est votre premier roman. Qui êtes-vous, et d’où venez-vous ?

 

 

J’ai grandi à Charlotte, en Caroline du Nord, où la famille de mon père vit depuis la fin du XVIIè siècle. C’est donc un sacré euphémisme de dire que je tire mes racines de cet État. Dès le moment où ils ont posé le pied dans ce pays, mes ancêtres sont restés ici, dans le Piedmont, à vivre de l’agriculture – notamment celle du tabac et du coton, ces dernières années. Mes grands-parents maternels vivaient quant à eux dans les montagnes, à Wilkesboro, donc j’y allais souvent, quand j’étais enfant. À dix-huit ans, j’ai emménagé dans le Comté de Jackson, qui se trouve au cœur des Appalaches, et je n’en suis jamais parti depuis. À ce jour, j’ai passé presque la moitié de ma vie dans les montagnes, et j’imagine que j’y resterai jusqu’à ma mort. Je n’ai aucune envie de quitter cet endroit un jour.

Comté de jackson

Comté de Jackson, Caroline du Nord.

 

  • Comment avez-vous commencé à écrire ? Était-ce inné, ou avez-vous pris des cours d’écriture ?

 

 

J’ai toujours écrit des histoires, même enfant. Dans l’un de mes plus vieux souvenirs concernant l’écriture, je devais avoir cinq ans. Je ne savais même pas écrire. Mes parents possédaient cette vieille machine à écrire, sous l’une des petites tables près du canapé. J’avais l’habitude de la sortir et de taper à la machine. Comme je le disais, je ne savais pas écrire, alors j’expliquais à ma mère ce que je voulais dire, et elle m’épelait les mots. Je me souviens encore du son des touches, et de l’odeur de cette machine, quand le papier chauffait. Donc aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours écrit. Attention, ça ne veut pas dire que ce que j’écrivais était bon. En entrant à l’université, j’avais déjà probablement écrit un millier de pages, mais le fait est qu’il m’a fallu en écrire mille de plus avant d’obtenir un résultat convenable. J’avais la trentaine quand j’ai commencé à voir une réelle différence, et je pense que c’est à ce moment précis que l’idée d’être écrivain a vraiment pris forme. J’ai toujours adoré raconter des histoires.

 

 

  • L’intrigue se déroule en Caroline du Nord. Comme Ron Rash, pensez-vous que le lieu fait la personne ? Avez-vous le sentiment de mieux écrire, quand le sujet vous est familier ?

 

 

Si vous demandez à Ron de vous parler de son travail, il vous dira que tout est intimement lié à l’environnement, mais qu’il espère malgré tout que ça dépasse le cadre géographique pour atteindre un plus grand nombre de gens.  Il cite souvent Eudora Welty, qui disait : « Comprendre entièrement un seul endroit nous aide à mieux comprendre tous les autres. » Je crois que c’est la même chose, pour moi : j’écris sur les Appalaches parce que je ne connais rien d’autre. Ce n’est alors pas avec une page blanche, que je commence à travailler : je peux déjà y voir des lieux et des personnages qui me sont familiers. La voix de ces gens a un son bien particulier. Leur vision du monde est liée aux montagnes qui les entourent, et façonnée par elles. Mais j’ai le même espoir que Ron, en écrivant sur eux ; celui d’atteindre quelque chose de plus grand que cet endroit. Vous savez, un jour, on a demandé à James Joyce pourquoi il n’écrivait que sur Dublin, et voilà ce qu’il a répondu : « parce que si j’arrive à comprendre l’âme de Dublin, je peux comprendre l’âme de toutes les villes du monde. » Je pense que c’est le tour de force que tout écrivain souhaite réussir un jour.

Le monde à l'endroit de Ron Rash

Le monde à l’endroit de Ron Rash

 

 

  • Sur le site de Goodreads, vous avez chroniqué énormément de romans noirs dans lesquels la relation père/fils est au cœur de l’intrigue. Pensez-vous que l’histoire d’un homme est déjà tout tracée à sa naissance ? Si oui,  comment peut-il changer son destin ?

