On ne va pas se mentir, c’est un recueil de nouvelles autour de l’univers du groupe montpelliérain “les sheriff” considéré à l’époque, années 80 et 90 comme l’un des pionniers de la scène punk française, les Ramones de chez nous… Et, en toute franchise, malgré mon âge canonique qui m’avait permis de  prendre en direct dans ma tronche d’ado acnéique la vague Sex Pistols, Clash et autres Sham 69… à l’époque de l’arrivée des Nicollin’s boys de la Paillade, j’étais passé à vraiment autre chose, juste une petit détour vers les cousins d’Elmer Food Beat comme petite picouze de rappel, pour le fun. Et ce n’est donc pas en fan du groupe que j’écris ces quelques lignes, pas de nostalgie, pas de Madeleine de Proust pas davantage de Marocain d’ Agadir et franchement du punk héraultais, c’est un peu comme du métal antillais… tss, tss, tss.

Alors, à quoi bon si le punk n’a jamais été votre flasque de bourbon ? A quoi bon si pendant les quinze années de leur gloire (84/99), les énervés languedociens ne vous ont pas rendus à moitié sourds ou complètement barrés avec leurs compos agitées comme nombre de kepons de l’époque? 

Tout simplement parce que, dois-je le rappeler, ici on tente de parler bouquins au départ, de noir principalement et s’il y a un peu de zik, un peu de rock intelligent ou très con mais qui sent la vie, l’authentique, qui dégage, exhale les excès, les galères quotidiennes, le bitume et les salles enfumées ou napalmisées à la kro ou à la Jenlain pour les plus poètes mais aussi le kitsch ou le glam hé, c’est encore mieux. 

L’auteur de la quatrième de couverture est d’ailleurs sûrement une ancienne vieille ordure punk (no future, l’anarchie à deux balles et tout le folklore… sympa à l’époque et très pesant maintenant, le folklore pas l’homme non cité, précisons), un pogoteur criminel, un addict de la Valstar rouge, ne s’est peut-être jamais remis de Damned à Mont de Marsan en 76, trouvait peut-être que les Dogs étaient un peu trop tendres, arborait des badges des Dead Gregory’s.  Peut-être, peut-être pas… mais dans tous les cas, aujourd’hui assurément un toxique du chroniqueur lambda. Allez donc mettre quelque chose après.

 “Fomenter un recueil de nouvelles autour des chansons des Sheriff flirte avec l’évidence. Si les liens entre rock’n’roll et textes courts ne sont plus à démontrer, même urgence, même cruciale nécessité d’aller à l’essentiel, ils deviennent une symbiose flagrante lorsque s’en mêle le goût du sprint ou le rejet du gras et des digressions.”

On peut penser légitimement que la seule règle fixée préliminairement aux auteurs fut de prendre un morceau du groupe et d’en faire ce que bon leur semblait du moment qu’il y ait du sang, de la sueur et des larmes et que cela ait un rapport certain ou au moins un certain rapport avec les Sheriff, leur univers, leur vie, leur oeuvre… de près comme de très, très loin. 

 Eddy Bonin, Marion Chemin, Pierre Domengès, Serguei Dounovetz, Alain Feydri, Patrick Foulhoux, Giuglieta, Guillaume Gwardeath, Stéphane Le Carre, Jean-Noël Levavasseur, Jean-Luc Manet, Karine Medrano, Stéphane Pajot, Stanislas Petrosky, Jean-Bernard Pouy, Frédéric Prilleux, Thierry Saltet, Luna Satie, Marc Villard et Max Well soutenus par Nasty Samy dans la préface ont fait une belle boucherie. “C’est pas Verdun” scandent les Sheriff, non, c’est bien pire. 

Le recueil explose, saute à la gueule, les nouvelles partent dans tous les sens, parfois n’ont  aucun sens d’ailleurs. Ah tout n’est pas parfait, bien sûr, un skeud punk entièrement réussi, c’est rare aussi. Je ne citerai aucun auteur en particulier, pas envie de chatouiller certaines sensibilités mais assurément c’est la belle surprise du moment. Des auteurs reconnus, des connus, des moins connus, des méconnus, des inconnus et aussi des potes qu’on découvre un peu plus entre les lignes. 

Du premier choix. De l’humour, de la rage, de la nostalgie, de la colère, des coups de latte, des souvenirs évoqués, des souvenirs inventés et surtout une âme, de la vie, le système D élevé au rang d’institution, la galère au quotidien et le quotidien galère. C’est puissant, ça cogne “ à coups de batte”: des rats des villes contre des porcs de la cambrousse, la France des cités contre la France dessinée par Macron, les banlieues blafardes et le soleil de Daytona Beach, des westerns épiques et le far-ouest finistérien, le pays de Mickey et un pays décimé, les départementales en J7 et les artères de L.A. en Camaro, le commandant Van der Weyden  “C’est quoi ce bordel là Carpentier?” et Joey Ramone, la France jaune des ronds points et la fange Le Pen / Ménard, Liam Gallagher qui se fait défoncer, une Angie Dickinson en 504 immatriculée dans le 34… ne manquent plus que les petits gars de la Butte Paillade 91, un soir de match à la Mosson contre le PSG et le carnage aurait été parfait, l’ultime.

“On est Les Sheriff… et on fait du bruit! “ et pas qu’à Landerneau.

Bravo les filles, merci les mecs pour ce pur moment de Rock n’ Roll.

Wollanup.