Traduction : Amandine Py.

Alexis Ravelo est né et vit aux Grandes Canaries. Il a écrit des pièces de théâtre, des nouvelles, des contes et des romans noirs, a reçu le prix Hammett en Espagne en 2013 : ce n’est vraiment pas un débutant ! « Les fleurs ne saignent pas » n’est pas son premier roman, mais c’est le premier traduit en France, et j’espère qu’il ne sera pas le dernier…

« Dans la liste des crimes les plus idiots au monde, le kidnapping de la fille d’un parrain de la mafia locale figurerait en deuxième ligne, juste après le braquage d’un commissariat de police. C’est pourtant le gros coup qu’ont décidé de monter Lola, le Marquis, le Sauvage et le Foncedé, une bande de combinards rêvant d’une vie meilleure…

Bienvenue aux Canaries, un décor de carte postale et des plages paradisiaques derrière lesquelles se prépare un duel rocambolesque entre deux mondes : petits escrocs, leur code d’honneur en bandoulière, contre barons en col blanc abonnés aux magouilles et à la corruption. »

On pourrait croire à la lecture de la quatrième de couverture et des surnoms des truands qu’on va lire un roman burlesque à l’ancienne. Certes le style est vif et enlevé et l’action rocambolesque car cette histoire d’arnaque est menée de belle manière, mais on n’est pas dans une farce. C’est un univers bien noir où la corruption et la violence règnent que nous fait découvrir Alexis Ravelo.

Dans cette île, paradis des vacanciers, le tourisme rapporte énormément d’argent. Les requins des affaires rappliquent forcément avec les magouilles qui vont avec. Les mafias aussi ne sont pas loin, jamais quand un secteur rapporte tellement qu’il est facile d’y blanchir de l’argent. On découvre les puissants locaux dont le pouvoir est accentué par l’insularité et d’autres issus de mafias mondialisées qu’on retrouve partout où l’argent coule à flot, mafias modernes, sans code d’honneur et hyper violentes.

La bande d’escrocs d’Alexis Ravelo n’est pas composée que de pieds nickelés, même si certains sont vraiment hauts en couleurs. Ces personnages sont extrêmement attachants : ce sont des êtres humains avec leurs problèmes et leurs failles. Ils ne sont pas intéressés par un maigre salaire même régulier et ils sont doués dans leur domaine, un peu comme Dortmunder et sa bande. Le tourisme leur fournit un flot de pigeons et ils vivent de petites arnaques en essayant de ne pas faire couler de sang. En vieillissant, ils ont envie de se poser, mais ils ne tentent pas ce gros coup sans réfléchir.

Alexis Ravelo présente tous ses personnages en les suivant au fil de l’histoire et tous sont réussis, humains, crédibles qu’ils soient attachants ou pas car il y a aussi de sacrées ordures et des brutes sans états d’âme.

On est prévenu que rien ne se passera comme prévu, Alexis Ravelo construit son roman en alternant le récit de ce kidnapping, depuis sa conception, avec l’interrogatoire d’un des protagonistes a posteriori. On sait qu’il y aura des morts, et pour mal tourner, ça va mal tourner ! La belle mécanique de cette histoire se grippe : Alexis Ravelo ajoute grain de sable après grain de sable avec talent et intelligence.

Les Canaries version noir : vif et prenant.

Raccoon