 

 

Je ne suis pas sûr de savoir si le destin d’une personne est déterminé uniquement à sa naissance, mais je peux affirmer avec certitude que beaucoup de gens nés dans un contexte désastreux ont un impact énorme sur la mobilité sociale. Dans d’autres termes, ce que j’essaye de dire c’est que, souvent, les gens naissent dans des situations qui les dépassent, et qui finissent par dicter qui ils sont. Mais ce n’est pas vrai tout le temps. Il y a certainement des gens qui ont réussi à s’en sortir malgré tout. Mais d’après moi, c’est très rare. Toute ma vie, j’ai vu des gens que j’aimais être victimes du monde dans lequel ils sont nés. Alors même sans en avoir la certitude, je crois que neuf fois sur dix, une histoire qui commence mal finira mal.

 

  • Vous nous avez dit que pour Là où les lumières se perdent, vous aviez été influencé par une image, et une chanson. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

 

Je pense que quand je commence à écrire, c’est toujours avec une espèce d’image en tête, ou parfois un bout de scène. Pour Là où les lumières se perdent, j’ai vu un jeune homme accroupi près d’un porc qu’il venait de tuer au couteau. Je pouvais sentir son père, debout, derrière lui, et je savais que ce gamin était au bord des larmes, mais qu’il devait le cacher à tout prix, sous peine de passer pour un faible. C’était la toute première image que j’ai eue de Jacob McNeely, et elle revient dans le roman, quand il revoit  un flashback de son enfance. Quoi qu’il en soit, j’avais cette image en tête, et je l’ai gardée un bon moment, en essayant d’écrire l’histoire de Jacob. Mais ça sonnait faux. La première fois, j’ai peut-être écrit dix-mille mots, que j’ai fini par brûler. La suivante, ça devait être trente-mille, que j’ai également brûlés. Des mois plus tard, l’histoire m’est soudainement apparue dans un rêve. Je me suis réveillé en plein milieu de la nuit, et j’entendais la voix de Jacob dans mon oreille, comme si elle était réelle. Il y avait cette musique, aussi, une chanson de Townes Van Zandt. « Rex’s Blues ». Quand j’y repense, je me dis que c’est à cause du sentiment de désespoir, de perte inévitable que véhicule ce morceau.  À mes yeux, ce roman était plus une tentative de reproduire une ambiance, une tonalité, un sentiment qui perdurait du début jusqu’à la fin, comme le fait cette musique de Townes. Cette chanson a ouvert la voie à tout ce que je voulais écrire.

 

  • Votre prochain roman, qui sera publié en 2017, a-t-il été écrit suivant le même procédé ? Quel en est le thème ?

 

 

Ce nouveau roman, The Weight of This World, m’est venu de la même manière, oui. J’avais un minuscule fragment de scène : je voyais deux amis allant acheter de la méthamphétamine, et je les voyais l’acheter à quelqu’un qu’ils avaient toujours connu. Je voyais que ce dealer avait amassé un tas d’objets volés en guise de paiement pour la drogue – quelque chose de très représentatif de là où je vis – et que dans le tas, il y avait des armes. Je le voyais se vanter d’avoir toutes ces armes volées, et pointer un flingue vers l’un des deux amis. Ils se lèvent subitement, et lui crient de ne pas faire ça. Le mec commence à rire, et leur dit de se détendre. Que le flingue n’est même pas chargé. Et il ajoute : « Regardez, vous allez voir… », tout en portant l’arme à sa tempe. Il appuie sur la gâchette, pour prouver que la chambre est vide, mais elle ne l’était pas. En une seconde, le type s’est fait exploser la cervelle. Alors tout d’un coup, les deux camés se retrouvent assis sur un canapé, avec une pile d’armes, de drogue et d’argent devant eux, et un dealer mort à leurs pieds. C’est la première image que j’ai eue, et c’est comme ça que commence l’histoire. On ne passe pas les vitesses une à une, on démarre sur les chapeaux de roue dès que le top départ est lancé.

 

 

  • Quand on lit Là où les lumières se perdent, on pense tout de suite à Daniel Woodrell, Ron Rash ou Larry Brown. Êtes vous d’accord avec cette comparaison ? Avez-vous été influencé par des auteurs en particulier ?

