Une poignée de baraquements balayés par le vent et la neige, voilà pour la photo de couverture et pour le décor de ce court premier roman. Solak, territoire au-dessus du cercle polaire, loin de notre tumulte, sort tout droit de l’imagination de Caroline Hinault ; mais dès le prélude notre autrice nous attrape par le col, et on comprend immédiatement qu’elle ne va pas nous relâcher avec douceur.
Piotr, Roq, Grizzly et « le gosse » : ils sont quatre à tenter de vivre sur ce bout de terre gelé.
Piotr, le sage, l’ancien, le chef aux 20 ans de Solak. C’est lui notre interlocuteur. Roq, militaire comme Piotr, bien bas du front, mauvais, malsain. Mais pas caricatural. Le scientifique Grizzly est là pour mesurer, interpréter et comprendre la nature autour ; le drapeau planté dans la cour ne le concerne pas.
Igor le suicidé qui part dans une boîte lors de la scène inaugurale : un sacré échange ! Le vivant qui prend la place du mort, le quatrième, c’est « la recrue« , « le gamin« , ou l' »enfoiré de muet à la con« , militaire également. C’est cet arrivant muet le cœur de l’histoire, le détonateur.
Qu’ont-ils donc fait pour être balancés sur ce « Désert des Tartares » polaire ? Ce qu’on en saura suffira à l’autrice pour nous envoyer une histoire de vengeance bien froide mêlée à une excellente critique de la masculinité et de ses aspects les plus abjects.
Malgré quelques moments de grâce sur cette nature polaire magnifique, Caroline Hinault met ses personnages à rude épreuve ; c’est à un véritable enfer qu’elle les soumet. Ils sont quatre, mais ce n’est pas un groupe, seulement des solitudes les unes confrontées aux autres dans une immensité tant déserte que glacée. Et il y a cette écriture pleine de bris de verres, coupante comme le vent qu’elle fait hurler sans cesse, comme les lames de fond qu’elle fait jaillir des carnets tenus par « la recrue« .
Alors « Solak » premier roman publié, d’accord. Premier écrit ? Pas sûr. Parce que si la construction est somme toute classique, Caroline Hinault a un sacré coup de stylo, elle aligne les directs et les uppercuts comme d’autres enfilent des perles. Jamais elle ne s’essouffle, la courte longueur de « Solak » est une trâlée de poings tous placés.
Si dès le départ on comprend que ça va mal finir, c’est tout le talent de l’autrice de maîtriser et manier cette puissante tension dont seul l’époustouflant dénouement nous donnera la clef qui fait de ce roman un plaisir de lecture.
NicoTag
C’est avec des sons glanés au cours d’un périple polaire que Molécule a enregistré son album -22,7°C dont voici Âriâ :
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