Traduction: Laurence Romance.
L’histoire américaine se nourrit de mythes et Charles Manson est devenu une icône au même titre qu’Elvis ou Marylin Monroe, pas pour les mêmes raisons mais entraînant lui aussi une fascination toujours très présente, plus malsaine évidemment.
Cinquante ans après les massacres et les meurtres qui ont coûté la vie, on suppose, à neuf personnes et notamment à Sharon Tate l’actrice et épouse de Roman Polanski, enceinte de huit mois le mythe est toujours vivant et continue à attirer, à rester une bonne machine à fric pour le grand et le petit écran. “Once upon a time in Hollywood” de Tarantino est bâti autour de Tate et donc certainement sur la boucherie. La deuxième saison de “Mindhunter” série de Netflix sera consacrée à la Famille Manson. A signaler que les deux fois, Manson est joué par Damon Herriman, acteur australien très remarqué en redneck à la connerie surnaturelle dans “Justified” la belle série initiée par Elmore Leonard. Prochainement aussi devrait sortir “Charlie says”, un long métrage de la réalisatrice d’ « American Psycho », une spécialiste donc des jolies sucreries.
Manson est mort en 2017 mais sa légende subsiste, s’enrichit. On a beaucoup lu sur son histoire mais jamais, on n’avait jamais entendu sa version de l’histoire, enfin chez nous, puisqu’ elle n’ avait jamais été traduite en français. C’est chose faite, les éditions Séguier ont eu la bonne idée d’éditer le livre vieux de trente ans. Certains auront peut-être peur de s’engager dans la lecture des “confessions” et pourtant, ce n’est que dans les toutes dernières pages que l’horreur est au rendez-vous. Il est évident qu’on peut raisonnablement douter de l’honnêteté du propos d’ un Manson plus gogo que gourou comme on peut mettre en doute certains bouquins écrits à charge parlant d’envoûtement, de satanisme.
“J’étais un moins que rien qui savait à peine lire et écrire, qui n’avait jamais lu un livre entier de toute sa vie, ne connaissait que les prisons, n’avait pas été fichu de garder ses épouses, s’était révélé un maquereau minable, s’était fait prendre à chaque fois qu’il avait volé, n’était pas assez bon musicien pour s’imposer sur le marché, ne savait que faire de l’argent, même quand il en avait, et haïssait aux tripes tout ce qui ressemblait à une structure familiale établie. Mais une semaine après la publication de l’ histoire de Sadie, voilà que j’étais le charismatique leader d’une secte baptisée la “Famille”, un génie capable d’endoctriner les gens et de leur faire accomplir toutes ses volontés.”
Ecrit par Nuel Emmons, un ancien camarade de prison, “Charles Manson par lui-même “ est avant tout l’histoire d’un petit Américain très ordinaire, fils d’une mère de seize ans aux mœurs légères et alcoolique et qui, dès l’âge de douze ans, dans les années 50, a connu les centres de redressement puis la prison, un petit délinquant, un loser. Emprisonné en 60 pour proxénétisme, il ressort en 67 et retrouve une Californie très différente, le « flower power » et cela lui plait beaucoup. Lui aussi veut connaître l’amour libre, se trouve une fille puis une deuxième, vit avec les deux, s’achète un van Volkswagen et parcourt la Californie: “Peace and Love”, herbe, acide, LSD… pour finir par former une communauté de plus de trente cinq personnes dans ses grandes heures et dont il est le leader. Tout le monde est sous acide, sa vingtaine de femmes, âgées de vingt ans et moins, en rupture de famille ou de mari et quelques hommes attirés par la came et le cul libre et facile. Pour tenir, la communauté a besoin de thune et on vole des bagnoles, tout ce qui peut être revendu, on deale, on couche avec qui peut servir les intérêts de la « famille »…
“… un bon aperçu de la génération qui prédominait dans les années 60. Certains fuyaient des foyers bancals et des expériences traumatisantes, d’autres quittaient des familles solides parce qu’ils ne voulaient plus subir les contraintes morales imposées par leurs parents. Tous cherchaient une façon de vivre qui leur permettrait de de s’exprimer et d’être acceptés par les gens avec qui ils voulaient être.”
Parallèlement Manson rêve d’une carrière de chanteur et crée des liens avec Dennis Wilson des Beach Boys aussi déchiré que lui par la drogue. La chanson “ Never learn not to love” présente sur l’album 20/20 du groupe est d’ailleurs une composition de Manson qui a également côtoyé plusieurs fois Neil Young ainsi que des grands producteurs hollywoodiens.
Pas de quoi fouetter un chat tout cela mais comme on connaît la fin, on se demande comment toute cette bande de camés très mous du bulbe va déraper, comment va-t-on arriver à l’indicible? Et c’est passionnant, comme tout le reste du bouquin qui se dévore comme un très bon roman noir. Dingue, mais pas trop néanmoins, Charles Manson qui entend des messages pour lui dans les chansons “Helter Skelter” et “Piggies” de l’album blanc des Beatles, qui a déjà taillé le bout de gras deux fois avec Jésus, que certaines de ses “femmes” prennent pour le messie justement, se met en retrait le mieux qu’il peut dans l’enchaînement des événements qui ont mené aux massacres.
L’innommable est présent parfois mais plus dans les attitudes, dans les réflexions, que dans la description des faits sanglants. L’absence de remords de Manson et de la « Famille » choque, laisse coi.
Quand on regarde les visages angéliques et encore enfantins des “femmes” de Manson, on a du mal à comprendre la barbarie. On s’interroge encore sur les réelles motivations de ces actes dont un des moteurs est sans conteste l’acide.
Pour les fondus de Noir comme pour ceux qui veulent connaître un peu mieux la Californie de l’ère du “Summer of love”, l’ambiance du quartier de Haight-Ashbury de San Francisco centre du monde hippie de la fin des années des années 60… un must hypnotique.
Un site très utile sur la « famille Manson ».
Wollanup.
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