 

 

Vous ne pourriez pas tomber plus juste, avec ces noms-là. Ron Rash est à la fois un ami et un mentor, pour moi ; Larry Brown est peut-être mon auteur préféré de tous les temps ; et Daniel Woodrell est indubitablement celui qui a le plus influencé mon écriture de Là où les lumières se perdent. À ce moment-là, j’étais tout simplement obsédé par lui, plus particulièrement par deux de ses œuvres : La Fille aux cheveux rouge tomate, et La Mort du petit cœur. Pendant un mois entier, j’ai lu en boucle La Fille aux cheveux rouge tomate, surtout les premiers chapitres, parce que j’étais fasciné par le rythme, fasciné par le fait que Daniel ait réussi forcer ses lecteurs à lire soixante pages avant de leur donner la possibilité de reprendre leur souffle. Alors quand j’ai commencé à écrire Là où les lumières se perdent, je pense que j’ai essayé de reproduire un rythme similaire. Je voulais que ce livre bouge. Je voulais que mes lecteurs le prennent entre les mains, qu’ils commencent à le lire pour finalement lever le nez une heure plus tard et se rendre compte qu’ils ont complètement perdu la notion du temps. C’est ce que Daniel Woodrell fait de mieux, et c’est ce que j’aspire à faire moi aussi. Concernant les auteurs qui m’ont influencé, je pense que ce sont les mêmes que beaucoup de gens, dans le Sud : de Poe à Faulker, en passant par Flannery O’Connor et Cormac McCarthy, et de Larry Brown à Barry Hannah, William Gay et Ron Rash. C’est la lignée à laquelle j’appartiens. Ce sont de vrais modèles d’excellence, pour moi. Ces dernières années, j’ai aussi été influencé par un auteur du nom de Donald Ray Pollock. Tous ces auteurs me fascinent : il suffit de lire la première phrase de n’importe laquelle de leurs œuvres, pour savoir tout de suite à qui on a affaire.

  • Qu’en est-il des auteurs plus modernes ? Y en a-t-il quelques-uns dont vous vous sentez proche ?

 

Comme écrivains originaires du Sud qui possèdent le même héritage que moi, je pense à Mark Powell, Charles Dodd White, Robert Gipe, Alex Taylor, Glenn Taylor, Jamie Kornegay, Michael Farris Smith, Taylor Brown, Sheldon Lee Compton, et je pourrais continuer à donner des noms pendant un bon moment. Je pense que le premier roman de Robert Gipe, Trampoline, est le meilleur qui soit sorti des Appalaches l’année dernière, et de la même manière, je pense que le prochain roman de Michael Farris Smith, Desperation Road, qui paraîtra en début d’année prochaine sera simplement époustouflant. Voici deux livres écrits par des hommes de mon temps qui ont vraiment eu un impact gigantesque sur moi, ces dernières années.

  • Y a-t-il une question que nous aurions oublié de vous poser ?

Je voudrais juste sincèrement remercier tous les fans extraordinaires que j’ai rencontrés en France, ainsi que le Festival America et les éditions Sonatine pour avoir rendu tout ça possible. Vous savez, je n’avais jamais vraiment quitté la Caroline du Nord avant de commencer à vendre des livres, et je n’avais jamais pris l’avion non plus. Quand je pense que j’ai parcouru la moitié du globe et rencontré des gens exceptionnels qui apprécient mon travail, ça me fait toujours un peu bizarre. C’était rafraîchissant de pouvoir parler d’art et de littérature à Vincennes. Je pense que les lecteurs français sont courageux, et qu’ils n’ont pas peur de prendre le risque de lire quelque chose de différent. Et ça, ça change vraiment de là où je viens, parce que j’ai souvent l’impression que mon public ici ne comprend pas ce que j’essaye de faire, ou n’est pas prêt à se laisser porter vers les lieux où j’aimerais les emmener. Je suis profondément reconnaissant envers tous ceux qui m’aiment et me soutiennent, et j’ai vraiment hâte de revenir. J’espère être invité à Lyon, à un moment ou un autre, et si ça arrive, je vous y retrouverai bien volontiers.

david-joy

Muriel, Raccoon et Wollanup, septembre 2016.

PS: Nous avons eu la chance de  rencontrer David Joy à America mais pas suffisamment pour l’interviewer. Qu’à cela ne tienne, grâce au professionnalisme et à la gentillesse de Muriel Poletti de Sonatine avec qui j’ai l’énorme chance de collaborer depuis quelques années, nous avons pu lui  envoyer des questions qui sont revenues très rapidement et qui ont été traduites impeccablement par Jessica Haouzi. Quand les relations avec un service de presse sont de la sorte, je peux vous dire que c’est un enchantement d’avoir un blog.Merci!

