Traduction: Christine Laferrière
Alors que la rentrée littéraire pointe son nez, arrive avec elle les premiers coups de cœur. Et quel premier coup de cœur ! Les éditions Mirobole (comme souvent) frappent fort avec le roman d’une auteure tchèque, Bianca Bellová, sobrement nommé Nami. Un roman fort et percutant ou l’auteure dresse un tableau de l’humain particulièrement sombre.
Voici l’histoire d’un jeune garçon qui grandit sur les rives d’un lac en train de s’assécher, quelque part au bout du monde…
Un village de pêcheurs. Un rivage qui recule de manière inquiétante. Les hommes ont de la vodka, les femmes des soucis, les enfants de l’eczéma. Nami, lui, n’a rien, hormis sa grand-mère aux mains immenses. Mais il a aussi un destin devant lui, un premier amour, et tout ce qui suit. Cependant, quand une vie commence à la toute fin du monde, elle peut peut-être finir à son début. Cette histoire est aussi vieille que l’humanité. Pour son héros, jeune garçon qui se lance dans sa quête avec pour seules armes son obstination et le manteau qui appartenait à son grand-père, il s’agit d’un pèlerinage.
Magnifique roman d’initiation, Nami est aussi une légende contemporaine autour du courage et du destin.
Nami est un roman court dit d’initiation ou beaucoup de thèmes sont abordés. C’est d’ailleurs l’une des forces de ce récit, parler de choses importantes en peu de pages sans tomber dans la facilité. Chaque événement pèse dans le déroulement de l’histoire et laisse à réfléchir. Sans pour autant être moraliste.
Rapidement durant la lecture se pose la question de savoir où se situe l’histoire, dans quel pays ? Et tout en progressant cette interrogation grandira. Nous avons des indices mais tous se contredisent et nous mène dans une réelle perte de repères. On pense bien évidemment aux Balkans, à la République Tchèque ou encore à l’Afghanistan. Des pays qui ont connu l’occupation russe, seul indice qui nous permet de nous repérer un temps soit peu. Le constat est toujours le même, ce pays imaginaire est en proie à la mort : le lac s’assèche et en même temps que les eaux se retirent, la vie disparaît. L’ambiance générale laisse peu de place aux couleurs : paysages de villages et industriels noircis. Même la capitale est peu reluisante. Au final on se retrouve en plein désert. Si vous voulez vous en faire une image, regardez les films de Bela Tarr, entre autres les Harmonies Werckmeister.
Dans ce roman, les humains vivent à crédit. Certes nous sommes tous voués à mourir mais ici, la mort est permanente. On pourrait même dire que c’est un personnage à part entière. Les humains meurent et donnent la mort, physique ou psychique. Le lac emporte les hommes, les machines et le travail emportent les hommes, les hommes emportent les animaux et inversement, les hommes emportent les hommes. Serait ce exagérer de dire que tout n’est que misère, cette misère qui touche autant les ouvriers, paysans ou bourgeois? Chaque scène que vit Nami est marquante. De son village en passant par les champs de soufre, par la capitale jusqu’aux tréfonds du désert. Dans ce roman on perçoit peu d’espoir, ou alors il faut ouvrir les yeux et rester attentif.
Nami est une entité, presque seule touche de couleur qui durant son voyage portera le désespoir sur son dos et l’espoir à bout de bras. C’est un événement tragique qui le poussera à partir. Durant son périple il sera témoin de toute l’horreur et la violence dont l’homme et la nature peuvent faire preuve. Mais aussi, d’une certaine manière, de la beauté. Il partira en quête de sa mère, et comme dans tous les romans d’initiation, il devra passer des obstacles et des épreuves. S’il n’a rien d’un Indiana Jones, il se fera argonaute en quête de sa mère pensant que le monde peut s’éclaircir à son contact…
Nami pose un regard terrible sur les mondes paysans, ouvriers et bourgeois qui n’ont pour seul dessein : la destruction. Et pour voir un bourgeon fleurir, il faut ouvrir les yeux et s’armer de patience. Car tout est possible, Nami en est la preuve.
Nami est un grand roman que j’emporterai partout avec moi pour le glisser entre toutes les mains. Faîtes de même !
Bison d’Or.
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