Traduction:François Happe.
Bob Shacochis n’est pas un inconnu des lecteurs français puisque est déjà paru chez nous « Au bonheur des îles » également chez Gallmeister. Pour ce nouveau roman paru en 2013 aux USA, il a été finaliste du prix Pulitzer devancé par « le chardonneret » de Donna Tartt. Si les deux romans n’ont pas grand-chose en commun, on peut néanmoins dire qu’ils partagent une qualité d’écriture qui habille toujours ce qu’on appelle les grands romans. Correspondant de guerre lors de la deuxième occupation d’Haïti par les Américains en 1994 succédant au terrible précédent débuté en 1915 et terminé en 1934, Shacochis s’est servi de son expérience pour situer une partie de son intrigue dans cette île, première de la Caraïbe à avoir obtenu son indépendance, modèle à suivre autrefois et maintenant honte de tous les Caraïbéens tant le fiasco du pays est visible.
« Jackie Scott, alias Renee Gardner, aussi connue sous le nom de Dottie Chambers ou Dorothy Kovacevic, est retrouvée morte au bord d’une route en Haïti. Qui était-elle réellement et dans quelles circonstances vient-elle de disparaître ce jour de 1998 ? Nombreux sont les hommes qui aimeraient répondre à ces questions et comprendre cette femme qui les obsède. De l’avocat Tom Harrington au membre des forces spéciales américaines Eville Burnette, chacun tente de rassembler les pièces du puzzle. Mais comment percer le mystère de cette fille de diplomate, familière depuis toujours de ceux qui façonnent l’histoire du monde dans l’ombre des gouvernements. »
Alors comme « la griffe du chien » de Winslow, comme « Underworld USA » de Ellroy dont une partie se passe aussi en Haïti, « La femme qui avait perdu son âme » est un roman impressionnant de 800 pages qui nécessite une grande disponibilité, une attention soutenue mais qui seront récompensées au centuple. Ceux qui ne sont pas venus à bout de « Pukhtu » de DOA vont connaître des difficultés au moins similaires. Le propos est complexe mais très clair si vous faites l’effort de chercher sur tablette ou ordi des compléments d’information aux faits et périodes qui vous sont présentés et que vous avez oubliés et tout cela avec un style magnifique, fruit de 10 années d’un travail colossal pour votre éblouissement. J’ai parlé de Haïti en préambule mais il y a aussi les Balkans et la Croatie, l’Afrique, l’Allemagne, la Turquie, les USA bien sûr…dans un décor complexe pour vous offrir 50 ans de guerre sur la planète, un demi-siècle d’horreur quel que soit le pays couvert avec la même cruauté humaine quelle que soit la latitude.
Formidable roman d’espionnage comme les œuvres de Le Carré, « La femme qui avait perdu son âme » est aussi un magnifique roman d’amour et un réquisitoire terrible contre l’homme guerrier tout en donnant de nombreuses clés géopolitiques. Il serait vain de tenter de parler de ce qui s’y passe réellement mais sous la description de théâtres sanglants, derrière l’aventure se glissent de bien beaux sentiments, de belles pages à savourer et des réflexions sur l’humanité de très, très haut vol.
« La femme qui avait perdu son âme » est un roman génial dans lequel il faut faire l’effort d’entrer pour les 150 premières pages et qu’on ne peut quitter ensuite qu’à regret, ébahi,ébloui par la formidable histoire qu’on a vécue.Vous n’en sortirez pas indemnes.
Géant.
Wollanup.
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