La fracture du manque, la souffrance de la perte de son phare existentiel, de son mât d’arrimage conjugue son  fil d’ariane sur le temps du passé composé. La lumière reste faible dans les ténèbres et les stigmates indélébiles de différentes vies, de parcours traumatiques s’additionnent pour prouver que philosophie et recherche de sens individuel contrastent avec des actes percutants, soufflés par des messages politiques non conventionnels.

« Bienvenue à Marseille, où un étrange phénomène se produit.Dès qu’un élu prononce un discours, une horde d’activistes l’en empêche en se lançant dans une véritable « foire à la baston ». Derrière ces happenings d’une rare violence, il y a plusieurs hommes et femmes aux parcours et aux motivations bien différents. Paolo, l’inventeur du concept et le meneur du groupe ; Lang, ancien photographe de guerre au passé peu clair. Olivia, l’ex de Lang ; Awa, qu’il a connu dans sa première vie. Et un gamin, Arsène, qui va finir par jouer un rôle crucial dans cette affaire. »

Journaliste indépendant Cédric Fabre vit et travaille à Marseille, anime des ateliers d’écriture, passionné de culture Rock, il est l’auteur de romans tel que Marseille’s Burning (2013 La Manufacture de Livres)

Lang traine un mal être foré dans sa sinueuse trajectoire professionnelle où se sont émulsionnées horreurs ultimes des terrains de conflits et fuites inassumées de directions instinctives ou irréfléchies. Son amertume, c’est aussi, donc, l’amputation du membre périphérique le plus vital à son cœur, à son bide, à sa capacité d’avancer. Bien qu’il tente de s’accouder, bien qu’il tente d’émerger sa tête d’un marigot putride, un boomerang incessant lui lacère violemment la face ! Les piquets d’ancrage que sont Awa, Arsène, Old Mo ou Paolo restent friables dans leurs propres ambivalences ou leurs propres méandres opaques. Ils sont beaux aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur mais ne possèdent pas nécessairement les attributs adéquats pour apaiser le feu rampant des entrailles de Lang.

« Nous suivons le flot des gars qui rejoignent la manifestation, ils descendent La Canebière d’un pas rapide, drapeaux roulés sous le bras, tee-shirts de la CGT et foulards rouges et noirs, ils vont encore écouter du reggae et « antisocial » de Trust, couverts par les slogans à la voix nasillarde crachés dans le mégaphone et qu’on comprend rarement. Certains ont des masques de protection qui dépassent de leur poche arrière. Ça sert à rien de se défendre des gaz lacrymo, il faut inverser le processus, faire pleurer ceux qui te brûlent les yeux, les émouvoir aux larmes, peut-être avec dix mille personnes qui entameraient en chœur, immobiles et face aux flics, « Juste une mise au point » de Jakie Quartz. »

Ce court passage, à mes yeux, partiellement sans nul doute, dévoile le style et l’esprit de l’auteur. Entre profond amour de ses personnages d’airain façonnés avec vigueur, empathie, mise à jour de leur mode de fonctionnement personnel inter humain inscrit dans ce processus politique moderne, on assiste, sans être simple spectateur, à un certain déclinisme contrebalancé par un paradoxal optimisme du tréfonds. Cédric Fabre sait jongler, sait détourner notre attention tel un hypnotiseur thérapeute pour nous instiller humour, critique sociale et politique, sans oublier cette posologie homéostatique d’une étude psychologique fondée de ses personnages. L’architecture complète nous fait, alors, tour à tour sourire, provoque un inévitable bruxisme , impose la réflexion délibérément entrouverte par le géniteur du récit ET porte avec alacrité une indéfectible volonté de transmettre notre ressenti.

Passeur d’idées, passeur de sens sachant manier le tempo Rock, le tempo Soul !

N.B. : A noter une belle playlist hétéroclite….(ponctuant soit son écriture, soit pour illustrer son récit….)

Chouchou.