Jérémy Bouquin n’arrête pas. Il est partout, sur chaque passe décisive, de toutes les échappées à l’approche du col à venir. Sûr que le prochain contrôle antidopage lui sera fatal. Mais en attendant, c’est toujours un plaisir de retrouver ses personnages de petites gens pas vraiment gâtées par le destin. Nous pourrions bien entendu évoquer ses nombreuses nouvelles numériques chez Ska, ses Enfants de la meute au Rouergue, son Chien de guerre aux éditions du Caïman, et ainsi de suite. Mais c’est avec une pensée pour son Précédent Maurice de 2020, dans la même collection Polaroid (Dirigée par Marc Villard pour les éditions In8 si besoin de le rappeler, soit plus de trente novellas en 12 ans) que nous entamons le présent Baraque à frites. Maurice était un gamin mutique et déboussolé, Julien n’a guère plus de chance dans la cartouchière. Si le parcours du bringuebalé Maurice cumulait les chaos, celui de Julien est morne, cadenassé et sécurisé par la vigie maternelle. Trentenaire autiste, il tient une friterie forcément nordiste, avec Maman donc. Il gère, la production, la cuisson, la caisse. Il gère, il assure, depuis toujours. Julien gère, ne sait faire que ça et le fait bien. Mais un rien peut déstabiliser la précarité de l’équilibre : un mot de travers, une cliente trop jolie, une question en marge. Au moindre écart, même le plus infime, la terre tremble, le ciel tourne, les séismes grondent. Alors, lorsque le drame majeur survient, un vent de panique se lève. Pas comme Maman qui justement, ce matin-là, ne se lève pas. Un ou deux samaritains plus ou moins bons, veillent et épaulent l’orphelin sans amarres. Mais aucun horizon n’existe sans Maman. Seul un miracle pourrait tirer Julien du marasme. Une fée, peut-être ?

Un autre joli moment de vie crue signé Jérémy Bouquin, en 80 pages vives, servies au rythme soutenu de phrases courtes, denses et dansantes.

JLM