The Boatman’s Daughter
Traduction : Laure Manceau
Nous l’avions salué en son temps, le premier roman d’Andy Davidson, Dans la vallée du soleil, sorte d’horror western, nous avait accroché en 2020. Il était plus que temps que son second opus nous parvienne, qui lui aussi a été remarqué par la critique anglo-saxonne.
Par une nuit noire, alors que la tempête se déchaîne, Hiram navigue au cœur du bayou. Il emmène la vieille sorcière Iskra et une petite chose difforme recouverte d’un tissu taché de sang. Le bateau accoste au bord d’un lac, Iskra s’enfonce dans la forêt. Hiram l’accompagne, laissant seule sa fille de onze ans, Miranda. Cette nuit de cauchemar, Miranda ne l’oubliera jamais. L’obscurité a englouti son père et a enfanté un bébé mutant qu’elle a pris sous son aile. Pour lui, elle trafique de la drogue sous les ordres d’un pasteur fou et vicieux. L’enfant grandit sous la protection d’Iskra et de sa magie noire, attendant impatiemment les visites de “Sœur”. Mais des puissances aussi bien humaines que surnaturelles ont décidé de s’en prendre à eux.
Abandonnant le décor minéral et poussiéreux du South West, Andy Davidson plante son thriller horrifique dans le bayou glauque de l’Arkansas, aux lisières du Texas. Son sens du détail fait merveille pour évoquer le caractère foisonnant d’une nature inhospitalière, où la pourriture côtoie la profusion. Il semble évident qu’un tel environnement contamine les créatures humaines qui s’y abritent. La touffeur abîme les corps et fait moisir l’âme. Dans les méandres de la Prosper River, Miranda et son frère adoptif Littlefish, pauvre créature difforme qui n’est pas sans rappeler le Gollum, semblent bien isolés au milieu de sinistres personnages, révérend damné, flic pourri, nain interlope, trafiquants sanguinaires. Seule Iskra la sorcière pourrait être leur alliée. Mais sa science plonge aussi ses racines dans l’envers d’un noir absolu du monde, elle dialogue avec les puissances des ténèbres.
Le roman s’épanouit dans un kudzu de violence sans merci, d’avidité et de magie noire, lustré par une prose nerveuse et séduisante. Mais tandis ce qui monte des sous-bois et des eaux noires menace de nous balayer dans un flot de terreur, Andy Davidson réussit à nous faire toucher du doigt des psychologies abouties et tourmentées, au bord de l’abîme, ou bien alors qui voient la rédemption palpiter comme un fanal dans la tempête. Même dans le bizarre, il existe des jeunes filles qui aiment leur père, leurs proches, aussi étranges soient-ils, et sont prêtes à aller jusqu’au bout pour protéger ce précieux.
Un avatar luisant de vase et de sang noir du Southern Gothic, parfait de tension dramatique.
Paotrsaout
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