Invariablement quand je me plonge dans la lecture d’un conte, d’un récit sylvestre, mon esprit s’incline vers celle de Julien Gracq pour « Un balcon en forêt » édité en 1958. Le côté contemplatif, passif du lieu sied parfois à y décrire une atmosphère pesante, angoissante. L’économie du mot et des superlatifs convient de même à y implanter un registre aride, d’où l’isolement concourt, en contrepoint, à assembler l’inertie, propice au raptus…. Cette histoire romancée correspond justement à ces critères et l’on peut se questionner sur les passages écrits et ceux vécus, en ayant la connaissance du type d’existence du géniteur de l’ouvrage.

« Même si n’importe quel bout de terre ici-bas appartient toujours à quelqu’un, la forêt reste la forêt : pas celle des hommes, celle des mythes ; celle des rêves et des peurs. On aura toujours peur au fond des bois à la nuit venue, quoi qu’on dise. »

Hans a neuf ans. Et sa vie va basculer deux fois en l’espace de soixante-douze heures : la première quand sa mère lui annonce que l’homme auprès de qui il a grandi n’est pas son père. La deuxième quand sa mère décide qu’il est temps pour lui de partir à la rencontre du vrai, de celui qui s’en est allé il y a dix ans, Alex, qui vit maintenant en pleine forêt, loin des hommes, à quelques centaines de kilomètres de là. »

La pratique de la scalpation ou scalp était une pratique bien connue lors des conflits de la conquête de l’Ouest par les Amérindiens. Le fait de retirer le cuir chevelu représentait un trophée retiré à son adversaire mort ou vif. L’explication que je me fais du choix de ce titre m’est peut-être apparue vers la clôture de celui-ci. Mais j’y ai vu aussi de la défiance envers une frange de la société qui s’octroie des droits péremptoires et contraint autrui à vivre selon des codes liberticides où la différence produit le rejet.

Cyril Herry possède cette indéniable connaissance de la forêt, de ses clartés et de ses ombres. Il croque un roman noir minimaliste, qui s’inscrit dans une vague actuelle qui pourrait paraître redondante, en conjuguant les affects d’adultes en quête de réponses et ceux d’un enfant en quête d’un père, donc de son histoire.

L’esbrouffe n’est pas au rendez-vous, encore moins le sensationnalisme, mais on est bien dans un roman de souffle et de vérité. La forêt n’est pas un leurre, elle est bien un personnage à part entière. Et les êtres qui gravitent dans cet espace en sont impactés, néanmoins malgré des vertus naturelles elle dresse bien un rideau d’opacité ou de flou épais.

Dans ce récit articulé en trois parties, les questions se font plus pressantes au fil des pages et les questions plus urgentes. Malgré une première partie, posant les fondations du récit, souffreteuse, l’écrit s’affirme dans l’équation à deux inconnues de la mère et du fils tentant de démêler un écheveau. L’écriture n’est pas pompier et il y a une lecture entre les lignes….

La forêt et les arbres ont des racines souvent invisibles à l’ œil nu!

Chouchou.