Traduction: Flavia Robin.

“Jake”,  premier roman de l’ Américain Bryan Reardon a connu un franc succès lors de sa sortie en 2015. Si, en fin de lecture, vous avez le même sentiment que moi sur ce roman, vous comprendrez aisément pourquoi il a tant plu là-bas et quel public a pu louer ses qualités.

“Simon Connolly est l’heureux père de deux enfants, Jake et Laney. Sa situation d’homme au foyer est pour le moins originale et Simon n’est pas toujours très à l’aise dans ce rôle. Mais, cahin-caha, la famille coule des jours paisibles… Jusqu’au matin où Doug Martin-Klein, un gamin insociable dont Jake est le seul copain, tire sur plusieurs camarades de classe avant de se donner la mort.
Les survivants et les blessés sont peu à peu évacués, mais Jake est introuvable. Et très vite soupçonné d’être le complice de Doug.
Commence alors pour Simon une véritable descente aux enfers. Comment une chose pareille a-t-elle pu arriver? Comment a-t-il pu ne rien entrevoir du drame qui se profilait? Jake est-il coupable? Où est-il passé?”

Après un court prologue montrant que le personnage principal du roman sera bien le père, Simon, et que l’on suivra la tragédie dans sa tête et un court chapitre sur la conception de l’enfant ,“Jake” démarre à un rythme infernal, racontant les premiers instants après la tuerie dans le lycée, terrible plaie ricaine, déjà 18 fusillades dans des écoles depuis le début de l’année. Toute cette partie, fulgurante, vous cloue au fond de votre fauteuil, vous terrorise et même plus si vous êtes vous-même géniteur d’un ado. Étonnement, peur, angoisse, effroi, incompréhension, colère, doute, sentiment de culpabilité, toutes les nuances du cauchemar que vit Simon sont bien amenées, montrées. Malgré des qualités littéraires très moyennes, on se prend bien la chape de plomb qui s’est abattue sur Simon et on veut savoir ce qui s’est vraiment passé, quelle a bien pu être la relation entre Doug et Jake pour arriver à ce massacre.

Hélas, autant dans l’urgence Reardon se montre efficace autant son écrit devient franchement pénible quand il raconte l’ histoire de Simon avec Jake de sa naissance à quelques heures avant le drame. Ces chapitre insipides montrant que Simon et son épouse sont des parents formidables, que Simon a du mal à se faire des relations dans la version locale de “Desperate housewives” dans laquelle il vit ses journées de père au foyer, que Jake a toujours été un enfant puis un ado formidable, altruiste, un ange, sont d’un ennui et d’une niaiserie qui plombent toutes les 20 pages le suspense créé par la tension du présent et tout cela pour pas grand chose en ce qui concerne la genèse. Mais il est certain que s’il n’avait pas croisé ces flash-backs avec les événements dramatiques pour les regrouper en début de roman, je ne serai pas là à vous parler de ce pensum.

“Jake” est le premier roman de Reardon et on peut se demander quelle est la raison qui a pu le pousser à emprunter le même chemin que les deux romans “Il faut qu’on parle de Kevin” de Lionel Shriver paru chez Belfond en 2003 et “Le bon père” de Noah Hawley paru à la Série Noire en 2014, qui sont tous deux de vraies pépites sur le même thème. Quelle originalité dans le traitement pouvait bien apporter Bryan Reardon ? L’ innovation vient bien sûr du dénouement où l’auteur, en livrant les clés de l’intrigue, a voulu jouer sur l’émotion . Et, de fait, il en a beaucoup joué, usé, dans l’excès, dans une grandiloquence très américaine, et certains moments sont couverts, à la truelle, de bons sentiments, de niaiseries indigestes avec des sommets de très mauvais goût comme l’histoire d’un labrador. « Le bon père » de Noah Hawley était un formidable roman d’amour filial, ici, on en a sa triste parodie. Oh, bien sûr, cela va faire pleurer, pleurnicher dans les chaumières et les yeux embués, vous ne verrez peut-être pas les incohérences, les invraisemblances qui jalonnent la fin de l’histoire.

Indigeste.

Wollanup.