Traduction: Céline Deniard
Les romans sur la frontière entre les USA et le Mexique sont de plus en plus nombreux et remportent souvent du succès car ils garantissent violence extrême des narcotrafiquants, désespoir et misère des candidats souvent malheureux au rêve illusoire du mirage américain donc souvent au menu : actions sanglantes, trafics sordides et hélas aussi parfois vaines pages explicatives de la politique migratoire de l’oncle Sam opposée à la porte de saloon qui tient lieu de frontière côté mexicain malgré les promesses réitérées des dirigeants du pays.
Les candidats à l’émigration comme dans tous les autres coins du globe où la misère devient tellement insupportable qu’on est capable de faire n’importe quoi pour s’en sortir et montrer que l’on est encore un homme sont légion et le Mexique se trouve donc pays de migration mais aussi de transit de multiples populations sud et centraméricaines et tous ses damnés se ruent vers Tijuana sinistre ville-frontière, antichambre de l’enfer bien souvent pour ses candidats au départ. « Des gens pauvres, des gens désespérés, qui respirent un air qui pue la merde et boivent une eau qui les rend malades. C’est aussi horrible que la prison- pire, parce que ici on vous dit que vous êtes libre. »
Bienvenue donc à Tijuana où vit Luz, fille de prostituée d’un bidonville devenue la pute de luxe d’un vieux narco avant de devenir l’épouse objet de luxe et pute d’un autre narco, el Principe. Après des années de drogue et de cachetons, Luz se rappelle qu’elle a une petite fille qui vit cachée à L.A. et elle décide de s’enfuir de sa prison dorée pour la retrouver pour son quatrième anniversaire et en finir avec cette vie.
Pour l’aider à passer la frontière, elle va s’adjoindre les services de Malone une épave américaine à qui l’heure indique uniquement l’alcool qu’il doit boire vodka ou bière et qui fait passer des clandestins vers les USA afin de se payer sa mort lente. Malone, détruit par la mort de sa fille, triste type au look de surfeur mais très loin des branleurs racistes et élitistes californiens bon teint de « Savages » de Winslow, prend tous les risques sans sourciller car il est déjà mort dans sa tête.( En aparté, mais cela me chagrine quand même beaucoup, comment un auteur capable d’écrire un monument comme « la griffe du chien » peut-il ensuite se satisfaire de tels romans ?)
En face, El Apache, a grandi à Tijuana, est rentré dans un gang de façon tout à fait normale comme on entre à l’université parce qu’il n’y a pas d’autres choix, comme ses frères, va se lancer à la poursuite de la belle avec obligation de résultats car sa famille est sous la menace directe d’El Principe. Il va s’allier à un agent de la police des frontières américaine véreux intéressé par tout argent pouvant être dérobé et tout particulièrement à celui que Luz a volé à son mari.
Ce roman, c’est de la pure adrénaline. Lange montre la réalité mais ne commente pas et propose un récit passionnant sans réelle perte de vitesse sur 340 pages survoltées avec des points culminants lors de l’évasion de Luz et bien sûr lors du duel final prévisible et attendu et au déroulement inattendu. Ce n’est pas le combat du bien contre le mal, c’est bien autre chose de plus indéfinissable, plus la survie dans un monde de merde où tout acte qui vous sauve, au diable la morale qu’on laisse aux nantis, est justifiable. C’est tendu, violent, difficile d’en sortir une fois commencé telle la cavale désespérée de Luz.
« Angel Baby » n’a pas toutes les qualités littéraires que l’on trouve habituellement chez « Terres d’Amérique » peut-être, il ne séduira pas forcément le même lectorat mais ouvrira certainement la collection à un public plus jeune et plus avide de récits survitaminés. La puissance d’écriture de Richard Lange est impressionnante et son roman est un magnifique polar à rapprocher du très réussi « Tijuana straits » de Kem Nunn. Plaisir garanti ! Puissant !
Wollanup.
PS : Et puis un auteur qui met les paroles de la chanson « River Guard » du talentueux chanteur d’alt country Bill Callahan en introduction de son roman a, d’emblée, au moins, toute ma sympathie.
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