LÀ OÙ LES LUMIÈRES SE PERDENT de David Joy chez Sonatine

Traduction : Fabrice Pointeau.

« Là où les lumières se perdent » est le premier roman de David Joy, jeune auteur américain qui est né et vit en Caroline du Nord où se déroule ce roman et c’est un grand premier roman !

« Caroline du Nord. Dans cette région perdue des Appalaches, McNeely est un nom qui ne laisse pas indifférent, un nom qui fait peur, un nom qui fait baisser les yeux. Plus qu’un nom, c’est presque une malédiction pour Jacob, dix-huit ans, fils de Charly McNeely, baron de la drogue local, narcissique, violent et impitoyable. Amoureux de son amie d’enfance, Maggie Jenkins, Jacob n’a guère l’occasion de se montrer romantique. Il est le dauphin, il doit se faire craindre et respecter, régler les affaires de son père de la façon la plus expéditive qui soit. Après un passage à tabac qui tourne mal, Jacob se trouve confronté à un dilemme : doit-il prendre ses responsabilités et payer pour ses actes afin d’aller vers la lumière, ou bien s’enfoncer encore dans les ténèbres en suivant la voie paternelle ? Alors que le filet judiciaire se resserre autour de lui, Jacob a encore l’espoir de sauver son âme pour mener une vie normale avec Maggie. Mais cela ne pourra se faire sans qu’il affronte son père, bien décidé à le retenir près de lui. »

David Joy connaît bien les Appalaches et les décrit de belle manière avec ses zones sinistrées où les trafics vont bon train. L’alcool et les cachets sont la norme pour les gamins de cette petite ville, tellement petite qu’il n’y a qu’une seule école, de la maternelle à la terminale, et puis il y la meth… Il y a aussi des touristes et de riches bobos en quête d’authenticité qui se font construire des maisons luxueuses au bord de lacs magnifiques, mais ces deux mondes s’ignorent.

L’histoire de David Joy se situe dans le monde de la meth qui délimite la vie de Jacob McNeely : son père est le trafiquant local et sa mère une junkie complètement détruite par la dope. Son avenir est tout tracé et il n’a jusqu’à présent pas eu le cran de refuser ce destin, il a quitté l’école dès ses seize ans et seconde son père dans ses activités : manque de courage mais surtout fatalisme et sentiment de ne pas mériter mieux. Il n’a pas froid aux yeux mais il n’a aucun espoir, aucune illusion, il s’enfile cachets et pétards pour supporter cette vie et guette les rares moments de lucidité de sa mère. On pense à Ree d’ « un hiver de glace » de Woodrell.

C’est Jacob le narrateur, terriblement mûri par tout ce qu’il a vu, il porte sur ce monde sombre et glauque un regard acéré, sans illusion et ironique, même si c’est douloureux. Et puis il y a Maggie, avec qui il a partagé une enfance à l’abandon dans les montagnes des Appalaches et qui peut aller à l’université et peut-être partir de là. Seule chaleur dans sa vie, elle ranime en lui une petite étincelle terriblement dangereuse : l’espoir, un espoir de rédemption, d’une vie meilleure qui le pousse à choisir son destin et à affronter son père. David Joy fait vivre cette tension dans son écriture, les contradictions entre l’envie de l’espoir et la certitude de l’échec, on est happé, fasciné par Jacob et on le suit avec frayeur.

On est dans un milieu dur et  violent, le père, chef de bande cruel, sans scrupule, sans pitié règne par la terreur sur son domaine et son fils en fait partie. Dans ce petit coin des Appalaches, la seule loi qui vaille est celle du plus fort, la police, la justice s’achètent. La velléité de Jacob de partir va avoir des conséquences qu’il ne mesure pas et on sait dès le début qu’il n’en sortira pas indemne.

La fatalité, la tyrannie, la révolte, la trahison, l’affrontement père/fils… des ingrédients de tragédie classique qui rendent ce bouquin si fort et le hissent vers l’universel. Une tragédie chez les rednecks !

Un livre noir, puissant, magnifique.

Raccoon

La chanson attachée au personnage pour David Joy :

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